Intervention de Corinne Bouchoux

Réunion du 2 février 2017 à 10h30
Violences sexuelles : aider les victimes à parler — Débat organisé à la demande du groupe écologiste

Photo de Corinne BouchouxCorinne Bouchoux :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier chaleureusement Esther Benbassa d’avoir pris l’initiative de ce débat et le groupe écologiste d’en avoir demandé l’inscription à l’ordre du jour.

Je regrette que nos travées soient quelque peu clairsemées. On y dénombre ce matin trois fois plus de femmes que d’hommes : c’est le Sénat à l’envers ! Visiblement, ce sujet ne touche pas certains de nos collègues…

J’ai choisi d’axer mon intervention sur la protection des mineurs victimes de violences sexuelles.

Les violences sexuelles constituent encore un tabou, absolu dans le cas des mineurs. La honte, la peur de voir sa parole contestée et le sentiment qu’il est impossible de mettre en cause l’auteur des faits prennent souvent le dessus, d’autant que ce dernier est souvent un proche. En outre, la situation post-traumatique ajoute un stress très intense à celui né de l’agression : des troubles de la mémoire et un sentiment de culpabilité empêchent souvent les victimes de sortir du silence et de révéler les faits.

Rappelons que la parole est particulièrement difficile, sachant que 80 % des victimes ont été agressées par des proches, des membres de la famille ou des amis. On oublie trop souvent que l’on compte aussi des hommes parmi les victimes.

Cependant, victimes et professionnels sont unanimes : il faut parler pour espérer surmonter le traumatisme. La parole est le premier jalon d’une libération.

S’il faut libérer la parole des victimes, il faut également libérer celle d’éventuels témoins : personnels éducatifs, voisins, proches, amis, personnels médicaux… Nombreux sont ceux qui ont des soupçons et s’interrogent mais hésitent à parler, faute d’être protégés ou de peur d’« aggraver les choses » ou d’« accuser à tort ».

Dans cette perspective, il convient de rappeler que tout signalement sera suivi d’une enquête menée par des professionnels, qui permettra de déterminer si la personne est bien victime de violences à caractère sexuel. En réalité, les personnels de terrain savent souvent identifier les situations, comprendre les rapports de force et deviner les problèmes. Ce sont eux, et seulement eux, qui seront à même de définir si la personne a été ou non victime d’agression sexuelle.

Pour que les agressions sexuelles ne soient plus aussi fréquentes qu’elles le sont aujourd’hui, il est indispensable d’entendre les victimes et de renforcer la prévention. La formation des professionnels, quels qu’ils soient, est perfectible. Dans le domaine éducatif, des modules de formation au sein des écoles supérieures du professorat et de l’éducation sont prévus par les textes : pourriez-vous nous rassurer, madame la ministre, quant à leur effectivité ? Dans les domaines médical, judiciaire et social, un certain nombre d’acteurs devraient être mieux protégés. À cet égard, Mme Jouanno a souligné les limites des textes que nous avons votés en 2015. Il pourrait être utile d’y revenir.

Comment combattre le sentiment de peur éprouvé par certains médecins et professionnels de santé placés dans une position extrêmement délicate, qui peuvent ne pas se sentir soutenus ? Comment limiter leurs craintes de s’exposer à des poursuites judiciaires ? Comment faire en sorte que les victimes ne redoutent pas d’être attaquées en diffamation lorsqu’elles révèlent des faits avérés ?

L’interdisciplinarité et le travail d’équipe doivent être érigés en priorité.

Enfin, j’évoquerai une question taboue : celle de l’amélioration des procédures de recrutement des professionnels en contact avec les enfants. Si des progrès ont été accomplis au sein de l’éducation nationale, des problèmes subsistent en ce qui concerne les associations. Celles-ci doivent pouvoir s’assurer de la bienveillance des bénévoles sans pour autant les effrayer. Quant aux communes, qui doivent désormais organiser les activités périscolaires et périéducatives, elles ont de ce fait la responsabilité délicate de recruter les animateurs. Je ne suis pas sûre que l’on demande à beaucoup d’entre eux de fournir un extrait de casier judiciaire… J’ai tendance à penser que, sur ce plan, un important chantier est devant nous.

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