Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens moi aussi à remercier le groupe écologiste d’avoir demandé l’inscription à notre ordre du jour de ce débat, dont l’intitulé même – « aider les victimes à parler » – est assez effrayant, en ce qu’il révèle la difficulté, voire l’impossibilité, pour les victimes, de sortir du silence, et l’existence, dans notre société, d’une forme de tolérance à l’égard des violences sexuelles que rien ne saurait justifier.
Les chiffres qui expriment l’ampleur du phénomène des violences sexuelles ont été rappelés. D’après l’Institut national d’études démographiques, chaque année, quelque 580 000 femmes et 197 000 hommes sont victimes de violences sexuelles. C’est énorme, d’autant que les enquêtes de l’INED ne portent que sur les personnes âgées de 20 à 69 ans, alors que, malheureusement, beaucoup d’enfants subissent aussi de telles violences.
Ajoutons que seulement 10 % des victimes des actes les plus graves portent plainte, les autres n’osant pas le faire parce qu’elles ont honte d’évoquer des faits commis le plus souvent au sein de la famille ou par des membres de l’entourage. On sait en outre – c’est aujourd'hui une réalité médicale pleinement avérée – que les victimes, en particulier les enfants, sont fréquemment atteintes d’amnésie post-traumatique. Leur cerveau occulte par tous les moyens une violence d’autant plus traumatisante qu’elle est généralement le fait de proches, de personnes en qui elles ont confiance. Cette amnésie post-traumatique peut n’être levée que bien tardivement, hors délai de prescription pénale. Je reviendrai bien entendu sur ce dernier point.
La négation collective de l’ampleur des violences sexuelles tient enfin au fait que les viols sont beaucoup trop souvent requalifiés en attouchements.
Or les victimes sont blessées, dans leur chair et dans leur esprit, non seulement par l’agression subie, mais aussi par le déni de leurs proches et de l’ensemble de la société.
À ce propos, comme Mireille Jouve, je suis choquée que, au nom de la liberté de création, on se permette de mettre en avant des personnalités du monde de la culture ayant commis des violences sexuelles. Outre Roman Polanski, on pourrait citer Gabriel Matzneff, primé pour des ouvrages qui relatent de tels actes en leur conférant un caractère presque romantique, voire poétique…