Intervention de Jean-Jacques Colombi

Commission d'enquête Frontières européennes et avenir espace Schengen — Réunion du 1er février 2017 à 16h30
Audition de M. Jean-Jacques Colombi chef de la division des relations internationales de la direction centrale de la police judiciaire au ministère de l'intérieur

Jean-Jacques Colombi, chef de la division des relations internationales de la direction centrale de la police judiciaire au ministère de l'intérieur :

Pour répondre à votre seconde question, il ne m'appartient pas de dresser un tableau d'honneur des bons et des mauvais élèves. J'aurai néanmoins tendance à dire que les pays auxquels on pense immédiatement comme pouvant figurer parmi les mauvais élèves putatifs se révèlent souvent être les meilleurs utilisateurs de Schengen. Au plan technique, le travail des bureaux SIRENE de Sofia et de Bucarest est inattaquable. Ces bureaux ont été créés ex nihilo avec des fonds européens et les autorités politiques de ces deux États ont parfaitement compris l'enjeu que la coopération policière représentait pour eux.

Cela étant, il est très facile pour un pays de 4 millions d'habitants, comme la Slovénie par exemple, d'utiliser cet outil de coopération policière de manière extensive. C'est plus difficile pour Rome ou Madrid où l'appareil sécuritaire est plus éclaté. C'est plus difficile aussi dans des États où il existe une concurrence interne en matière policière, même si l'outil est à la disposition de tous.

La France a d'excellents rapports avec tous ses pays frontaliers. La coopération fonctionne tellement bien avec ces États que les relations interpersonnelles que nous avons construites les uns avec les autres au fur et à mesure de nos rencontres au sein des enceintes de coopération permettent parfois de pallier les dysfonctionnements éventuels de l'outil de coopération.

Certaines utilisations du système d'information Schengen varient en fonction des réalités propres à chaque État. Le BKA, l'office fédéral de police criminelle allemand, rencontre parfois des difficultés à recueillir des renseignements auprès des polices de certains Länder, très attachés au respect de leurs compétences propres. C'est donc pour obtenir des informations qu'elle aurait eu du mal à se procurer en interne que la police fédérale allemande fait une utilisation extensive des outils de la coopération policière internationale. Le cas de la France est différent : c'est un pays centralisé, qui dispose d'une plateforme commune et ne rencontre pas ce type de difficultés.

Enfin, l'utilisation des outils de coopération dépend aussi de la sensibilité des affaires à traiter : ce qui est urgent pour un pays ne l'est pas nécessairement pour un autre pays, notamment si l'information circule mal entre les pays.

Pour moi, il n'y a donc pas de mauvais élève à proprement parler. Certains États sont parfois plus irritants que d'autres, mais je suis sûr que c'est ce que certains de nos partenaires peuvent aussi penser de nous.

À mon sens, il faudrait obtenir de l'ensemble des États membres du système Schengen que le SIS II ait la prééminence sur les systèmes d'information nationaux. Jusqu'ici, le SIS a pâti de cette situation. Aujourd'hui, le système d'information Schengen est toujours considéré comme une sorte d'extension du FPR national, alors qu'il faudrait faire du N.SIS II le fondement de l'organisation de notre système d'information national. C'est ainsi que la Norvège, par exemple, a choisi de mettre à bas tout son système d'information pour recréer une infrastructure conforme à ce que préconisait l'eu-LISA. Les Norvégiens ne sont plus confrontés aux hiatus préjudiciables auxquels nous faisons face de temps en temps en raison de la coexistence de deux systèmes d'information national et européen.

Pour répondre à votre première interrogation, il convient de distinguer deux cas, celui d'une personne que l'on cherche à arrêter et celui d'une personne que l'on souhaite surveiller.

En pratique, une patrouille interpelle et contrôle un individu où qu'elle soit. Prenons l'exemple de l'arrestation d'une personne visée par un mandat d'arrêt européen : l'individu est contrôlé en Pologne et est recherché par la France. Le policier polonais va recevoir l'information selon laquelle l'individu contrôlé doit être interpellé. Il va alors immédiatement prendre contact avec le bureau SIRENE de Varsovie, lequel va lui confirmer qu'il faut bien interpeller l'individu et le conduire auprès de la juridiction la plus proche. Le bureau SIRENE de Varsovie va alors envoyer un message au bureau SIRENE de Paris, qui lui confirmera en retour la matérialité de la recherche et lui envoyer le document judiciaire qui permettra à la procédure de suivre son cours. Huit à quinze jours après s'être vu notifier le mandat d'arrêt européen, l'individu arrêté en Pologne se trouvera dans le bureau du magistrat ayant émis le mandat d'arrêt à Paris. Le processus est analogue lorsque l'individu est recherché à l'étranger et arrêté en France.

En cas de surveillance d'une personne, la procédure est similaire. La personne à surveiller peut soit faire l'objet d'un contrôle discret, soit faire l'objet d'un contrôle spécifique, c'est-à-dire d'un contrôle approfondi avec fouille. Ce sont deux procédures bien distinctes. L'intérêt des services de renseignement, pour prendre cet exemple, est bien entendu de procéder à un maximum de contrôles discrets.

Le contrôle discret implique que le contrôleur prenne le plus d'informations possible sans éveiller les soupçons. Ainsi, dans le cadre du contrôle d'un véhicule où se trouvent trois personnes, un individu recherché mais aussi deux personnes inconnues, les policiers tenteront, s'ils sont malins, de connaître l'identité des deux personnes qui ne figurent pas dans leur fichier. Je donne cet exemple parce que c'est ce qui s'est passé pour Salah Abdeslam.

Dans ce type de situations, la patrouille qui interpelle un individu contactera son bureau SIRENE qui, de son côté, enverra un formulaire normalisé au bureau SIRENE du pays émetteur pour lui signaler que l'individu a été contrôlé. Tous les pays ne réagissent pas toujours aussi rapidement. De son côté, la France tient à déclencher cette procédure le plus vite possible, car elle a une interprétation très restrictive de ce dispositif. Aussi envoie-t-elle immédiatement à ses partenaires l'information selon laquelle un contrôle a eu lieu, et ce quelle que soit l'heure du jour ou de la nuit.

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