Intervention de Didier Migaud

Réunion du 9 février 2017 à 11h30
Dépôt du rapport annuel de la cour des comptes

Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes :

Le Conseil d’État, de son côté, a d'ailleurs eu l’occasion de le préciser.

Cette observation réitérée des juridictions financières trouve son illustration dans le chapitre consacré aux autoroutes ferroviaires, dont la Cour souligne que le bilan est mitigé. Alors que leur développement a représenté un effort financier significatif pour la collectivité, la Cour recommande que soit menée rapidement une évaluation de l’incidence environnementale et économique de chaque projet.

Les réformes doivent par ailleurs reposer sur une stratégie connue des acteurs, construite sur la base d’une analyse partagée des besoins, des priorités d’action pour y répondre et un partage des rôles clair. C’est tout le sens des recommandations formulées par la Cour dans ses travaux sur la politique de contrôle et de lutte contre la fraude en matière de formation professionnelle continue des salariés. Aujourd’hui, les contrôles sont pratiquement inexistants. Pour construire cette politique, il apparaît nécessaire de mettre en place une véritable stratégie de contrôle, reposant sur une analyse des risques, une programmation annuelle et une organisation plus adaptée aux enjeux.

La qualité de la préparation d’une réforme est cruciale. Il ne s’agit pas pour autant de céder au mirage des planifications parfaites et de détourner pudiquement le regard à l’heure de la mise en œuvre.

Or les travaux présentés aujourd’hui permettent d’illustrer deux facteurs qui ont un rôle essentiel dans la mise en œuvre réussie d’un projet. Ces deux éléments sont les suivants : la responsabilisation des acteurs du changement et l’instauration d’un pilotage réactif par les résultats.

Le chapitre portant sur le renouvellement des moyens aériens et navals de la douane est ainsi le contre-exemple exact d’une responsabilisation réussie des agents. La Cour a constaté à leur sujet une longue et grave série d’erreurs et d’échecs, produits d’une culture autarcique de la douane et d’un défaut réitéré de contrôle des services locaux par l’administration centrale.

Enfin, l’exemple de l’indemnisation amiable des victimes d’accidents médicaux prouve la nécessité d’instaurer un pilotage réactif par les résultats qui permette de tirer la sonnette d’alarme lorsque les objectifs ne sont pas remplis.

Mise en œuvre dans la foulée de la loi du 4 mars 2002, cette politique a en effet été dévoyée. Si cette loi institue un droit à réparation des accidents médicaux même en l’absence de faute, ce qui constitue un grand progrès, les résultats obtenus dans le cadre de la procédure amiable ne sont pas à la hauteur. Le nombre de demandeurs d’indemnisation amiable reste effectivement modeste au regard de la population potentielle, car les victimes se détournent de la procédure amiable, qui est encore plus longue que la procédure contentieuse. Cela s’explique par des défaillances lourdes dans le positionnement et la gestion de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, l’ONIAM, établissement public chargé d’indemniser les victimes.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais à présent terminer mon intervention en rappelant trois messages.

Premièrement, la situation de nos finances publiques demeure fragile et vulnérable, malgré les progrès constatés. Les efforts pour maîtriser les dépenses publiques devront être poursuivis et intensifiés si notre pays veut préserver sa capacité à faire des choix souverains et à rester crédible dans le concert européen grâce au respect de ses engagements. Les rapports de la Cour et des chambres régionales des comptes montrent des marges d’efficacité et d’efficience dans nombre de politiques publiques.

Deuxièmement, une modernisation effective de notre action publique est possible. Elle a été engagée dans plusieurs secteurs et peut prendre appui sur des atouts importants, au premier rang desquels se trouvent les compétences et la force de l’engagement de l’immense majorité des agents publics. Elle doit être systématisée en prenant en compte les meilleures pratiques.

Enfin, et c’est un message réitéré des juridictions financières, le succès des démarches de modernisation dépend d’une sorte de révolution copernicienne, qui consisterait à prêter plus d’attention aux résultats effectifs de l’action publique, à l’effet des politiques publiques pour leurs bénéficiaires, et à fonder les décisions sur la mesure de ces résultats plutôt que sur le souci d’annoncer systématiquement des mesures nouvelles.

Pour accomplir cette révolution, les pouvoirs publics peuvent compter sur les juridictions financières, qui, je l’espère, pourront continuer de remplir avec une grande vigilance les missions que leur ont confiées les représentants du suffrage universel.

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