J'ai travaillé durant quinze ans sur le parc naturel régional de la Chartreuse : la question de l'ingénierie territoriale est fondamentale. Les MSAP sont destinées au public, mais leur service est indissociable de la dynamique du territoire : il prendra une autre dimension avec l'augmentation de la desserte et de l'accès à internet.
L'accompagnement en ingénierie doit se faire au bon endroit et au bon moment. Dans le cadre d'un travail que j'ai mené sur les PLU, par exemple, il suffisait de travailler sur les cahiers des charges, donc très en amont de la commande passée au Bureau d'études, afin que cette commande anticipe un certain nombre de questions. Une seule personne a ainsi permis de suivre tous les PLU des communes en une dizaine d'années. Un savoir-faire existe et a fonctionné. Ces expérimentations doivent être examinées. Il faut non seulement accueillir du public mais aussi travailler avec les élus (des communautés de communes, etc.) sur cette dynamique d'ingénierie pour connaître la dynamique territoriale.
La question économique est aujourd'hui fondamentale. En montagne, il n'y a plus de neige, mais des entreprises de nouvelles technologies, et non plus seulement d'agriculture (même s'il est possible d'innover aussi dans l'agriculture), peuvent s'implanter, notamment grâce à un travail pour faciliter la mobilité. La configuration de la campagne et de la montagne n'est pas intangible. Nos politiques doivent précisément les reconfigurer.
Jean-Michel Thornary, commissaire général à l'égalité des territoires - Les MSAP sont en effet l'affaire des acteurs locaux. Notre rôle est de mettre en place un modèle et de diffuser les bonnes pratiques. L'outil devra ensuite correspondre à des réalités et à des gouvernances locales qui ne seront pas identiques ailleurs.
Les schémas et la question de l'ingénierie : la loi NOTRe prévoyait la mise en place des schémas pour la fin 2017. Le comité interministériel de ruralité la demandait pour la fin 2016, mais il faudra prendre le temps nécessaire. Faire d'eux un outil de programmation de l'évolution de la présence des services publics sur les territoires est un objectif ambitieux, qui ne peut pas être atteint trop rapidement. La réflexion conduite par les départements est extrêmement riche mais prend plus de temps que prévu. Début 2017, un schéma a été signé : celui de l'Aude. En ex-Languedoc-Roussillon, plusieurs schémas sont prêts à être signés. Dans 60 départements, la réflexion est bien avancée. Dans 40 départements, le terme du processus est encore loin.
Cette réflexion fondamentale des conseils départementaux et de l'État aura des répercussions sur la présence des services publics sur les territoires, avec son rôle symbolique, qui est moins important qu'on le dit souvent, mais qui n'est pas négligeable. Presque plus personne ne travaille aujourd'hui dans les petites trésoreries, par exemple. Toutefois, elles sont un sujet très sensible : c'est pourquoi leur service doit continuer à être assuré, sinon dans les trésoreries elles-mêmes, du moins par les MSAP. Nous travaillons sur ce sujet avec le ministère des Finances.
Le rapport de M. Doligé et Mme Perol-Dumont parlait de même de l'évolution des sous-préfectures et des préfectures. La dématérialisation des procédures d'obtention de la carte grise, du permis de conduire, etc. entraîne des conséquences pour les MSAP. Nous discutons actuellement avec le ministère de l'Intérieur afin qu'il continue à assurer au moins un accompagnement informatique dans ces procédures. En effet, il s'agit non seulement d'équipement mais aussi d'usage des procédures proposées par les différents services publics. Disposer d'internet chez soi n'implique pas qu'on sache s'en servir. Les MSAP doivent donc jouer un rôle d'accompagnement de la relation avec les services publics. À Caudebec-en-Caux, j'ai pu voir qu'une personne accompagnée une seule fois dans sa relation avec la Caisse d'allocations familiales (CAF) était devenue ensuite capable de traiter son dossier avec la CAF sur la borne internet mise à disposition dans la MSAP. Elle aurait eu du mal à le faire directement.
Nous avons mis en place des moyens financiers permettant aux départements et préfectures de bénéficier d'une assistance à maîtrise d'ouvrage dans l'élaboration des schémas d'accessibilité. D'une manière plus générale, le CGET est très impliqué dans l'appui aux collectivités territoriales face à la désorganisation de l'ingénierie territoriale existante. Les PNR disposent d'équipes extrêmement nombreuses. J'étais en charge de ces dossiers au conseil régional d'Ile-de-France : le PNR du Gâtinais dispose de près de 80 personnes. Il s'agit d'un outil d'ingénierie extrêmement puissant, avec des ingénieurs et des techniciens divers, qui doivent être coordonnés avec l'ingénierie territoriale disponible au sein des communes, des intercommunalités et des services de l'État, pour accroître leur efficacité collective.
L'expérimentation sur les centres-bourgs arrive à son terme, avec 54 territoires qui ont été accompagnés pendant trois ans. Il appartiendra au prochain Gouvernement de décider s'il souhaite reconduire ou généraliser cette expérimentation. Nous considérons qu'elle a été profitable. La question de l'ingénierie territoriale y était centrale puisqu'un chef de projet était chaque fois pris en charge financièrement par le CGET pour permettre à ces territoires de développer leurs projets de centres-bourgs et les mettre en oeuvre.
Le dispositif « Aider » a été expérimenté sur six territoires, et dix territoires sont actuellement choisis pour reconduire cette action en 2017. Il consiste à mettre à la disposition des territoires, sur une thématique et une période données, deux ou trois inspecteurs généraux du développement durable, de l'agriculture, de l'IGA, de l'IGASS, du CGEFI, etc., qui bénéficient d'une expérience, d'un réseau, et d'avoir déjà traité de problématiques équivalentes. Les problèmes identifiés sur les six territoires d'expérimentation avaient été évalués comme impossibles à résoudre au plan local. Des solutions ont néanmoins pu être trouvées grâce à cette nouvelle gamme d'appuis. Nous rendrons cette évaluation publique, au moins à destination du Parlement, et nous espérons pouvoir renouveler l'expérimentation dès le début de l'année 2017.
Les ateliers de territoires ont également été développés avec l'appui des services du ministère de l'Écologie (DGALN et DHUP) sur dix territoires.
Le projet de conseil aux collectivités, conçu par Mme Pinel, se poursuit sous l'autorité de M. Baylet et de Mme Royal. Il consiste à former le personnel des DDT pour venir en appui aux collectivités. Bien que le personnel des DDT ne soit pas en augmentation, leur reconversion au conseil des territoires reste l'un des projets majeurs du ministère de l'Écologie.