Intervention de Philippe Bas

Commission mixte paritaire — Réunion du 13 février 2017 à 16h05
Commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la sécurité publique

Photo de Philippe BasPhilippe Bas, sénateur, président :

Je propose d'insérer un article additionnel pour tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel du 10 février 2017 déclarant non conformes à la Constitution les dispositions permettant de punir le délit de consultation habituelle de site internet incitant à la commission d'actes de terrorisme ou en faisant l'apologie. Dans cette décision extrêmement motivée, à laquelle nous sommes obligés de nous conformer, le Conseil constitutionnel a jugé - ce qui rend très difficile son rétablissement - que ce délit créé par la loi du 3 juin 2016, utilisé depuis pour engager des poursuites et ayant donné lieu à des condamnations, n'était ni nécessaire, ni adapté, ni proportionné.

Je me suis efforcé, dans la rédaction que je vous propose, de le caractériser davantage pour répondre aux conditions posées par le Conseil constitutionnel. Ainsi, je propose de punir « le fait de consulter habituellement et sans motif légitime » un site qui appelle aux crimes djihadistes, aux crimes terroristes, en définissant ainsi, dans un second paragraphe, un motif légitime : « la consultation résultant de l'exercice normal d'une profession ayant pour objet d'informer le public, intervenant dans le cadre de recherches scientifiques ou réalisée afin de servir de preuve en justice ou le fait que cette consultation s'accompagne d'un signalement des contenus de ce service aux autorités publiques compétentes ».

Autrement dit, l'individu qui consulte régulièrement de tels sites, mais qui prend le soin d'en dénoncer l'existence aux officiers de police judiciaire, s'exonère de tout risque d'être poursuivi pour consultation régulière de ces sites. Le motif légitime est donc tout à fait explicité.

À la fin du premier paragraphe, nous ajoutons, pour que le délit soit constitué, que cette consultation doit s'accompagner « d'une manifestation de l'adhésion à l'idéologie exprimée sur ce service » ; ce n'est donc plus la seule consultation du site terroriste qui fonde la sanction.

Peuvent être visés par cette condition des correspondances avec des tiers les invitant à consulter ces mêmes sites ou faisant part de l'adhésion à cette idéologie, ou le fait que, pendant une perquisition, on trouve certains objets qui attestent de l'adhésion de l'individu à cette idéologie.

Moyennant toutes ces précautions, et sans pouvoir exclure que le Conseil constitutionnel s'oppose à cette nouvelle rédaction - personne ne pouvait prédire qu'il s'opposerait à l'ancienne -, je vous propose d'adopter cette disposition, qui permettrait de conserver les moyens nouveaux que nous avons voulu donner au parquet et aux tribunaux afin de poursuivre des terroristes qui ne sont pas encore passés à l'étape de la constitution d'une entreprise individuelle de terrorisme ou à celle d'association de malfaiteurs en vue de commettre un acte terroriste. Il vaut mieux les arrêter à ce moment-là, avant qu'ils n'aient « progressé » dans leur démarche.

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