Intervention de Clotilde Valter

Réunion du 9 février 2017 à 15h00
Établissement public chargé de la formation professionnelle des adultes — Adoption définitive en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Clotilde Valter, secrétaire d’État auprès de la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargée de la formation professionnelle et de l’apprentissage :

Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, l’année 2017 constitue un tournant très important pour l’AFPA, l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes.

Depuis 1946, l’AFPA n’a cessé d’agir au service des politiques de l’emploi et de la formation, en particulier dans les moments difficiles, comme l’époque de la reconstruction de notre pays ou, plus récemment, celle de la montée du chômage. Elle est reconnue pour ses compétences, pour son expertise, mais aussi pour son rôle fondamental de garant de l’égalité d’accès aux qualifications, y compris pour les personnes les plus éloignées de l’emploi et de la formation, quel que soit leur territoire.

Fragilisée par la décentralisation et par l’ouverture à la concurrence de la formation professionnelle, l’AFPA s’est trouvée confrontée à des difficultés majeures à la fin des années 2000 et, notamment, en 2010.

Dès 2012, le Gouvernement a été convaincu de la nécessité d’accompagner l’AFPA afin qu’elle puisse répondre aux enjeux actuels en s’appuyant sur ses points forts tout en continuant d’assurer un service public au bénéfice de la collectivité nationale. C’est cette transformation qu’opère l’ordonnance du 10 novembre 2016, que le Gouvernement vous propose de ratifier en adoptant le présent projet de loi.

Le projet du Gouvernement s’appuie sur un constat : pour des raisons tant économiques que juridiques, il est indispensable de faire évoluer en profondeur le statut de l’AFPA qui est, depuis l’origine, une association.

Il s’agit tout d’abord de répondre à la déstabilisation du modèle économique de l’AFPA. La compétence des conseils régionaux en matière de formation professionnelle a été progressivement renforcée, avant de devenir exclusive. Ce transfert de compétence a rendu difficile, dans un premier temps, voire impossible, à présent, la poursuite du mode de financement antérieur de l’AFPA. En effet, ses recettes étaient presque exclusivement constituées de crédits budgétaires de l’État. De même, la nécessité de respecter le droit de la concurrence, évolution à laquelle l’AFPA n’était pas préparée, l’a fortement affectée.

L’AFPA a donc subi des pertes de parts de marché importantes et une réduction significative de son chiffre d’affaires. À partir de 2009, elle a connu une période très difficile de déséquilibre financier croissant, qui a fini par menacer son existence même. À la fin de la précédente législature, l’AFPA était au bord du défaut de paiement, sans vision stratégique ni espoir de redressement.

Il s’agit également de répondre à des impératifs de nature juridique. Il ne faut pas les négliger, car ils ont une place très importante, comme M. le rapporteur l’a souligné dans son rapport. En effet, au sein de cette structure se conjuguent des activités relevant du domaine concurrentiel et des missions de service public que l’État doit financer et auxquelles le Gouvernement, comme vous-mêmes, attache une importance considérable. Il importe donc de distinguer entre ces deux types d’activités.

La transformation de l’association en établissement public industriel et commercial, ou EPIC, permet précisément de résoudre cette difficulté en distinguant clairement les missions de service public des activités soumises à la concurrence, qui relèvent des filiales.

Une fois posé le constat de l’impossibilité du statu quo, le Gouvernement a décidé, pour ne pas laisser péricliter l’AFPA, de s’engager de façon extrêmement ferme, forte et déterminée dans un processus de transformation. Il a accompagné ce processus, depuis 2012, en plusieurs étapes, en ayant toujours le souci de maintenir le potentiel humain et technique, le savoir-faire et les valeurs de l’AFPA, et de les mettre au service des politiques de formation dans notre pays.

En 2012, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault, sur la proposition de Michel Sapin, alors ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, s’est engagé, pour les raisons stratégiques que je viens d’évoquer, dans ce processus de transformation. Il a affirmé sa volonté de développer un projet pérenne permettant la refondation de l’AFPA.

Cette démarche a été confortée par la loi du 17 août 2015, défendue par François Rebsamen, qui a inscrit l’AFPA dans le périmètre du service public de l’emploi, en pleine cohérence avec les objectifs politiques du Gouvernement. Cette loi lui confie des missions de service public et autorise le Gouvernement à engager le processus de transformation de l’association en EPIC.

L’ordonnance du 10 novembre 2016, vecteur de cette transformation, constitue l’aboutissement du processus d’accompagnement de l’État. Elle est le fruit d’un long travail d’expertise juridique, économique et immobilière, mais aussi d’un dialogue social interne à l’AFPA, et d’échanges avec les acteurs de la formation.

D’intenses échanges ont également été menés avec la Commission européenne afin que le projet construit soit en conformité avec le droit européen. Vous avez été très vigilant sur ce point, monsieur le rapporteur, mais il s’agissait pour nous aussi d’une priorité.

Le positionnement de l’établissement public au sein du service public de l’emploi repose sur une définition extrêmement claire des missions de service public, financées par l’État à hauteur de 110 millions d’euros en loi de finances initiale pour 2017.

Ces missions sont décrites dans deux articles complémentaires de l’ordonnance. Le premier réaffirme la compétence historique de l’AFPA comme acteur de la politique de certification, ainsi que le sens même de son utilité sociale dans la lutte contre les inégalités d’accès à la formation, qu’elles soient sociales, territoriales ou encore liées au genre.

Le second article identifie, parmi les missions de service public déjà présentes dans le programme d’activité de service public de l’association, celles dont le développement revêt une importance clé, dans le monde d’aujourd’hui, pour la compétitivité de notre économie et la réponse aux besoins de formation des personnes. Ces besoins s’inscrivent dans la logique du développement économique de nos territoires.

Trois missions ont pu être ainsi identifiées : une mission d’incubateur des formations aux nouveaux métiers et nouvelles compétences ; une mission de veille et d’expertise pour anticiper l’évolution des besoins en compétences ; enfin, une mission d’appui au conseil en évolution professionnelle, dont vous connaissez l’importance, afin d’accompagner les personnes qui en ont le plus besoin.

Les autres activités de l’établissement ne bénéficieront pas de dotations de l’État et s’exerceront dans le cadre de deux filiales : l’une consacrée à la mission de service public concurrentiel de formation des demandeurs d’emploi ; l’autre, à la mission de formation des salariés. Ces filiales relèveront pleinement du droit des sociétés.

Les conventions et accords collectifs applicables avant la date d’entrée en vigueur de l’ordonnance s’appliqueront à l’ensemble des personnels de l’établissement. Il est en outre prévu de négocier une convention collective permettant la constitution d’une unité économique et sociale dotée d’un comité central d’entreprise commun à l’établissement public et à ses filiales.

Outre la définition des missions de l’établissement, l’ordonnance fixe les modalités de gouvernance. Celles-ci respectent le quadripartisme : sont représentés au conseil d’administration l’État, les conseils régionaux, les partenaires sociaux et les salariés de l’EPIC, ainsi que des personnalités qualifiées. L’établissement est dirigé par un directeur général, ou plutôt une directrice générale, qui a été nommée en conseil des ministres le 7 décembre dernier et a pris ses fonctions le 1er janvier 2017, date d’entrée en vigueur du statut d’établissement public.

Enfin, l’ordonnance règle la question du patrimoine immobilier de l’AFPA, qui était posée de longue date, en organisant les conditions du transfert vers l’EPIC, lors de sa création, de biens de l’État utilisés, jusqu’à présent par l’AFPA. Ces dispositifs se sont concrétisés par la dévolution, au 1er janvier 2017, de 116 sites de l’État vers l’EPIC, en conformité avec les exigences posées par la Commission européenne. Cette dévolution permettra à l’EPIC d’assurer une présence sur tout le territoire, comme le nécessite l’exercice de ses missions de service public.

L’EPIC continuera également à exercer son activité dans des sites placés sous un statut juridique différent, de manière à mieux s’inscrire dans les projets de territoire. Cela doit permettre de mieux répondre aux besoins des demandeurs d’emploi, mais aussi à ceux des entreprises, dans le cadre de projets stratégiques définis au cas par cas.

L’ordonnance soumise à la ratification du Parlement est donc un texte équilibré, solide et respectueux des compétences des conseils régionaux et des partenaires sociaux. Il s’inscrit pleinement dans le cadre quadripartite fixé par la loi du 5 mars 2014, et est conforme au droit européen.

Le conseil d’administration de l’AFPA a approuvé la dissolution de l’association lors de sa réunion du 22 décembre 2016. L’EPIC a été officiellement créé le 1er janvier 2017. Pour autant, comme vous l’avez souligné, monsieur le rapporteur, beaucoup reste à faire pour le nouvel établissement, notamment la mise en œuvre réussie du processus de transformation, afin que le dispositif entre pleinement en vigueur et soit adapté aux exigences d’aujourd’hui.

Dans ce cadre ainsi rénové et clarifié, il appartient désormais à la direction de l’établissement et à sa communauté de travail de bâtir un projet de développement régional, site par site, région par région, et à l’échelle nationale. Dans la continuité de l’action engagée depuis 2012, le Gouvernement et l’État seront aux côtés de l’établissement, de ses salariés et de ses dirigeants pendant cette phase de démarrage et de consolidation à venir.

Le Gouvernement a choisi non pas la voie de la facilité, mais celle d’une ambition stratégique forte, avec des objectifs politiques clairs.

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