Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le Gouvernement nous demande aujourd’hui de ratifier l’ordonnance portant création au sein du service public de l’emploi de l’établissement public chargé de la formation professionnelle des adultes.
Comme cela a été rappelé, le Gouvernement avait été habilité à prendre cette ordonnance par la loi Rebsamen du 17 août 2015. Comme notre rapporteur, je fais le constat que le Gouvernement a respecté l’objet et les délais fixés par l’habilitation.
Il s’agissait de transformer l’AFPA en EPIC tout en précisant ses missions, de définir les conditions de dévolution d’actifs immobiliers de l’État à l’EPIC et de préciser les conditions du transfert des biens, droits et obligations de l’association à cet établissement.
Ainsi, l’association a été dissoute le 22 décembre dernier et l’EPIC a vu le jour le 1er janvier 2017. Cet établissement se nomme désormais Agence pour la formation professionnelle des adultes, ce qui a permis de préserver le sigle AFPA. Sa mission de service public a été précisée et deux filiales ont été créées pour accueillir les activités de formation professionnelle des demandeurs d’emploi soumises au droit européen de la concurrence. Par ailleurs, 116 sites d’une valeur estimée à 410 millions d’euros ont été transférés gratuitement à l’EPIC.
Le Gouvernement nous dit avoir tout mis en œuvre, tant financièrement que juridiquement, pour sauvegarder et renforcer l’AFPA. Nous saluons cet effort et nous reconnaissons qu’une réforme s’imposait.
Depuis que le Conseil de la concurrence, dans une décision de 2008, a estimé que l’organisation de l’AFPA ne respectait pas les règles communautaires applicables en la matière, la situation de l’association n’avait cessé de se dégrader, jusqu’à frôler la cessation de paiement en 2012. Les efforts du Gouvernement ont permis, pour l’instant, de sauvegarder un opérateur public de formation professionnelle.
Néanmoins, si cette réforme a préservé l’AFPA d’une mort annoncée, elle est loin de permettre à la nouvelle agence de relever tous les défis qui se présentent à elle.
Tout d’abord, le patrimoine alloué à l’Agence nécessite d’importants travaux de désamiantage, de rénovation thermique et de mise aux normes en matière d’accessibilité aux personnes handicapées. Si le Gouvernement conteste le chiffre de 1, 2 milliard d’euros avancé par la direction de l’AFPA et par les syndicats, il ne fait aucun doute que les travaux devant être engagés coûteront des dizaines, voire des centaines de millions d’euros. Et je ne parle pas du contentieux locatif, pour lequel France Domaine réclame 130 millions d’euros à l’AFPA.
Ensuite, la réforme ne permet en rien de résorber le déficit budgétaire structurel de l’association, dont le chiffre d’affaires ne fait que décroître, ce qui entraîne la suppression de personnels et donc un déficit d’activité, lequel fait baisser le chiffre d’affaires, sans que l’on voie comment enrayer ce cercle vicieux.
Enfin, les règles européennes en matière de concurrence et l’ambiguïté de la définition du service public de l’emploi dans le texte même de l’ordonnance interdisent à l’État de financer l’Agence au-delà des 110 millions d’euros qu’il lui verse annuellement, ce montant étant sans doute appelé à diminuer.
Au passage, le groupe écologiste regrette profondément que les actions de formation en matière de développement durable et de transition énergétique ne soient pas considérées comme relevant d’une mission de service public et qu’elles ne fassent donc pas l’objet d’une dotation de l’État. Cela nous semble contradictoire avec l’article 2 de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte.
Face à ce triple constat, le doute s’installe. Comment, dans ces conditions, préserver le service public de la formation professionnelle ?
Pour aider le futur gouvernement à faire face à ce défi, nous vous proposons quelques pistes.
Il faut lancer sans attendre l’appel d’offres national sur les formations rares et émergentes rendu possible par la loi Sapin II, harmoniser les appels d’offres de formation professionnelle d’une région à l’autre afin de diminuer le volume de tâches administratives de l’Agence et de ses concurrents du secteur privé, envisager d’accorder à l’AFPA une délégation de service public pour pérenniser un certain nombre d’activités, sans entraver le droit à la concurrence.
Il reviendra également à l’Agence de rationaliser son nouveau patrimoine immobilier, de renforcer ses relations avec les régions, via les CREFOP, les comités régionaux de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelle, de réintégrer en son sein des activités formatrices plus rémunératrices, lesquelles sont aujourd’hui souvent entièrement dévolues au secteur privé.
Telles sont les quelques pistes que nous vous soumettons, madame la secrétaire d’État. Le défi est immense. Si je reconnais que le Gouvernement, dans cette ordonnance, respecte la mission fixée dans le cadre de l’habilitation, je suis loin de penser que le montage envisagé permettra de garantir de façon pérenne un service public de formation professionnelle de qualité. Comme d’autres l’ont dit, cette réforme était nécessaire, mais sera-t-elle suffisante ?