Vos questions convergent vers un problème de fond : l'adéquation entre nos missions et les moyens dont nous disposons pour y répondre. Nous avons la volonté d'agir. Je reviens d'Algérie. J'ai croisé, à Alger et à Oran, des équipes très motivées et heureuses dans leur action. Les personnels déploient beaucoup d'imagination et de créativité pour remplir leur mission. Il est vrai que l'opérateur que je représente est multistandard et couvre l'ensemble des champs de la création.
Si le budget diminue encore, je serai amené à sacrifier des secteurs qui font la réputation de la France, comme le cinéma. Le programme de coopération de l'Institut français avec les réalisateurs francophones est important, avec la Fabrique des cinémas du monde que nous cofinançons avec le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), la révélation de jeunes talents, le visionnage dans nos salles des films qui sortent des écoles de cinéma, la projection en marge des festivals de films peu courus, comme ceux de Leos Carax, d'Abdellatif Kechiche, dont nous avons acheté tous les films jusqu'à la sortie d'Adèle dont les droits étaient trop élevés pour nous, ou de François Ozon au moment où il sortait de la Fémis. Nous avons contribué à faire décoller leur carrière internationale.
Il faudra choisir. Nous ne pourrons pas diminuer de 8 % chacun de nos programmes. Dans certains domaines, la participation de l'Institut français devient à un tel point minime que nous n'avons parfois plus voix au chapitre. Nous serons amenés à sacrifier un département comme, par exemple, laisser le cinéma au CNC, qui lui n'a pas vocation à travailler avec les pays du Sud. Douze films que nous avons cofinancés ont été sélectionnés pour le Festival de Cannes l'an dernier pour figurer dans la vitrine internationale du cinéma. Mais l'année prochaine nous ne pourrons pas assurer « l'universalité », mot que vous avez employé, monsieur Legendre. Nous aurons à faire face à une baisse qui entraînera une rupture de contrats avec ceux qui nous soutiennent. Nous ne pourrons pas remplir l'ensemble des missions qui sont les nôtres.
Nous cherchons des moyens de financement. À mon arrivée à l'Institut français, il m'a été conseillé de me tourner vers le mécénat. Mais ce dernier a ses limites : environ 200 entreprises ont une activité de mécénat ; elles sont démarchées par l'ensemble des établissements culturels et ne peuvent répondre à toutes les demandes. Nous avons recours au mécénat pour financer nos « saisons », marque de fabrique de l'Institut, mais pas pour des activités qui changent d'une année sur l'autre. La fondation Bettencourt-Schueller, par exemple, nous aide beaucoup pour le financement de la villa Kujoyama au Japon. Les postes implantés à l'étranger trouvent sur place des relais de mécénat local mais, globalement, ce n'est pas un outil sur lequel il faut compter. De plus, l'esprit du mécénat en France est très différent de celui d'outre-Manche.
J'avais placé beaucoup d'espoir dans les collectivités territoriales. Mais pour élargir le périmètre des acteurs avec lesquels nous aimerions travailler, nous devons amener de part et d'autre un apport à hauteur de 50/50. Or je n'en ai plus les moyens. 450 projets internationaux avec les collectivités territoriales étaient prévus. C'est un programme trop ambitieux. J'ai entamé une tournée des grands élus pour revisiter avec eux une stratégie qui corresponde à notre ADN d'influence, et ne pas disperser notre aide : les maires de Lyon, de Bordeaux, de Nantes et les nouveaux élus des nouvelles grandes régions. Nous ne devons pas nous disperser mais nous concentrer à l'avenir sur des axes prioritaires.