Intervention de Yves Détraigne

Réunion du 1er février 2017 à 21h30
Faut-il supprimer l'école nationale d'administration — Débat organisé à la demande du groupe du rdse

Photo de Yves DétraigneYves Détraigne :

… d’autant plus que le nombre de postes ouverts au concours interne s’est rapproché de celui du concours externe, ce qui n’était pas du tout le cas à l’époque où j’ai passé le concours externe.

Alors, quelle solution face à cette sorte de « reproduction des élites » ? J’avoue ne pas avoir la réponse.

Un autre reproche est souvent adressé aux énarques, celui de peupler les cabinets ministériels et d’avoir une forte – certains diraient trop forte – influence sur les politiques qui sont menées par les divers gouvernements dans certains domaines, quelle que soit leur couleur politique.

Il est vrai que l’on fait parfois le même reproche à certains professionnels de l’éducation nationale s’agissant de la politique scolaire. Nul n’ignore que le ministère de l’éducation nationale est truffé d’enseignants et que, s’il est une branche dans la fonction publique où les syndicats, qui ne sont sans doute pas composés d’énarques, font la pluie et le beau temps ou presque, c’est bien l’éducation. Nous le savons tous, du moins tant que nous avons encore les pieds sur le terrain, ce qui sera sans doute moins le cas lorsque nous ne serons plus que sénateurs.

On touche là directement, je crois, à la responsabilité du politique. Suffit-il de remplacer un énarque par un autre dans un cabinet ou de remplacer un énarque par un non-énarque pour mieux régler ou régler différemment un problème ? Ce serait tellement simple si cela suffisait ! Et cela se saurait…

En tout état de cause, s’il est clair qu’un membre du Gouvernement est d’abord un politique, il est non moins clair qu’il a besoin de travailler avec des collaborateurs connaissant les rouages de l’administration. Et force est de reconnaître que, dans certains ministères, ce sont souvent des énarques qui occupent des postes à responsabilités parce que, précisément, les administrateurs issus de cette école sont ceux qui connaissent le mieux le fonctionnement interne et les moyens dont dispose l’État.

Dans certains ministères, les postes à responsabilités sont tenus par des magistrats ou des membres de l’éducation nationale, pour ne citer que ces deux exemples. Même problème, même solution ! Ces ministères sont-ils mieux gérés que ceux qui sont peuplés d’énarques et les politiques qu’ils mènent sont-elles plus efficaces ? Je ne me permettrai pas de répondre ni de dire ce que j’en pense.

Alors, quelles solutions, si l’on considère que l’ENA pose problème pour notre pays ? Supprimer cette école n’arrangerait rien. Nous avons besoin d’une haute fonction publique formée et préparée aux responsabilités. On peut toutefois penser à des améliorations, comme le fait de rendre plus professionnel et moins théorique l’accès au concours de l’ENA à partir d’un certain niveau de responsabilités et de donner peut-être une plus grande part, dans le choix de certains responsables, aux qualités managériales.

Peut-être convient-il également de renforcer les aspects pratiques de la formation à l’ENA, même si des avancées ont été faites, avec plus de missions concrètes et de séjours dans diverses entités déconcentrées ou décentralisées, dans des entreprises, des collectivités ou autres structures, dont les élèves seront éventuellement appelés ultérieurement à réglementer ou à superviser les activités ?

Peut-être aussi faut-il que les politiques fassent preuve d’une plus grande implication dans la préparation et la mise en œuvre des décisions relevant de leurs ministères et dont ils sont à l’origine ? Là, on rejoint le service après-vente – ou après vote, mais c’est la même chose –, expression que l’on entend parfois ici. Faisons-nous bien notre travail si nous votons, dans une loi, une décision de principe et si nous ne regardons pas la manière dont les administrations centrales la mettent en œuvre ? Là aussi, il y a quelque chose à faire sans qu’il soit nécessairement besoin de taper sur l’ENA.

Voilà, mes chers collègues, ce que je voulais vous dire, sans doute trop longuement, à propos de l’ENA, en osant, pour conclure, parce que le problème n’est pas simple à régler, paraphraser Churchill : l’ENA est pour l’administration publique la pire des formations, à l’exception de toutes les autres.

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