Intervention de Jean-Pierre Bel

Réunion du 13 avril 2006 à 9h30
Accès des jeunes à la vie active en entreprise — Discussion d'une proposition de loi

Photo de Jean-Pierre BelJean-Pierre Bel :

Je veux saluer l'unité syndicale, exemplaire, qui s'est manifestée tout au long de cette crise. Il est rare de voir un aussi grand nombre d'organisations faire montre d'une telle constance dans leur volonté d'agir ensemble et de se retrouver sur les mêmes mots d'ordre.

Cela aurait dû vous faire réfléchir sur l'ampleur, sur la profondeur de la crise que vous avez provoquée, non pas par le seul CPE, mais surtout par l'attitude que vous opposez aux attentes et aux inquiétudes de notre jeunesse, de notre société tout entière.

Face à une crise d'identité, à une crise de notre modèle social, à une crise même de nos institutions, vous répondez par des dispositions qui génèrent l'appréhension du lendemain, qui mettent en avant la précarité comme solution, comme perspective d'avenir. Vous renforcez le sentiment dévastateur que la vie de nos jeunes demain sera considérablement plus difficile et plus fragile que celle de leurs aînés.

Vous aviez à répondre à l'appel qui a été lancé au mois de novembre dernier à l'occasion de ce que l'on a appelé la « crise des banlieues », à montrer que vous aviez pris la juste mesure de ce qui s'était passé et vous avez fait tout le contraire, déclenchant une révolte massive, historique par son ampleur et sa durée, de la jeunesse de France.

Face aux interrogations sur la nature même de nos institutions démocratiques, le Président de la République, le Premier ministre, le Gouvernement, le parti majoritaire ont usé de faux-semblants, d'astuces incompréhensibles, d'annonces tellement ahurissantes et contradictoires qu'elles ont contribué à décrédibiliser encore plus nos institutions, en tout cas dans la façon dont vous les pratiquez.

Nous vous l'avons dit et répété : votre erreur a d'abord été une erreur de diagnostic. Vous avez voulu faire croire que c'est en stigmatisant les jeunes et en leur donnant moins de droits que vous alliez faire baisser le chômage. Personne n'a été dupe.

À cette erreur de diagnostic s'est ajoutée une erreur de méthode.

Jamais la confusion entre l'État et un parti n'a été aussi totale ; jamais les rivalités au sein du pouvoir n'auront rendu le règlement d'une crise aussi laborieux - et je vous félicite, monsieur le ministre, pour l'exercice auquel vous vous êtes livré à l'instant -, car cette confrontation a instrumentalisé la jeunesse dans un conflit d'orgueil et de pouvoir.

Vous avez sacrifié l'intérêt général sur l'autel de vos vanités et de vos petites querelles, au détriment des Français, au détriment de l'idée qu'ils se faisaient de la République.

De tout ce gâchis il faut bien tirer les leçons.

D'abord, la réforme est possible, dès lors qu'elle permet le progrès et non la régression. Mais, réformer exige une méthode : consulter les partenaires sociaux, élaborer un diagnostic commun, puis proposer des mesures et débattre dans le respect de la représentation nationale.

Ensuite, mais ce n'est pas nouveau, nous divergeons radicalement dans nos projets de société.

Vous avez opté pour la société de la précarité, pour l'insécurité au travail, l'instabilité des carrières, quand, pour nous, il importe de sécuriser les parcours professionnels et d'offrir à nos concitoyens des conditions de vie stables sans lesquelles il n'est pas possible de bâtir des projets d'avenir.

En conclusion, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme souvent dans cette situation que vous avez créée, vous avez voulu faire compliqué quand on pouvait faire simple.

Plutôt que d'abroger le CPE, vous avez choisi de le remplacer par de vagues mesures sans véritable portée et par ailleurs non financées.

Vous êtes dans la tactique au moment où il faudrait adresser un message à notre jeunesse. Vous louvoyez quand notre pays attend de véritables raisons d'espérer, une perspective pour permettre aux jeunes de s'insérer durablement dans la vie professionnelle.

Pour ce qui nous concerne, nous mesurons à son juste niveau l'attente du pays. C'est pourquoi, tout en célébrant la grande victoire obtenue grâce à la mobilisation de ces deux derniers mois, nous nous opposerons à un texte qui ne revient pas sur le CNE, sur l'apprentissage à quatorze ans et sur le travail de nuit des enfants.

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