Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, une scolarité déconnectée de la réalité, l’inadaptation du contenu des enseignements aux nouveaux enjeux du monde contemporain, l’obsession du classement, la responsabilité des élites dans la défiance envers les institutions politiques et administratives, les griefs formulés ici même à l’encontre de l’École nationale d’administration sont nombreux et nous interrogent. Je remercie donc très vivement le groupe du RDSE et son président, Jacques Mézard, d’avoir fait inscrire à notre ordre du jour ce débat sur la nécessité de supprimer ou non l’ENA.
Si la manière dont sont recrutés et formés les hauts fonctionnaires, et plus généralement même l’existence des grands corps de l’État, ne nous donne pas satisfaction, ces questions doivent être réglées.
Le recrutement des énarques pose la question de savoir qui sont nos élites. Le constat est édifiant, cela a été dit par tous les orateurs : ces dernières sont majoritairement masculines, alors que les filles réussissent plutôt mieux à l’école, issues des mêmes milieux sociaux et des mêmes écoles. Cette absence totale de diversité n’est absolument pas en adéquation avec les besoins de notre société : nous avons besoin de hauts fonctionnaires qui doutent, à même d’innover, de préparer l’avenir. Le fait de réussir brillamment un concours très difficile à l’âge de 21 ans ne prédispose pas forcément au doute ni à l’innovation.
Le système actuel comprend tout de même des moyens de diversifier la haute fonction publique, avec le troisième concours s’adressant aux actifs du secteur privé, aux élus et aux responsables associatifs. Il faudrait développer cette troisième voie et mettre en place un réel statut de l’élu. Ainsi, l’ENA pourrait être une voie permettant de diminuer le nombre de mandats et la durée de vie en politique ; elle serait ainsi plus vertueuse.
Un autre levier pourrait être trouvé en privilégiant davantage le concours interne, destiné aux fonctionnaires. Il faudrait recruter plus de fonctionnaires expérimentés, avec une plus grande diversité. En plus de diversifier le profil des lauréats, même si cela ne répond pas à la question de l’hypermasculinité de l’école, cela permettrait de favoriser les retours d’expérience et les échanges.
Développer la diversification, cela passe aussi par l’éducation pour lutter contre l’autocensure, évoquée par la présidente Assassi, qui explique aussi que les jeunes issus de milieux modestes ou les femmes tentent moins d’entrer à l’ENA. La promotion qui a effectué sa rentrée au mois de janvier 2016 illustre cette absence de diversité. Parmi les lauréats, on ne compte qu’un quart de femmes, ce qui est un défi intellectuel, celles-ci réussissant beaucoup mieux que les hommes dans toutes les filières du supérieur, …