Intervention de Laurence Rossignol

Réunion du 2 février 2017 à 10h30
Violences sexuelles : aider les victimes à parler — Débat organisé à la demande du groupe écologiste

Laurence Rossignol, ministre :

Les subventions n’ont pas été réduites, au contraire, mais le volume d’activité des associations, qui sont les premiers recours des victimes, s’est accru.

Il s’agit de permettre aux professionnels de mieux repérer les violences. Travailleurs sociaux, personnels soignants, magistrats, fonctionnaires de police, gendarmes ou responsables associatifs : tous, dans leurs fonctions respectives, sont des maillons essentiels d’une même chaîne. La cohérence et l’articulation de leurs interventions sont essentielles pour garantir aux victimes une prise en charge optimale.

Il est donc impératif que toutes et tous disposent des mêmes repères et puissent s’approprier des outils communs. Quels que soient le professionnalisme, l’investissement et l’empathie dont chacun fait preuve, nul n’est à l’abri des préjugés, des interrogations ou des maladresses face à un phénomène qui doit être appréhendé dans toute sa complexité pour être traité de manière efficace.

Poser les bonnes questions aux victimes, offrir un cadre d’écoute qui les aide à trouver les mots, leur rappeler qu’elles ne sont en rien responsables ou coupables de ce qu’elles ont subi : c’est le préalable indispensable pour libérer leur parole. Voilà pourquoi nous avons fait de la formation des professionnels une priorité du quatrième plan de lutte contre les violences faites aux femmes, qui a couvert la période 2013-2016. Cette priorité donnée à la formation s’est traduite par la création de plusieurs outils, élaborés par la mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences, la MIPROF. Plus de 300 000 professionnels ont ainsi bénéficié d’actions de formation depuis 2014.

Concrètement, des fiches réflexes sur l’audition des victimes de violences sexuelles sont désormais à la disposition des forces de police et de gendarmerie ; plus de 500 urgentistes référents « violences », spécifiquement formés, ont été désignés dans les hôpitaux ; la MIPROF a réalisé un kit de formation et un kit de constatation en urgence disponible dans les centres hospitaliers ; les magistrats peuvent suivre un stage de trois jours en formation continue à l’École nationale de la magistrature ; des modèles de certificats médicaux, élaborés en lien avec le conseil de l’Ordre des médecins, ont été mis en ligne sur le site internet de la MIPROF, ces certificats médicaux constituant des éléments de preuve obligatoires pour engager une action judiciaire ou permettre aux femmes de bénéficier d’une ordonnance de protection et, le cas échéant, d’un téléphone « grave danger ».

Cette dynamique vertueuse est poursuivie et amplifiée au travers du cinquième plan interministériel de lutte contre les violences faites aux femmes, que j’ai présenté au mois de novembre dernier.

Ces actions de formation ont ainsi été étendues à d’autres métiers, dans le cadre d’une coopération renforcée entre l’ensemble des actrices et des acteurs des champs social, judiciaire, de l’éducation, de la santé et de la sécurité, en particulier les sapeurs-pompiers.

La loi du 14 mars 2016 a également contribué à accroître nos moyens en matière de protection de l’enfance et de détection des violences faites aux enfants. Le large champ de compétence de mon ministère, qui recouvre l’enfance, les droits des femmes et les familles, permet de mettre au service de la lutte contre les violences faites aux enfants l’expertise développée en matière de lutte contre les violences faites aux femmes. J’y vois une illustration supplémentaire, s’il en était besoin, de la pertinence de la titulature de mon ministère.

Dans cette optique, je me suis attachée à faire travailler ensemble les professionnels qui avaient construit les politiques de prévention et de formation en matière de lutte contre les violences faites aux femmes, afin que nous puissions nous appuyer sur leur savoir pour mieux prévenir et combattre les maltraitances faites aux enfants. C’est ainsi que nous avancerons.

La loi du 14 mars 2016 avait déjà posé un cadre favorable à un meilleur repérage des violences sexuelles, ainsi qu’à une meilleure prise en charge des mineurs victimes. J’évoquerai deux mesures emblématiques : l’obligation pour les départements de désigner un médecin référent pour la protection de l’enfance ; le développement des unités d’accueil médico-judiciaires pédiatriques, ou unités AMJP, qui permettent à la police, à la justice, aux médecins et aux travailleurs sociaux de travailler ensemble dans le cadre des procédures d’enquête et constituent un lieu dédié, adapté et non anxiogène pour recueillir la parole de l’enfant et apporter les premiers soins nécessaires.

Chantal Jouanno m’a interrogée sur l’instruction du 20 avril 2016, qui a recentré le rôle des brigades de prévention de la délinquance juvénile sur la prévention de la radicalisation et du passage à l’acte terroriste. J’ai moi-même interrogé le ministère de l’intérieur, qui m’a précisé que cette circulaire n’empêche pas les gendarmes spécialement formés de continuer à intervenir dans les unités AMJP en tant que personnalités qualifiées, par le biais d’une réquisition, en appui à un officier de police judiciaire. Sur les 1 774 militaires de la gendarmerie formés à l’audition de mineurs victimes, 3, 7 % travaillent aujourd’hui au sein des quarante-trois brigades de prévention de la délinquance juvénile, les BPDJ. La formation au recueil de la parole continuera à être développée et le déploiement des unités AMJP se poursuivra. Cela fait partie de la feuille de route pour la période 2016–2019.

Dans le prolongement de cette démarche, et forte de l’expérience acquise avec les quatre premiers plans de lutte contre les violences faites aux femmes, je présenterai le 1er mars prochain le premier plan de lutte contre les violences faites aux enfants, élaboré dans le cadre d’une démarche pluridisciplinaire et pluri-institutionnelle et englobant le repérage, la formation et l’accompagnement, y compris judiciaire.

Vous comprendrez que je ne dévoile pas aujourd’hui les principales mesures de ce plan, qui vise à rendre visibles les mécanismes des violences et à améliorer leur compréhension, à sensibiliser et à prévenir, par la promotion du soutien à la parentalité et de l’éducation bienveillante, à améliorer le repérage et le recueil de la parole, notamment en cas de violences sexuelles, à mieux accompagner les victimes, notamment par une meilleure prise en charge des psychotraumas.

Concernant la promotion de l’éducation bienveillante, je déplore, à la suite de Michelle Meunier, que certains sénateurs aient jugé bon de saisir le Conseil constitutionnel en vue d’obtenir la censure, pour des raisons de procédure, de l’article de la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté issu de l’adoption d’un amendement tendant à poser pour principe que l’autorité parentale doit s’exercer sans recourir aux punitions corporelles. C’est là un mauvais coup porté à la prévention de la maltraitance des enfants.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion