Monsieur le président, monsieur le Premier président, mes chers collègues, le rapport public annuel de la Cour des comptes est toujours une source d’informations précieuses sur la qualité de la gestion et des comptes publics pour les parlementaires et, au-delà, pour nos concitoyens. Mais ce moment solennel est aussi l’occasion de rappeler combien est importante la mission, prévue par la Constitution, d’assistance de la Cour des comptes au Parlement dans ses travaux de contrôle et d’évaluation des politiques publiques. Cette mission prend des formes multiples et ne se résume évidemment pas au rapport public annuel.
À cet égard, 2016 a été une année de relations soutenues entre la Cour des comptes et le Parlement, puisque deux colloques ont été conjointement organisés, l’un au Sénat, l’autre à l’Assemblée nationale, à l’occasion des quinze ans du vote de la loi organique relative aux lois de finances.
Le rapport qui nous est remis aujourd’hui commence, comme c’est le cas depuis quelques années, par une première partie consacrée à la situation d’ensemble des finances publiques. La Cour des comptes présente son analyse de la situation financière des administrations publiques à la fin du présent mois, puis trace les perspectives pour l’année en cours et au-delà.
Chacun examinera avec attention ses analyses et recommandations, pour en tirer les enseignements qu’il jugera utiles.
La Cour rend compte chaque année de ses travaux par de nombreuses publications. Son rapport public annuel est en quelque sorte un condensé de ses investigations emblématiques. Au-delà des observations nouvelles, la Cour présente un suivi de ses recommandations, avec cette année un seul constat de progrès, concernant le traitement des demandes de visa à l’étranger. Toutefois, sur le plan général, la Cour estime que ses recommandations sont suivies à 72 %.
Je ne pourrai passer en revue toutes les observations, mais je m’arrêterai quelques instants sur celles qui attirent plus particulièrement l’attention de la commission des finances en raison, notamment, des travaux qu’elle a elle-même menés.
L’abandon définitif de l’écotaxe a été décidé dans le cadre de la loi de finances pour 2017. La mise en place de cette taxe puis le renoncement à cet impôt ont fait l’objet de débats intenses dans notre assemblée, aussi bien dans les commissions permanentes qu’au sein de la commission d’enquête qu’avait présidée Marie-Hélène Des Esgaulx. La Cour des comptes fait le point sur cette expérience qui marquera l’histoire de la fiscalité écologique.
L’insertion relative au projet Paris-Saclay témoigne d’une très forte convergence de vue entre les magistrats de la Cour et notre collègue Michel Berson, auteur, au mois de mai 2016, du rapport Réussir le cluster de Paris-Saclay, lesquels s’accordent pour dénoncer le caractère très insatisfaisant du pilotage du projet par l’État, le manque de transparence et de suivi pour ce qui concerne son financement et l’urgence, pour l’université Paris-Saclay, de se doter enfin d’une gouvernance à même de la transformer en université de rang mondial.
Dans le cadre du suivi de ses recommandations sur l’hébergement des personnes sans domicile, la Cour des comptes rejoint également plusieurs des constats établis et des préconisations formulées par Philippe Dallier dans son rapport du mois de décembre 2016 sur les dispositifs d’hébergement d’urgence, notamment, les nets progrès réalisés en termes de capacités d’accueil, tout en constatant également l’échec de la réduction du recours aux nuitées d’hôtel, la difficulté à répondre à une demande sans cesse en hausse, mais aussi les efforts restant à fournir en termes de définition du pilotage de cette politique publique.
D’autres insertions susciteront sans aucun doute l’intérêt de nos rapporteurs spéciaux, même s’il serait prématuré de dire qu’ils en partagent effectivement les conclusions, qu’il s’agisse des moyens aériens et navals de la douane – les rapporteurs spéciaux Michel Bouvard et Thierry Carcenac se sont particulièrement penchés sur le sujet des hélicoptères – ou de l’action sociale de la direction générale de l’aviation civile, la DGAC, sujet suivi attentivement par Vincent Capo-Canellas.
Comme vous le savez, les rapporteurs de la commission des finances utilisent les travaux de la Cour des comptes tout au long de l’année, sans attendre la parution du rapport public. Il s’agit non seulement des travaux faisant l’objet d’une publication, mais aussi des relevés d’observations définitives, quand leur existence est portée à leur connaissance.
Les enquêtes qui nous sont remises en application du 2° de l’article 58 de la loi organique relative aux lois de finances font l’objet d’une exploitation systématique, notamment grâce à des auditions auxquelles participent les représentants des administrations et organismes contrôlés. Sans citer toutes les enquêtes de l’an passé, force est de constater que celles qui sont relatives au financement des OPEX, les opérations extérieures, ou encore à la compétitivité du transport aérien ont enrichi nos débats sur les annulations de crédits pesant sur le ministère de la défense ou sur l’opportunité de réviser la taxe de solidarité sur les billets d’avion et la taxe sur les nuisances sonores aériennes.
Dans le contexte de la prolongation de dispositifs comme le crédit d’impôt pour la transition énergétique, l’enquête sur l’efficience des dépenses fiscales en faveur du développement durable a également été mise à profit par le rapporteur général de la commission des finances.
Bien entendu, le suivi se fait évidemment non pas uniquement sur l’année, mais dans un cadre plus long : ainsi, l’analyse de la mise en œuvre des contrats de plan État-régions, développée par la Cour des comptes dans une enquête remise au Sénat en 2014, a constitué une source d’information utile pour le rapporteur spécial Bernard Delcros. Celui-ci s’est notamment appuyé sur ces travaux pour formuler des recommandations d’amélioration du système d’information des contrats de plan État-régions dans le cadre de son contrôle budgétaire sur le Fonds national d’aménagement et de développement du territoire.
Pour l’année à venir, Alain Houpert et Yannick Botrel suivront une enquête sur la chaîne des aides agricoles, tandis que Jean-François Husson se penchera avec la Cour des comptes sur le soutien aux énergies renouvelables.
La Cour examinera le programme « Habiter mieux » pour Philippe Dallier et le sujet des personnels contractuels dans l’éducation nationale pour Gérard Longuet et Thierry Foucaud. Enfin, un rapport sera remis sur les matériels et équipements de la police et de la gendarmerie, à la demande de Philippe Dominati. Au mois de juin prochain, nous aurons également communication de l’enquête sur les politiques de lutte contre l’exclusion bancaire, que je rapporterai.
L’an passé, j’avais insisté sur la complémentarité entre les travaux du Sénat et ceux de la Cour des comptes, ainsi que sur la bonne coordination de nos activités. La commission des finances vient d’adopter son programme de contrôle budgétaire, qui a été rendu public et transmis à la Cour. Dans le cadre de sa mission d’assistance, celle-ci transmet les travaux définitifs qu’elle a réalisés sur les domaines qui intéressent les rapporteurs spéciaux. Cela nous est précieux.
Ainsi, pour effectuer ses travaux, qui viennent tout juste d’aboutir, sur la préfecture de police de Paris, Philippe Dominati s’est notamment appuyé sur un rapport daté de 2012 de la chambre régionale des comptes d’Île-de-France pour proposer une refonte de l’organisation budgétaire de l’institution.
Nos travaux s’inspirent mutuellement, au point qu’ils aboutissent d’ailleurs parfois au même moment.
C’est pour prolonger les travaux de la Cour des comptes sur la difficile mise en place de l’Institut national du cancer que Francis Delattre a présenté, au mois de juillet 2016, un rapport sur cet opérateur pivot des plans cancer successifs. Les rapports de la Cour des comptes, qui ont mis en lumière la dégradation du réseau ferré national, particulièrement en Île-de-France, et les faiblesses de certains projets de lignes à grande vitesse, ont également inspiré les sénateurs membres du groupe de travail sur le financement des infrastructures de transport.
C’est aussi parce que la Cour des comptes a soulevé un risque dans son rapport sur le budget de l’État du mois de mai 2015 que le rapporteur spécial Maurice Vincent a fait le choix de mener une mission de contrôle sur la politique de dividendes de l’État actionnaire. Hasard du calendrier, un rapport de la Cour des comptes sur l’État actionnaire a d’ailleurs été rendu public le 25 janvier dernier, le même jour que celui de Maurice Vincent.
Les travaux réalisés par la Cour des comptes dans le champ de l’éducation nationale, notamment ceux qui portent sur la gestion des enseignants ou sur le coût du lycée, ont été pris en compte par Gérard Longuet dans son rapport du mois de décembre 2016 relatif aux heures supplémentaires dans le second degré de l’éducation nationale.
Je pourrai multiplier les exemples. Au-delà des rapports eux-mêmes, la mise en ligne des données sous-jacentes aux travaux réalisés par la Cour des comptes est utile. Celle-ci a notamment permis au rapporteur général, Albéric de Montgolfier, d’analyser l’évolution de la masse salariale sur des séries longues.
En termes de calendrier, j’avais regretté l’an passé que certains travaux de la Cour des comptes ou du Conseil des prélèvements obligatoires nous parviennent parfois trop tard pour éclairer nos débats budgétaires. Ce fut encore le cas cette année. Ainsi, le référé relatif au taux réduit de TVA sur les travaux d’entretien et d’amélioration des logements de plus de deux ans a été rendu public seulement à la fin du mois de novembre 2016.
Cette année, monsieur le Premier président, vous êtes venu nous présenter dès le mois de janvier le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires sur l’impôt sur les sociétés, lors d’une audition particulièrement suivie, et nous espérons que nous pourrons dans les mois à venir encore mieux exploiter les travaux de cette instance. Celle-ci devrait d’ailleurs inclure, dans sa prochaine étude sur la fiscalité du patrimoine, une analyse spécifique de l’imposition des plus-values immobilières permettant de répondre ainsi aux préoccupations de la commission des finances, et plus spécifiquement du groupe de travail que cette dernière avait constitué en son sein sur le financement et la fiscalité du logement en 2015.
Mes chers collègues, cette année encore, le rapport public annuel de la Cour des comptes est riche d’enseignements. Je renouvelle donc mes remerciements au Premier président pour sa disponibilité et vous remercie de votre attention.