Intervention de Corinne Bouchoux

Réunion du 1er février 2017 à 14h30
Obligations comptables des partis politiques — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Corinne BouchouxCorinne Bouchoux :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi dont il est question aujourd’hui concerne l’information sur le financement des formations politiques et intervient en pleine période électorale.

L’histoire récente a pu montrer la nécessité d’adapter notre législation en la matière, ce que nous faisons de façon récurrente depuis vingt ans. Dans ce domaine, l’arsenal législatif est important, mais il doit être confronté à la pratique.

Ce texte reprend mot pour mot des dispositions de la loi dite Sapin II qui avaient été écartées par le Conseil constitutionnel en vertu de l’article 45 de la Constitution, comme étant des cavaliers législatifs. Comme Éliane Assassi, nous estimons que le Conseil s’est montré en l’espèce quelque peu « cavalier », surtout lorsqu’on voit d’autres dispositions passer…

Bien avant cela, ces dispositions ont pour origine des propositions formulées dans un excellent rapport de notre collègue député Romain Colas, paru en juillet 2015.

L’intention de l’auteur de la proposition de loi est louable, car elle est guidée par l’amélioration de la transparence des canaux de financement de la vie publique. Je pense notamment à un parti politique qui avait visiblement bénéficié des prêts importants venant de banques d’un pays étranger.

De plus, ces mesures viennent combler un vide juridique, ce qui va dans le bon sens. Il s’agit d’imposer davantage d’obligations comptables aux partis politiques et aux candidats concernant notamment leurs emprunts bancaires, mais également d’apporter à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques des données explicitant ces relations financières et de lui donner les moyens de vérifier leur légalité.

Par le passé et via ses rapports d’activité, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques avait appelé notre attention à plusieurs reprises sur les limites de son contrôle. Aujourd’hui, les prêts sont mentionnés dans les comptes, mais les détails de ces prêts ne sont pas fournis, sauf demandes expresses et recherches, ce qui peut laisser planer un doute sur la nature réelle du prêt : certains prêts ne sont-ils pas, par exemple, des dons déguisés ?

Je viens de le dire, les emprunts étrangers d’un parti politique français ont pu nous inquiéter.

Les mesures proposées semblent globalement légitimes. Elles sont d’ailleurs soutenues par la Commission nationale des comptes de campagne, et le ministère de l’intérieur voit ce texte d’un bon œil. Nous devons cependant rester vigilants sur la question des moyens de la Commission nationale des comptes de campagne. Pourra-t-elle mener un travail approfondi ? Je signale que ses moyens sont inférieurs à ceux dont disposent des organismes analogues dans d’autres pays démocratiques.

Si nous nous accordons tous ici pour appuyer l’effort de transparence, nous savons que cette transparence, même si elle est louable, ne sera de toute façon jamais suffisante.

Comme l’a rappelé de façon très éloquente le rapporteur, l’article 4 de la Constitution prévoit que les partis et groupements politiques « se forment et exercent leur activité librement ». C’est de cette liberté que nous débattons.

Jusqu’où faut-il aller dans le degré de transparence s’agissant des relations entre les différents partis et les candidats ? Nous estimons qu’au vu du contexte actuel, de la « lessiveuse » dans laquelle nous sommes, toute autre position que celle en faveur d’une transparence maximale serait mal interprétée par nos compatriotes. Nous devons donc nous astreindre à cette transparence.

Une bonne question a été posée quant à l’application des mesures proposées. Fallait-il les appliquer pour les élections de 2017 ou les reporter à 2018 ? Nous partageons la louable intention de la présidente Éliane Assassi : il eût été préférable de les voir s’appliquer dès cette année. Mais nous sommes déjà le 1er février… Nous estimons qu’il n’est pas d’usage de changer les règles d’une élection en cours de route. Nous nous résignons donc à considérer qu’une application satisfaisante de ces dispositions en 2018 est préférable à une mauvaise application en 2017.

Enfin, pour viser – sauf erreur de ma part – l’élection du Président de la République, une loi organique serait nécessaire, en application de l’article 6 de la Constitution. Or le texte proposé est une proposition de loi ordinaire.

Mes chers collègues, reste à savoir si ce nouveau texte sera suffisant pour enrayer la crise de confiance de nos concitoyens à l’égard de nos institutions et des élus de presque toutes les familles politiques. La lecture de la presse quotidienne et les discussions des voyageurs ce matin dans le bus 38 que j’ai emprunté pour me rendre au Sénat m’en font douter… La transparence – avec toute cette transparence, nous serons bientôt tout nus ! – ne suffira pas à résorber la crise de confiance démocratique. Cependant, restaurer la confiance implique une transparence totale.

Malgré les imperfections relevées par les différents orateurs, nous nous résoudrons à voter ce texte tel qu’il nous a été présenté.

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