J'ai consulté les présidents des régions Pays de Loire, Hauts-de-France, et je vais rendre visite à ceux des régions Normandie ou Occitanie, mais mes moyens limités ne sont pas attractifs. Les collectivités territoriales restent malgré tout un vecteur de développement.
Au niveau des financements européens, nous avons créé une cellule pour travailler sur les programmes ouverts par la Commission européenne. Nous en avons obtenu plusieurs ces dix dernières années dans le domaine du cinéma. Nous sommes pays-pilote d'un groupe de douze pays au sein de CINED Productions, programme de coopération européenne de création, d'éducation au cinéma et de formation aux nouveaux publics. Nous avons formé 700 professionnels en 2016, le nombre des spectateurs a atteint 6 000 et les chiffres devraient être multipliés par cinq cette année.
La subvention apportée par le ministère de la culture et de la communication est dix-huit fois moins importante que celle du ministère des affaires étrangères. J'ai entrepris des démarches auprès du cabinet de la ministre de la culture pour lui rappeler la tutelle à laquelle était tenu son ministère, pas seulement pour financer des programmes qui les intéressent, mais également pour partager les coûts de structure. Il m'a été répondu de manière sibylline que le ministère des affaires étrangères resterait la tutelle principale de l'Institut français.
Tous les ministères ont leurs contraintes budgétaires et des entités avec lesquelles nous travaillons sur des programmes internationaux qui recoupent les nôtres. Un effort de synergie s'impose.
L'Institut ne reçoit aucune subvention du ministère de l'éducation nationale. Des actions de synergie sont menées, notamment dans le cadre des missions confiées à l'AFD dans le domaine de l'apprentissage du français depuis 2004. À Madagascar, le Président de la République a rappelé que 100 000 professeurs avaient été formés en Afrique et a souhaité la formation de 180 000 supplémentaires avec des moyens mis à disposition pour ce faire.
Le programme de l'Institut français est en soi plutôt réduit, avec des cours de français et des plateformes qui fournissent du matériel pédagogique pour l'ensemble des apprenants. Nous travaillons dans ce domaine d'une manière satisfaisante avec une entité sous la tutelle du ministère de l'éducation nationale, le Centre international d'études pédagogiques (CIEP), installé à Sèvres, auquel l'Institut apporte sa coopération.
Le CIEP a l'avantage d'être quasiment auto financé par les produits qu'il offre à l'étranger. Il dispose d'une subvention en baisse, avec un budget d'environ 20 millions d'euros. Il est parfaitement adapté au coeur de cible visant à travailler sur les systèmes d'éducation nationaux. Il est complémentaire des Alliances françaises et de l'Institut français. Nous avons quelques 360 000 apprenants dans nos centres, mais l'avenir du français se jouera dans les systèmes nationaux.
L'attractivité n'est pas notre objectif premier, même si l'on en tient compte dans le cadre des saisons croisées où l'on couvre tous les domaines, de la gastronomie à l'ingénierie. Des opérateurs spécifiques travaillent avec ce genre d'outils. L'édition est un acteur avec lequel nous travaillons au quotidien. Nous plaçons des droits d'auteur et des cessions de droit à l'étranger, environ un millier par an. Nous formons également des traducteurs, notamment en associant nouveaux et anciens traducteurs. Chaque année nous travaillons avec une langue différente, l'arabe l'année dernière, l'espagnol cette année. De la même façon, Francfort a été choisie parce qu'il existait un vide dans les relations entre les éditeurs français et allemands. Et la conséquence était que les jeunes Allemands étaient moins intéressés par la France, et inversement. Nous avons essayé de renverser cette tendance en étant l'invité d'honneur de la foire de Francfort. C'est une opération coûteuse mais indispensable.
Je n'ai pas d'opinion sur les valeurs que porte notre langue. Je pense qu'elle en porte, au regard des débats que nous organisons en français. « La nuit des idées » a été portée principalement en français, mais pas exclusivement. Je conteste cette notion américaine de « soft power », concept sociologique qui exprime l'épuisement du « hard power ». La France n'est pas une hyper puissance. Nous ne cherchons pas à convaincre le monde d'épouser nos idées. Notre but n'est pas d'amener l'autre à penser comme nous. Selon moi, seul le dialogue est pédagogique et porteur d'avenir et de paix dans un monde commun. « La nuit des idées » s'est déroulée autour de thèmes multiples et rassembleurs, souvent, mais pas exclusivement, en français. Notre langue n'est pas la seule à porter des thèmes d'universalité. On est dans le domaine de l'échange. Cette transmission de valeurs se situe également à travers la traduction d'ouvrages, notamment avec la Chine et la Corée qui achètent beaucoup de droits.
Quant aux remontées des informations du réseau, nous sommes assez éloignés de notre projet initial. Un des efforts à réaliser vise à ce que cette géographisation colle au réseau. Ce n'est pas parce qu'un pays ne fait pas partie du périmètre prioritaire que nous nous désintéressons de cette zone. Il y aura une itération permanente entre la stratégie que nous élaborons à Paris et le réseau sur le terrain.
En réponse à Mme Lepage, parmi les pays prioritaires, nous avons choisis les pays prescripteurs, où la scène est connue et dispose d'un rayonnement important comme l'Italie, l'Espagne, le Royaume-Uni, l'Allemagne ou encore l'Amérique du Nord. Nous nous sommes également concentrés sur les pays émergents et néo-émergents ainsi que sur les pays qui nous sont proches géographiquement, notamment au sud de la Méditerranée et les pays francophones d'Afrique. Pour ces derniers, on s'intéresse également à leurs créateurs, par exception et par tradition afin de les promouvoir sur les scènes internationales. Partout ailleurs, on ne s'intéresse qu'à nos créateurs.