Intervention de Bernard Cazeneuve

Réunion du 26 janvier 2017 à 15h00
Questions d'actualité au gouvernement — Relations diplomatiques avec les états-unis

Bernard Cazeneuve, Premier ministre :

Monsieur Raffarin, je tiens tout d’abord à vous remercier de votre question, à la fois précise et large, comme celle de M. Bourquin.

Quels que soient les propos parfois excessifs tenus en début de mandat par un responsable politique à la tête d’une grande puissance, l’histoire des derniers siècles montre que l’on ne peut rien contre la force de l’histoire, des valeurs et des liens construits dans le temps long de l’histoire, pour reprendre une notion chère à Fernand Braudel.

Que nous indique ce temps long de l’histoire ? Que nous sommes unis aux États-Unis, de façon irréversible, par des valeurs qui ont conduit les Américains à prendre leurs responsabilités devant l’histoire et à venir fouler le sol de notre pays pour que l’ensemble de l’Europe puisse recouvrer sa liberté. En tant qu’élu de Normandie, je n’oublie pas cette histoire glorieuse, puissante, qui unit nos deux pays. Nous partagions alors une même aspiration à la liberté, à la lutte contre le totalitarisme, une même conception de la tolérance et, surtout, du respect que les grandes nations se doivent les unes aux autres, sans lequel il n’y a pas de stabilité du monde.

Je crois que cette histoire-là est plus forte que tout. La première chose que nous avons à faire, dans le calme et la maîtrise, c’est de rappeler, en France et en Europe, l’indestructibilité de ces liens.

Par ailleurs, il nous faut agir, et vite, d’abord au sein de l’Union européenne, pour que, sur les trois sujets que vous avez évoqués, notre réponse soit claire et ferme.

S’agissant de l’environnement et de la COP 21, nous avons obtenu, sous l’autorité du Président de la République, avec Laurent Fabius et Ségolène Royal, ce grand accord parce que nous sommes parvenus à emporter l’assentiment d’autres grandes nations, qui n’étaient pas nécessairement, au départ, acquises à ce que nous proposions. Nous avons réussi parce que la voix de la France a porté et que l’Union européenne s’est exprimée avec elle pour faire en sorte que cet accord soit signé. Nous mettrons la même énergie, monsieur Raffarin, à le faire appliquer. L’Europe, dans son unité et au travers de son dialogue avec d’autres continents, notamment l’Afrique, agira pour que cet accord soit scrupuleusement mis en œuvre, conformément à son texte et à son esprit.

Concernant la déstabilisation du monde par le terrorisme, nous avons, là aussi, une responsabilité commune. Au sein de l’Union européenne, nous avons à faire la démonstration de notre puissance. J’évoquais tout à l’heure les chantiers ouverts : la réforme du code frontières Schengen, la montée en puissance de FRONTEX, la nécessité de mettre en œuvre des décisions que nous avons mis onze ans à prendre –je pense notamment au PNR, désormais adopté, que nous devons mettre en place rapidement, à l’interconnexion des fichiers, à la nécessité d’engager, sur la question migratoire, un dialogue renforcé, au niveau de l’Union européenne, avec le continent africain, notamment les pays de la bande sahélienne, de manière à enrayer, par la coopération et le développement, l’immigration économique.

Quant à l’accord sur le nucléaire iranien, pour lequel la diplomatie française, sous l’autorité de Laurent Fabius, s’était très fortement mobilisée, nous devons le préserver.

Dans cet esprit, nous mettrons à profit tous les rendez-vous internationaux et européens, dans le cadre d’une alliance approfondie avec l’Allemagne. En effet, quand l’essentiel est en cause, c’est l’axe franco-allemand qui doit affirmer les ambitions et indiquer clairement la direction à suivre, pour faire en sorte que les intérêts de l’Europe soient préservés et défendus.

Sur le plan de la défense européenne, il convient, en prenant les dispositions que j’indiquais tout à l’heure en matière de renforcement des politiques de défense, de réaliser les investissements nécessaires, de rassembler nos industries, de renforcer nos capacités de projection.

Nous devrons également défendre nos intérêts économiques et commerciaux, par la mise en place d’une politique européenne dépourvue de toute naïveté, visant à protéger nos filières d’excellence.

Voilà ce que nous ferons, en profitant de toutes les occasions pour promouvoir les politiques utiles, en faisant en sorte, pour répondre à la déstabilisation du monde, que les logiques multilatérales que vous avez évoquées l’emportent sur toutes les formes d’excès et d’outrance, afin que l’ordre du monde soit un ordre de paix, de tolérance, de respect et de liberté.

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