Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je tiens à saluer, comme d’autres avant moi, notre rapporteur, qui a rappelé l’histoire tourmentée de l’AFPA, notamment ces dix dernières années. Tout le monde a évoqué le double choc qu’elle a subi. Pour ma part, sans chercher à polémiquer, j’en ajouterai un troisième : dans le même temps où l’AFPA vivait ce double choc, les dotations de l’État sont passées de 575 millions d’euros en 2007 à 74 millions d’euros en 2011. On peut donc parler d’un triple choc, lequel a conduit cet organisme quasiment à la cessation de paiement en 2011.
Monsieur Forissier, vous avez très bien situé, comme les orateurs qui m’ont précédée du reste, les enjeux de cette ordonnance. Il s’agit ni plus ni moins pour l’AFPA de trouver sa place d’opérateur public dans le grand chantier de la « refondation » de la formation professionnelle, terme employé par notre collègue Dominique Watrin en commission, refondation à laquelle il faudra bien procéder au cours du prochain quinquennat, quelle que soit la majorité au pouvoir. J’y reviendrai.
Au cours des dix dernières années, l’AFPA a subi le choc de la décentralisation vers les régions et celui de la mise en concurrence, sans être accompagnée d’un puissant projet stratégique. Son modèle économique s’en est trouvé déstabilisé, et sa mission historique, qui était de s’occuper des personnes les plus éloignées de l’emploi, en a été bousculée. Ses financements sont devenus aléatoires, dépendants des appels à projets des régions, lesquels se substituaient aux dotations de l’État, plus lisibles et prévisibles. De plus, les commandes publiques se trouvaient soumises à la concurrence du fait d’une lecture stricte de la directive Services. C’est aussi cela le sujet !
Qui plus est, de manière seconde, mais non secondaire, cela a déjà été dit, une incertitude planait sur le patrimoine immobilier de l’AFPA après la censure du Conseil constitutionnel. Enfin, pour ne rien arranger – et j’arrêterai là ce sombre tableau –, le transfert des personnels chargés de l’orientation des demandeurs d’emploi à Pôle emploi, consécutif à la loi de 2009 défendue par Mme Morano, a affaibli l’AFPA sans que Pôle emploi en soit significativement renforcé.
Dès le début de ce quinquennat, l’apport de fonds propres à hauteur de 220 millions d’euros et la mise en place d’une nouvelle direction ont apporté un bol d’air à l’AFPA, mais il fallait lui donner une nouvelle assise juridique, clarifier ses missions, lesquelles doivent être en phase avec les mutations en cours dans notre économie. Tel est l’objet de l’ordonnance.
L’urgence est double : elle est à la fois conjoncturelle et structurelle.
D’un point de vue conjoncturel, l’AFPA doit en effet jouer tout son rôle dans le plan de formation de 500 000 chômeurs lancé en 2016. À ce jour, on recense 1, 1 million d’actions de formation, dont 300 000 pour les publics prioritaires. Ce plan a permis une très nette accélération de l’activité de l’AFPA à partir du mois de septembre 2016 : en novembre de cette même année, l’Agence a ainsi enregistré une augmentation de 58 % du nombre de ses stagiaires demandeurs d’emploi.
D’un point de vue structurel, dans la mutation profonde que connaît la société du travail, nous devons disposer d’outils de formation adaptés à la révolution numérique, à l’écrasement des chaînes hiérarchiques dans la production industrielle comme dans les services, à la montée du travail en dehors des murs de l’entreprise, à la mobilité des travailleurs quel que soit leur statut – salarié, indépendant, parfois les deux à la fois –, au développement des plateformes de services, à la robotisation, à la disparition de certains emplois et à l’apparition d’autres, plus qualifiés ou répondant à des besoins non encore quantifiés, situés dans des secteurs exposés ou non à la concurrence.
Bref, cette révolution ne cesse d’inquiéter, tout un chacun se sentant menacé. Il faut entendre cette inquiétude, ce qui ne me semble pas être le cas à ce stade de la campagne pour l’élection présidentielle. Il faut y apporter des réponses et engager un effort exceptionnel en matière de formation, celle-ci devant être ouverte à tous et être valable tout au long de la vie. Pour cela, nous devons disposer d’outils prospectifs, réactifs et efficaces.
C’est dans ce paysage mouvementé que s’inscrit la réforme du statut de l’AFPA. L’ordonnance clarifie la situation juridique, les missions et la gouvernance de l’Agence. Elle règle le transfert du parc immobilier. Cela suffira-t-il à répondre à une situation critique ? Bien sûr que non. L’AFPA devra augmenter son activité, optimiser son patrimoine et adapter ses compétences. Elle aura pour cela besoin de l’appui vigilant de l’État.
L’avenir de l’AFPA est également conditionné à celui de la formation professionnelle. Les choix qui seront faits lors du printemps électoral seront déterminants. La formation devra être une priorité forte, principielle, du prochain quinquennat. Des jalons ont été posés au cours du quinquennat qui s’achève. Nous ne voudrions pas – je représente le groupe socialiste et républicain – les voir remis en cause. J’en citerai deux.
La loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale a mis en place le compte personnel de formation et permet à toute personne active, dès son entrée sur le marché du travail et jusqu’à sa retraite, d’acquérir des droits à la formation, mobilisables tout au long de la vie professionnelle. Aujourd’hui, 720 000 dossiers utilisant le compte personnel de formation ont été validés. Le nombre de comptes ouverts a augmenté de 53 % : 12, 3 millions d’heures ont été mobilisées.
La loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels a permis de doubler, à partir du 1er janvier 2017, les droits à la formation inscrits dans le compte personnel d’activité des personnes peu qualifiées et a institué un mécanisme d’abondement des droits à la formation pour les jeunes sans qualification. Ces efforts doivent s’intensifier, notamment en direction des publics prioritaires, au premier rang desquels figurent les chômeurs, car le système actuel, je le dis très clairement, n’est pas fait d’abord pour eux.
Les chiffres sont sans appel : en France – et c’est une piètre performance comparée à celle de pays voisins –, moins d’un chômeur sur cinq est en formation. Le plan « 500 000 formations supplémentaires » que j’ai évoqué était donc urgent. Son financement n’est prévu que jusqu’en juin. Pour ma part, je considère qu’il doit être pérennisé et qu’il faut consentir à un tel effort budgétaire.
J’évoquerai maintenant l’efficience des sommes consacrées à la formation professionnelle, lesquelles s’élèvent à plus de 30 milliards d’euros, ce qui n’est pas neutre.