Je suis ici en qualité de chef de la division des relations internationales - DRI - de la police judiciaire, division que je dirige depuis six ans et qui est chargée de la gestion des canaux de coopération internationale que sont Interpol, Schengen et Europol, ainsi que des échanges qui résultent des décisions issues du traité dit « de Prüm ».
La DRI est un service tourné vers les unités opérationnelles avec lesquelles nous entretenons des liens étroits, afin d'assurer la mise en oeuvre d'échanges d'informations concrets, échanges qui constituent la réalité de la coopération policière internationale et européenne.
S'il m'est possible de vous apporter toute précision utile sur ces matières, ce n'est en revanche pas le cas pour les questions touchant aux visas, à l'asile ou même au rétablissement provisoire des frontières intérieures, qui ne relèvent pas de mes compétences.
La DRI relève directement du directeur central de la police judiciaire. Elle a trois composantes essentielles : la section de coopération opérationnelle de police - la SCCOPOL - qui est en quelque sorte la « salle des machines » de la coopération internationale, le service en charge des actions de coopération européenne et internationale - le SCACEI - qui participe à l'élaboration des stratégies françaises dans le cadre de nos échanges avec Interpol et Europol et, enfin, une section de gestion administrative. Au sein de la DRI, il existe également une représentation permanente du bureau de l'entraide pénale internationale du ministère de la justice, qui nous aide à apporter une réponse optimale et rapide au traitement des dossiers d'extradition ou des mandats d'arrêt européens qui relèvent de la coopération judiciaire. En effet, une grande partie d'entre eux échoit au quotidien aux services chargés de la coopération policière.
C'est la SCCOPOL qui mérite toute votre attention aujourd'hui. Elle a été mise en place en 2000 par Jean-Pierre Chevènement, alors ministre de l'intérieur. Il s'agit du point de contact national unique pour tous les échanges relevant des canaux institutionnels. Nous y enregistrons et traitons l'ensemble des demandes de coopération policière émanant de nos partenaires étrangers, ainsi que les demandes à destination de l'étranger émises par les services de police, de gendarmerie et des douanes.
Elle a également pour mission d'accompagner les services d'enquête, en les aidant à choisir le meilleur canal d'information pour leurs requêtes. La SCCOPOL est un service interministériel. Elle regroupe des fonctionnaires issus de la police, de la gendarmerie et des douanes. Elle travaille vingt-quatre heures sur vingt-quatre et trois cent soixante-cinq jours par an.
L'année dernière, la SCCOPOL a échangé plus de 450 000 messages sur l'ensemble de ces canaux. Le volume des échanges explose, à l'instar de ce qu'enregistrent nos partenaires britanniques et allemands.
La SCCOPOL comprend le bureau central national Interpol, rattaché à la DCPJ depuis 1928, le bureau SIRENE qui assure le traitement des informations résultant de la consultation du système d'information Schengen depuis 1995, l'unité nationale Europol depuis 1996, ainsi que l'unité de coordination des actions dites « Prüm », plus récemment.
Interpol et Europol constituent des outils d'aide à l'enquête : ils nous permettent d'adresser des demandes d'informations à l'étranger, de mettre en place des réunions opérationnelles, de réaliser des transferts d'informations, etc.
Schengen, c'est tout autre chose : Schengen est un outil d'aide au contrôle sur la voie publique. Il s'agit d'un vaste filet tendu au-dessus du territoire des vingt-six pays qui en sont membres, à l'intérieur duquel ces pays ont placé 71 millions de données, dont 830 000 concernent des personnes à surveiller ou à arrêter selon les cas. Par l'intermédiaire des bureaux SIRENE des différents pays, Schengen permet aux États de conduire de nombreux contrôles, qui donnent lieu ensuite à une remontée immédiate de l'information. Les opérateurs du contrôle reçoivent ensuite des indications sur la conduite à tenir, la plus simple et claire possible, car ceux-ci ne disposent souvent que de quelques instants pour réagir, notamment lors des contrôles sur la voie publique.
Le dispositif Prüm a été adopté pour approfondir la coopération policière internationale. S'il était auparavant envisageable d'interroger certains pays pour savoir si des échantillons d'ADN ou des empreintes digitales non identifiés en France pouvaient leur étaient connus, il est désormais possible d'envoyer de manière systématique l'ensemble de ces données non identifiées pour les confronter avec le fichier de données commun à l'ensemble de nos pays partenaires : c'est la grande avancée obtenue grâce au traité de Prüm.
Pour en revenir à la coopération policière Schengen, celle-ci s'exerce pleinement au travers de l'utilisation du système d'information, le SIS, et du travail du bureau SIRENE dont je viens de parler, mais aussi par l'intermédiaire de l'office N.SIS II, lui aussi situé au sein de la DRI. En février 2015, le directeur général de la police nationale a en effet souhaité confier la responsabilité de la mise en place et la direction de cet office à la DCPJ.
Les dispositions européennes prévoient la désignation dans chaque État membre d'un office N.SIS II, qui est responsable du bon fonctionnement et de la sécurité du SIS II national, qui fait en sorte que les autorités compétentes aient accès au SIS II et qui prend les mesures nécessaires pour assurer le respect des dispositions du règlement de 2006 et de la décision de 2007 relatifs au SIS II. L'office N.SIS II est chargé de coordonner l'action de l'ensemble des acteurs concernés par le SIS en France, à savoir les services techniques et informatiques du ministère de l'intérieur, ainsi que les services gestionnaires des fichiers raccordés en alimentation et en consultation.
La DRI représente ainsi la France auprès de nos homologues européens et de l'Agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d'information à grande échelle au sein de l'espace de liberté, de sécurité et de justice, l'eu-LISA, en particulier lors des réunions trimestrielles du groupe consultatif sur le SIS II.
L'espace Schengen, qui comprend désormais vingt-six États, consacre le principe de libre circulation des personnes au travers de la suppression des frontières intérieures. Cela étant, ces frontières intérieures peuvent être rétablies temporairement pour des raisons de sécurité. En outre, la suppression de ces frontières a donné lieu à la mise en place de mesures compensatoires, comme le développement de la coopération judiciaire et policière avec la création du système d'information Schengen, fichier commun informatisé, la mise en place de règles communes en matière de conditions d'entrée et de visa pour les courts séjours, le traitement des données en matière de demandes d'asile et le maintien des contrôles volants.
Pour autant, le système Schengen et la coopération policière en Europe résultent aujourd'hui de dispositions autonomes. L'échange d'informations et de renseignements entre États membres relève ainsi de la décision-cadre dite « initiative suédoise », laquelle établit un principe de disponibilité de l'information entre pays partenaires. La SCCOPOL est là encore le point de contact national dans ce domaine.
Depuis l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam, la coopération, qui se déroulait jusqu'alors dans le cadre de Schengen, a été intégrée dans le cadre de l'Union européenne. Toutefois, les droits d'observation et de poursuite transfrontalières restent en vigueur et sont pleinement utilisés aujourd'hui. Il s'agit d'outils fondamentaux de la coopération policière du quotidien : plusieurs fois par semaine, des enquêteurs français traversent les frontières pour poursuivre des surveillances et des filatures à l'étranger, et réciproquement.
L'élargissement progressif de l'espace Schengen et le nécessaire recours à de nouvelles fonctionnalités ont entraîné le remplacement du SIS par un système de deuxième génération, le SIS II, entré en vigueur le 9 avril 2013. Créé par une décision et deux règlements européens, géré par la Commission européenne et placé sous la responsabilité technique de l'agence eu-LISA, il correspond à une base de données commune.
Pour conclure, je vais vous livrer quelques données chiffrées qui démontrent l'utilité du système d'information Schengen, dont je dis souvent qu'il reste la « Rolls Royce » de la coopération policière, bien qu'il soit beaucoup décrié.
Schengen, c'est 71 millions de données et 830 000 personnes à arrêter ou à surveiller - parmi lesquels 35 600 personnes visées par un mandat d'arrêt européen - contre 170 à 180 000 personnes seulement dans le fichier français des personnes recherchées, le FPR. Les policiers français qui effectuent quotidiennement des contrôles sur la voie publique recherchent donc davantage d'individus figurant dans le SIS II que dans le FPR.
En 2015, 522 mandats d'arrêt européens émis par la France ont été mis à exécution par nos partenaires européens dans le cadre de Schengen. De notre côté, nous avons arrêté 819 personnes pour le compte de nos partenaires, auxquelles on peut ajouter les 60 personnes interpellées à l'extérieur de l'espace Schengen grâce à Interpol. Cela fait donc un peu plus de 1 500 individus tombés dans les rets de la justice internationale, soit près de trois personnes par jour.
En 2015 toujours, nous avons enregistré près de 3 milliards de consultations dans le fichier Schengen en Europe, dont 555 millions de consultations pour notre seul pays. La France a répertorié 12 000 signalements de personnes recherchées à l'étranger. Nos collègues étrangers, quant à eux, nous ont alertés à 7 500 reprises pour des signalements concernant des personnes recherchées en France.
Le fichier Schengen comprend 86 000 personnes recherchées sur le fondement des surveillances exercées dans le cadre de la répression des infractions pénales, dont 44 000 pour la France, et 10 000 individus recherchés pour atteinte à la sûreté de l'État, dont 2 000 pour la France.
Un dernier détail, le fichier Schengen comporte environ 2 650 personnes visées par un mandat d'arrêt européen émis par un magistrat français.