Intervention de Nicole Duranton

Réunion du 2 février 2017 à 10h30
Violences sexuelles : aider les victimes à parler — Débat organisé à la demande du groupe écologiste

Photo de Nicole DurantonNicole Duranton :

Très peu de victimes portent plainte, par honte, par crainte, par pudeur, par peur de détruire la cellule familiale.

À la lumière de ces chiffres alarmants, on comprend très bien quel est l’enjeu majeur de la lutte contre les violences sexuelles : comment faciliter et accompagner la parole des victimes ? Comment l’encourager ?

Si le Parlement renforce les protections à l’endroit des victimes de violences sexuelles en matière de prescription, nous devons également nous pencher sur les dispositifs nécessaires à la libération de la parole. L’impunité et le silence ne doivent jamais être la règle.

Notre pays doit nécessairement renforcer tous les dispositifs de prévention au bénéfice des personnes les plus exposées, expliquer où se situent les limites de l’acceptable, diffuser un message de tolérance zéro à l’égard des actes odieux et encourager la parole. Sortir du silence permettra aux victimes de mieux se reconstruire.

L’accompagnement des victimes et de leurs familles doit être renforcé pour éviter tout enfermement et, surtout, toute culpabilisation.

La justice doit avoir les moyens de remplir pleinement son rôle et de sanctionner, au nom de la société, ces actes odieux.

Il faut commencer par faire de la pédagogie en milieu scolaire, et ce dès le cours préparatoire. C’est un bon moyen de prévenir l’installation d’un silence souvent dévastateur.

Les violences sexuelles sont traumatisantes. Certaines et certains n’en parlent que difficilement, seulement avec l’aide d’un thérapeute. D’autres n’y arrivent jamais.

Les violences sexuelles sont celles qui, potentiellement, affectent le plus fortement le psychisme. Plus l’agression touche le corps, plus elle vise l’intimité, plus elle est humiliante, plus elle est dévastatrice pour la victime.

La force physique, quant à elle, n’est pas nécessairement employée dans les violences sexuelles : c’est la raison pour laquelle il n’en résulte pas toujours des traumatismes physiques.

Les atteintes à la santé génésique, à la santé mentale et au bien-être social comptent parmi les conséquences les plus courantes de la violence sexuelle.

Une étude française portant sur des adolescentes conclut également à l’existence d’un lien entre le fait d’avoir été violée et l’apparition de troubles du sommeil, de symptômes de dépression, de plaintes somatiques, la consommation importante de tabac et certains troubles du comportement courant, comme le fait d’avoir une attitude agressive. Ces manifestations sont propres à chaque victime et varient avec le temps.

C’est pourquoi la victime doit être aidée et accompagnée de façon très personnalisée. Il me paraît essentiel que nous débattions de l’importance des approches individuelles.

Les soins et le soutien psychologique, par l’intermédiaire de conseils, d’une thérapie et de groupes de soutien, se révèlent utiles après des agressions sexuelles, surtout lorsque le processus de rétablissement est compliqué.

Certains faits montrent qu’un programme de courte durée, alliant thérapies cognitive et comportementale, suivi peu après l’agression peut contribuer à une atténuation plus rapide du traumatisme psychologique subi. En effet, les victimes de violences sexuelles se sentent souvent responsables de ce qui leur arrive, et il est démontré qu’il est important, pour leur rétablissement, de traiter ce sujet en psychothérapie.

Pour faire face à ce fléau dramatique, des actions concrètes doivent être mises en place. Nous devons en être les garants.

Les questions relatives à la violence sexuelle doivent être en partie traitées lors de la formation de tout le personnel des services de santé, y compris les psychiatres et les conseillers sociopsychologiques. À mon sens, les travailleurs de la santé seraient ainsi mieux sensibilisés à ce problème. Mieux informés, ils seraient mieux à même de détecter les cas de violences sexuelles et de les signaler.

Les campagnes de prévention sont également essentielles. Nous avons tous ici en tête des campagnes violentes et très réalistes sur la sécurité routière. Dans d’autres pays, la télévision est utilisée efficacement pour alerter le grand public sur les violences sexuelles.

À mes yeux, il est nécessaire d’accorder davantage d’attention à la prévention primaire de la violence sexuelle. Celle-ci est d’ailleurs beaucoup trop souvent négligée au profit des services aux victimes. Nous pourrions renforcer la prévention primaire par le biais de programmes diffusés dans les écoles, en mettant l’accent sur les violences sexuelles dans le cadre de la promotion de l’égalité des sexes.

Il faut également améliorer la formation des policiers et des gendarmes, qui sont souvent les premiers interlocuteurs de la victime souhaitant dénoncer son agresseur.

Si l’on n’a pas reçu une formation adaptée, il est difficile d’adopter le bon comportement pour ne pas brusquer ou inquiéter une victime déjà très fragilisée. Nos policiers et nos gendarmes se dévouent pour protéger nos concitoyens. Leur apporter ce type de formation va directement dans le sens de l’amélioration du service rendu à la population.

La violence sexuelle est un problème de santé publique courant et grave, qui affecte des milliers de personnes chaque année en France. Elle est dictée par de nombreux facteurs qui agissent dans différents contextes économiques, sociaux et culturels. L’inégalité des sexes est au cœur de la violence sexuelle dirigée contre les femmes, mais il ne faut pas non plus négliger la violence sexuelle dirigée contre les hommes : elle existe elle aussi, et est sûrement encore moins dénoncée.

Mes chers collègues, notre débat prouve que, sur ce sujet si grave, la représentation nationale est totalement mobilisée. Elle ne recule pas et refuse de céder du terrain à la criminalité sexuelle. Nous devons nous engager ensemble, et fermement, pour mettre fin aux violences sexuelles et faire baisser les chiffres effrayants qui ont été cités.

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