… et la baisse de notre contribution au budget européen.
En dernier lieu, le niveau de notre dette publique est toujours préoccupant. Établi à 96 points de PIB, il est supérieur au niveau de dette moyen des États de la zone euro.
Sa stabilisation en 2016, telle qu’elle a été prévue par le Gouvernement, a été facilitée par des facteurs exceptionnels et par la poursuite de l’utilisation, par l’Agence France Trésor, d’un volume élevé d’émissions sur des souches anciennes, c’est-à-dire à des taux supérieurs à ceux du marché actuel. Cette pratique, qui freine dans un premier temps l’évolution de l’endettement en permettant l’encaissement de primes à l’émission, aura comme contrepartie l’alourdissement corrélatif dans les années à venir de la charge de la dette et le besoin de financement de l’État. En tout cas, c’est un risque.
Enfin et surtout, s’il se stabilise, le niveau de notre dette ne se replie pas, alors même que la dette de certains de nos voisins européens, comme l’Allemagne et les Pays-Bas, a continué de baisser en 2016.
En 2017, selon les prévisions du Gouvernement, l’amélioration de nos comptes devrait s’accentuer plus sensiblement. En effet, si l’objectif de réduction de déficit était de 0, 2 point en 2016, celui de 2017 a été fixé à un niveau beaucoup plus ambitieux : 0, 6 point.
Si les juridictions financières appellent de nouveau à faire preuve de prudence vis-à-vis de ces prévisions, ce n’est pas parce qu’elles font profession de pessimisme. C’est au contraire parce qu’elles considèrent que, sans prévisions réalistes, il n’existe pas de choix éclairés. Or les prévisions actuelles ne leur semblent pas assez prudentes. Elles comportent une évaluation optimiste des recettes publiques. Celle-ci repose, d’une part, sur une prévision de croissance économique pour 2017 qui avait été jugée un peu élevée par le Haut Conseil des finances publiques au mois de septembre dernier et, d’autre part, sur l’hypothèse d’une croissance spontanée des prélèvements obligatoires supérieure à ce que dicterait la prudence.
Du côté des dépenses publiques, les prévisions de déficit intègrent effectivement une nette accélération, qui s’explique notamment par une progression de plus de 3 % de la masse salariale de l’État en 2017.
La Cour estime néanmoins que cette prévision risque d’être sous-estimée, aussi bien pour l’État que pour la sécurité sociale.
En définitive, l’objectif d’un déficit de 2, 7 points de PIB en 2017 sera très difficile à atteindre.
Comme j’ai eu l’occasion de le souligner voilà quelques semaines lors de notre audience solennelle de rentrée, le respect de la trajectoire adoptée dans le cadre de la dernière loi de programmation des finances publiques appellera des efforts supplémentaires en matière de dépenses.
Ces efforts seront d’autant plus exigeants que plusieurs tendances lourdes s’apprêtent à peser comme autant de contraintes supplémentaires sur la situation des finances publiques. Je veux parler de la remontée des taux d’intérêt qui est en train de se concrétiser, de l’évolution de notre contribution au budget de l’Union européenne qui, selon les prévisions mêmes de la Commission, devrait recommencer à s’accroître et, enfin, du choix souverain de notre pays de renforcer ses efforts en matière de sécurité intérieure et extérieure, ce qui ne manquera pas d’avoir des conséquences budgétaires.
Maîtriser les dépenses publiques ne signifie pas qu’il faille sacrifier la qualité du service public offert aux citoyens. Au contraire, ce que montrent de nombreux exemples figurant dans le rapport public annuel, ce sont des démarches d’amélioration possible qui reposent sur le souci d’accroître la capacité des organismes publics à répondre aux besoins réels des citoyens tout en utilisant plus efficacement chaque euro dépensé.
Les pouvoirs publics ne sont pas restés inactifs face au défi de la modernisation. Des efforts réels ont souvent été engagés par les administrations pour augmenter la performance des services publics. C’est mon deuxième message.
Certains de ces efforts manifestent une volonté de mieux organiser les politiques publiques, par la formalisation d’une stratégie reposant sur des priorités et des instruments explicites et par la clarification des rôles de chacun. Si ces réformes sont parfois très récentes, elles constituent des avancées dont la Cour sera attentive à suivre les effets. Je voudrais citer rapidement deux exemples.
Tout d’abord, la création par regroupement du nouvel opérateur Business France qui a permis un meilleur centrage des actions de l’État en matière d’appui à l’internationalisation de l’économie française, grâce à un partage des rôles avec les chambres de commerce et d’industrie et à la définition d’axes stratégiques prioritaires.
Second exemple, la réforme de l’externalisation du traitement des demandes de visa à l’étranger qui a atteint son objectif de désengorgement des consulats tout en offrant un service de bien meilleure qualité et sans peser sur les finances publiques.
La Cour constate également, dans certains secteurs, des efforts d’amélioration des processus de gestion, destinés à rendre ceux-ci plus rigoureux et plus efficients. Les exemples sont divers ; ils concernent notamment le sujet sensible des achats de maintenance et du maintien en condition opérationnelle des matériels militaires, ou le recours par Pôle emploi à des opérateurs privés, dont les limites avaient été soulignées par un rapport remis par la Cour au Parlement en 2014.
Vous le voyez, des progrès de nature diverse sont à l’œuvre, et nous les relevons chaque fois que nous les constatons, en soulignant les contraintes fortes auxquelles les administrations ont parfois dû faire face.
C’est ainsi le cas de la politique d’hébergement des personnes sans domicile. La Cour relève que cette politique a enregistré des progrès notables en matière de capacité d’accueil et de conditions de prise en charge des bénéficiaires. Toutefois, les effets de la crise économique dans un contexte international difficile n’ont pas permis une adaptation suffisante à des besoins sans cesse croissants. Le nombre de personnes sans domicile a augmenté de façon massive : 44 % en dix ans.
Au-delà de ce contexte, le rapport public annuel relève que les initiatives qui sont prises pour améliorer la performance des politiques publiques se heurtent trop souvent à des obstacles d’ordre interne, qui ont parfois dévoyé ou limité les effets des réformes nécessaires. Dans certains cas, ils ont tout à fait empêché les réformes d’advenir.
La Cour et les chambres régionales des comptes s’attachent à les identifier et à mettre en valeur les conditions à réunir pour les dépasser. C’est l’objet de mon troisième et dernier message.
Le premier frein, c’est le défaut d’adaptation des missions et des objectifs prioritaires des administrations publiques.
C’est, par exemple, la principale conclusion du chapitre portant sur le Muséum national d’histoire naturelle, qui n’a pas su faire face à la multiplicité des sites qu’il gère et à la nécessité de choisir un axe stratégique de développement.
Le deuxième frein identifié par la Cour, c’est le caractère inadapté de l’organisation institutionnelle, autrement dit, le manque de clarté ou de pertinence du partage des responsabilités et des tâches.
À cet égard, l’exemple des travaux portant sur le stationnement urbain est particulièrement significatif.