Nous sommes donc bien face à une tolérance collective à l’égard des violences sexuelles.
Le constat étant posé, comment agir ? Je voudrais évoquer plusieurs pistes juridiques.
Tout d’abord, depuis la loi du 5 novembre 2015, les professionnels de santé ont la possibilité, et non l’obligation, de signaler les cas de violences sexuelles. Ils hésitent à le faire, faute de garanties en termes de confidentialité et de protection. Il faut absolument rouvrir le débat juridique en reconsidérant les dispositions du code pénal en cause.
Ensuite, j’évoquerai l’un de mes sujets de prédilection, sur lequel je me suis engagée dès 2013 au côté de Muguette Dini, à savoir l’allongement des délais de prescription. En effet, en matière de violences sexuelles, les délais de prescription ne sont pas du tout en adéquation avec la réalité médicale, notamment l’amnésie post-traumatique. À cet égard, il est profondément regrettable que le texte de la proposition de loi portant réforme de la prescription en matière pénale, qui comporte de bonnes dispositions, à l’instar du doublement des délais de prescription pour les crimes et délits, et dont l’adoption devrait intervenir le 7 février prochain, ne fasse plus aucune distinction, en matière de violences sexuelles, selon que les victimes sont mineures ou majeures, comme si ce point n’avait finalement guère d’importance ! J’espère que nous aurons l’occasion de rouvrir ce débat.
Par ailleurs, il faut se donner les moyens d’entendre les victimes et de les prendre en charge. Des progrès substantiels ont été réalisés dans ce domaine, notamment au sein des commissariats, pour mieux recueillir les témoignages des victimes. Toutefois, nous aimerions que Mme la ministre nous apporte des éléments d’information sur le rôle des brigades de prévention de la délinquance juvénile, qui, apparemment, depuis la circulaire du 20 avril 2016, n’interviennent plus lors des auditions d’enfants victimes de violences sexuelles.
Enfin, la prise en charge des victimes, comme l’ont dit les deux oratrices précédentes, est quasi inexistante aujourd’hui. Au mieux, les conséquences physiques immédiates de l’agression sont traitées ; ses effets psychologiques sont rarement pris en considération, en tous cas jamais dans la durée. Or la violence sexuelle est comparable à une forme d’affection de longue durée nécessitant un traitement global du corps et de l’esprit sur le long terme, qui n’existe pas aujourd’hui.
Il en va de même pour les auteurs de violences sexuelles, qui ont eux aussi besoin d’être accompagnés et traités pour ne pas récidiver. Aujourd’hui, une telle prise en charge n’existe pas. Or elle est absolument nécessaire si l’on veut éviter ce phénomène presque épidémique de récidive des auteurs de violences sexuelles, qui sont parfois d’ailleurs d’anciennes victimes.
La violence sexuelle n’est pas une fatalité ni une simple déviance acceptable, fût-ce au sein du couple. Ce n’est pas une question de parité ou d’égalité entre femmes et hommes ; c’est une question de société d’une urgence absolue, surtout au regard de la progression des rapports sexuels non consentis entre mineurs et de la diffusion croissante d’images mettant en scène de tels rapports, phénomène qui me donne à penser que le plus dur est encore devant nous.