Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce projet de loi s’inscrit dans le prolongement de plusieurs réformes engagées par la majorité précédente, dans une logique de décentralisation et de rationalisation de la formation professionnelle.
Ainsi, en 2004, l’État transférait aux régions une compétence générale en matière de formation professionnelle, ce qui impacta le fonctionnement de l’AFPA, désormais soumise au droit de la concurrence et aux exigences des conseils régionaux, via des appels d’offres.
Ce nouveau cadre allait provoquer un enchaînement d’aménagements juridiques, dont j’ai pu constater la complexité.
S’est tout d’abord posée la question du partage des missions de l’AFPA. En 2008, j’étais rapporteur de la loi relative à la réforme de l’organisation du service public de l’emploi, qui a prévu la fusion de l’ANPE et de l’UNEDIC et conduit à la création de Pôle emploi. J’ai alors demandé un rapport au Gouvernement sur un éventuel transfert des activités d’orientation de l’AFPA à Pôle emploi, transfert que la loi relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale allait finalement réaliser l’année suivante.
Il devenait en effet nécessaire de rationaliser les services et donc de regrouper au sein de Pôle emploi les fonctions d’orientation proposées aux demandeurs d’emploi afin de leur éviter le parcours du combattant que représente la dispersion des structures administratives. J’en profite pour rappeler que, à l’origine, Pôle emploi a été créé pour faciliter le parcours des chômeurs et des personnes à la recherche d’un emploi.
Le transfert des personnels d’orientation de l’AFPA répondait également à un impératif juridique, car le Conseil de la concurrence craignait une atteinte à la concurrence si l’AFPA orientait les demandeurs d’emploi vers ses propres centres de formation.
Une autre question d’ordre juridique allait se poser à l’AFPA et nous espérons tous, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, lui apporter une solution définitive aujourd’hui : celle du transfert des biens immobiliers qu’elle occupe. Comme l’a expliqué notre rapporteur, l’État a en effet souhaité transférer à titre gratuit à l’AFPA les biens immobiliers qu’elle louait, soit 158 centres de formation, afin de la doter des moyens de son autonomie et de lui permettre de faire face à ses mutations.
Prévue dans la loi relative à la formation professionnelle, cette dévolution s’est heurtée à la censure du Conseil constitutionnel, qui a considéré qu’il s’agissait de biens publics protégés et que rien ne garantissait que ces biens demeurent affectés au service public.
Au regard du droit communautaire, l’opération risquait également d’apparaître comme une aide d’État.
En 2014, le Gouvernement a cherché à tenir compte de la décision du Conseil constitutionnel en mettant en place un mécanisme de transfert à titre gratuit aux régions, mais l’arrêté devant fixer la liste des immeubles concernés n’a jamais été publié. Quant aux régions, elles n’ont pas, semble-t-il, fait preuve d’un grand empressement pour récupérer ces biens.
Ces incertitudes ont eu des conséquences défavorables sur la gestion de l’AFPA, l’exposant notamment à devoir verser des arriérés de paiement sur ses redevances.
Il était donc plus que temps de proposer une solution satisfaisante au regard du droit constitutionnel et du droit communautaire.
J’ai aussi été rapporteur de la loi relative au dialogue social et à l’emploi, dite loi Rebsamen, qui comportait l’habilitation à légiférer par la présente ordonnance afin de transformer l’AFPA en un établissement public à caractère industriel et commercial doté d’une mission de service public. Des assurances nous avaient alors été données sur la solidité de ce dispositif, qui doit être, nous l’espérons, l’ultime épisode du feuilleton législatif que nous avons tous retracé.
Je tiens d’ailleurs à faire part des informations que j’ai pu recueillir lors de l’examen de ce projet de loi, car certaines prises de paroles en commission ont pu laisser penser que notre majorité, en mettant en place la décentralisation de la formation professionnelle et en soumettant l’AFPA à un régime concurrentiel, était à l’origine de ses difficultés financières, ou tout au moins qu’elle ne les avait pas anticipées. Je m’élève contre de telles affirmations. Tous les gouvernements ont tenté de sauver l’AFPA et de la mettre sur les bons rails.
Dans son enquête sur l’AFPA effectuée au premier semestre de l’année 2013, enquête demandée conjointement par la commission des affaires sociales et la commission des finances du Sénat, la Cour des comptes indique que l’AFPA a fait des choix de gestion et d’organisation inadaptés.
Ainsi, elle a relevé que la loi de 2004 « donnait la possibilité d’anticiper l’échéance prévue pour le 1er janvier 2009 pour le transfert progressif aux régions de l’organisation et du financement des stages de l’AFPA », mais que « le système de subvention prolongée conclu avec les régions n’avait pas été mis à profit pour engager une réforme progressive du financement des stages de l’AFPA avant sa confrontation à une mise en concurrence effective ».
Pour expliquer ces difficultés strictement internes à l’AFPA, la Cour a évoqué un problème de prise de décision, en particulier à partir de 2008, des « orientations non partagées par tous les membres de l’assemblée délibérante », du fait de la présence de concurrents de l’AFPA dans cette assemblée – notamment des organisations professionnelles finançant par ailleurs leurs propres systèmes de formation –, ainsi que « des conflits récurrents avec les représentants syndicaux sur les plans sociaux successifs, puis entre le président de l’association et le directeur général ».
Outre ces problèmes de gouvernance, l’AFPA a tardé à intégrer le rôle de la région dans la formation professionnelle, et son organisation territoriale n’a pas évolué, alors que la nouvelle logique de marché public reposait non sur une stratégie unique pour l’ensemble du territoire, mais sur des modalités propres à chaque région.
Une absence systématique d’analyse du marché l’a également empêchée de gérer ses problèmes de transition d’une structure subventionnée par l’État à un organisme essentiellement commercial.
La Cour des comptes a également souligné une diminution trop lente des effectifs, une politique de gestion des ressources humaines insuffisamment rigoureuse, un manque de mobilité des personnels, des problèmes de facturation, ainsi que la réduction tardive des charges de fonctionnement, contribuant à dégrader les comptes de l’AFPA.
Je tenais à rappeler ces faits qui, vous le constatez, ont peu à voir avec une supposée inaction de l’État.
Toujours est-il que l’AFPA dispose, selon moi, d’atouts importants, en particulier pour faciliter un retour durable des demandeurs d’emploi sur le marché du travail – ce qui est l’objectif principal –, grâce à son outil de formation et à son savoir-faire dans le domaine de l’accompagnement des stagiaires. Il ne faut pas oublier que la moitié des stagiaires demandeurs d’emploi ayant obtenu un titre professionnel sont en situation d’emploi six mois après la fin de leur formation.
Aujourd’hui, en rendant l’AFPA maître de ses principaux outils et en lui octroyant un statut plus conforme au cadre concurrentiel, nous espérons la replacer sur une trajectoire viable et préserver ses compétences et son savoir-faire.
Le groupe Les Républicains joindra donc ces voix à celle du rapporteur et à celles de la plupart des groupes en faveur d’une adoption conforme du présent texte, souhaitant sa mise en œuvre rapide. Pour ma part, j’espère que ce sera la dernière fois qu’une loi sera nécessaire pour régler les problèmes de l’AFPA.