Intervention de Alain Milon

Réunion du 9 février 2017 à 11h30
Dépôt du rapport annuel de la cour des comptes

Photo de Alain MilonAlain Milon, président de la commission des affaires sociales :

Monsieur le président, monsieur le Premier président de la Cour des comptes, madame la présidente de la commission des finances, mes chers collègues, la présentation du rapport public annuel 2017 nous offre une nouvelle occasion de saluer le rôle de la Cour des comptes dans sa mission constitutionnelle d’assistance au Parlement dans le contrôle de l’action du Gouvernement.

Il s’agit en effet, pour la commission des affaires sociales, d’un apport véritablement majeur que nous mesurons année après année avec les rapports annuels sur les lois de financement de la sécurité sociale, les rapports de certification, les rapports thématiques et les enquêtes effectuées à notre demande.

Alors que la sphère sociale représente près de la moitié des finances publiques, l’ensemble des travaux de la Cour invite, à nos yeux, à un triple impératif de lucidité, d’efficience et de persévérance.

Lucidité, tout d’abord, sur l’état de nos comptes publics et sur la réalité de nos marges de manœuvre dans une période où certains ne manquent pas d’être tentés par les promesses de dépenses nouvelles.

Le rapport que vient de nous présenter M. le Premier président fait le point sur la situation des finances publiques, à quelques semaines du démarrage d’un cycle budgétaire dont le déroulement sera fortement influencé par les échéances électorales.

Il est bien sûr trop tôt pour se prononcer sur les comptes du régime général de la sécurité sociale, lesquels ne seront disponibles qu’au printemps, mais la commission des affaires sociales a eu l’occasion, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, d’alerter sur certains des constats établis par la Cour.

Ainsi, le respect de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM, pour 2016 n’est pas encore assuré, compte tenu du dynamisme des dépenses sur les premiers trimestres de cette même année. Comme les années précédentes, c’est la régulation de l’enveloppe allouée à l’hôpital qui sera sollicitée pour le bouclage de l’objectif, traduisant la faible effectivité des mesures d’économies annoncées. Le Gouvernement le confirme dans sa réponse.

Pour 2017, la Cour relève l’arrêt du mouvement de réduction des prélèvements obligatoires. Celui-ci n’avait été pourtant mis en œuvre que tardivement, à partir de 2015, et très progressivement. Malgré les annonces du pacte de responsabilité, le contre-choc fiscal n’a donc pas eu lieu.

Pour boucler l’exercice, le Gouvernement a recours à des expédients de trésorerie, en aménageant le calendrier de versement de la taxe sur les véhicules de société et de la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S. Ces mesures ne sont pas reconductibles en 2018 alors que devront être financées des mesures nouvelles à effet différé sur les comptes publics : élargissement du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, et du crédit d’impôt sur les services à la personne.

Les économies annoncées sur l’ONDAM ne sont pas plus pérennes ou reconductibles. Le rapporteur général de la commission des affaires sociales, Jean-Marie Vanlerenberghe, en avait démontré le caractère artificiel pour près d’un milliard d’euros.

La Cour exprime à son tour ses réserves en indiquant : « Sans ces artifices de méthode, les dépenses de l’ONDAM en 2017 croîtraient à un rythme équivalent à celui enregistré en moyenne au cours des années 2010 à 2015. »

L’an dernier, j’avais consacré une large part de mon propos à la situation préoccupante de l’assurance chômage. Force est de le constater, le diagnostic est toujours valable et, en l’absence de réforme, les économies annoncées par le Gouvernement sur ce poste restent hypothétiques, comme le souligne de nouveau la Cour.

Le rapport de la Cour nous invite donc à la lucidité sur l’état de nos comptes publics : le travail de rétablissement et d’assainissement de nos finances publiques reste à faire.

Il ne nous suffit pas d’être lucides, il nous faut aussi répondre à une exigence d’efficience, dans un contexte où le poids des prélèvements sur les ménages et les entreprises compte parmi les plus élevés des pays développés.

Ce n’est pas en dépensant plus que nous dépenserons mieux. Alors que les dépenses sociales sont bien supérieures à celles de l’État, il n’est pas surprenant que la Cour retienne trois exemples dans le domaine social pour illustrer son propos. Selon elle, « le niveau particulièrement élevé des dépenses publiques en France est loin de conduire à des résultats à la hauteur des moyens engagés, comme l’illustrent les politiques du logement, de la formation professionnelle ou de la santé. »

L’enjeu est de rendre la dépense plus efficace et les travaux de la Cour peuvent nous y aider.

C’est le cas pour ce qui concerne la formation professionnelle, pour laquelle la Cour prône, dans son rapport, une lutte plus déterminée contre les comportements frauduleux et un renforcement du contrôle des actions de formation.

C’est le cas également pour ce qui concerne l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, l’ONIAM, pour lequel la Cour met à jour un véritable dévoiement des intentions du législateur de 2002 en vue d’une indemnisation amiable et rapide des victimes d’aléas thérapeutiques, à quoi s’ajoutent de graves défaillances de gestion. La commission des affaires sociales veillera à ce que la remise en ordre annoncée par le Gouvernement soit pleinement effective. Elle va d’ailleurs auditionner dans quelques jours le candidat pressenti par le Gouvernement pour la direction générale de l’Office.

C’est aussi le cas des enquêtes que la commission des affaires sociales demande à la Cour. Notre collègue Daniel Chasseing a été le rapporteur de celle qui nous a été remise au mois d’avril dernier sur l’imagerie médicale, et dont les recommandations ont été traduites dans la relation conventionnelle entre la profession et l’assurance maladie.

J’évoquais la persévérance au début de mon propos. La Cour nous y appelle également par son suivi attentif des recommandations formulées les années précédentes.

C’est le cas cette année à propos de la CIPAV, la caisse de retraite de nombreuses professions libérales, sur laquelle le rapport public annuel de 2014 avait été particulièrement sévère. Trois ans plus tard, la Cour nous alerte notamment sur les conditions de la mise en œuvre de l’article 50 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 que nous devons revoir en tant que législateurs à la suite d’une décision du Conseil constitutionnel.

Persévérance, constance, voire ténacité seront indispensables dans la période qui s’ouvre pour tenir une ligne de redressement de nos comptes publics au moyen de véritables réformes, et non d’augmentation de l’impôt ou de mesures de régulation aveugles qui mettent à mal le service public sans apporter de réponses structurelles.

Pour conclure, je veux de nouveau, à l’occasion du dépôt de ce rapport annuel, souligner, au nom de la commission des affaires sociales, la contribution que la Cour des comptes nous apporte dans le nécessaire contrôle de l’action du Gouvernement.

À chacun d’en tirer ses propres conclusions. J’y vois pour ma part une incitation à une action résolue pour retrouver les marges nécessaires à une action publique rénovée, adaptée aux nombreux défis que nous devons relever.

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