Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en préambule, je souhaiterais rappeler que nous ne sommes pas favorables à l’utilisation par le Sénat de la procédure d’examen en commission, dite « PEC », qui réduit considérablement notre rôle de parlementaires en restreignant le cadre de nos discussions à celui, plus étroit, d’une commission. Même s’agissant de la ratification de deux ordonnances – nous désapprouvons également le recours à cette procédure –, nous ne pouvons pas accepter, en tant que législateur, que le pouvoir parlementaire soit si peu considéré !
Concernant l’ordonnance relative à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, dont l’objectif principal était la transposition d’une directive européenne relative à la qualité et à la sécurité des tissus et des cellules importés en provenance de pays tiers à l’Union européenne, notre groupe avait exprimé de nombreuses réserves lors de la première lecture.
Nous sommes favorables à un meilleur encadrement de la commercialisation des produits issus de pays tiers, mais nous persistons à penser que la marchandisation de tissus et de cellules d’origine extra-européenne devrait être interdite au nom de l’éthique.
Les amendements de précision introduits par l’Assemblée nationale ne lèvent pas totalement les risques potentiels de remise en cause, à terme, de notre modèle transfusionnel éthique, gratuit et bénévole.
Pour ce qui est de l’expérimentation destinée à lutter contre les ruptures d’approvisionnement des pharmacies, nous nous réjouissons de l’évolution du texte, qui vise désormais non plus uniquement les grossistes-répartiteurs, mais aussi les laboratoires. Nous espérons que l’obligation de déclaration, pour les grossistes-répartiteurs, des quantités de médicaments qu’ils exportent permettra d’améliorer l’approvisionnement des pharmacies. Je rappelle à mon tour que, en 2015, des ruptures d’approvisionnement de 391 médicaments d’intérêt thérapeutique majeur ont été signalées à l’ANSM.
Il est essentiel que les titulaires d’une autorisation de mise sur le marché et les distributeurs en gros à l’exportation soient soumis aux mêmes règles en cas de ruptures d’approvisionnement.
Je me félicite de la décision du Conseil d’État du 8 février dernier, visant à demander au ministère de la santé de rendre disponibles les trois vaccins obligatoires contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite. J’avais déjà eu l’occasion de dénoncer le fait que ces vaccins soient désormais associés à d’autres vaccins polyvalents, non obligatoires. Les industriels qui avaient organisé une rupture d’approvisionnement en arrêtant la production du vaccin DT-polio non associé à d’autres en 2008 seront donc, je l’espère, obligés de commercialiser de nouveau ce vaccin. Je serai, pour ma part, très attentive à ce que la décision du Conseil d’État soit bien suivie d’effet et que les trois vaccins obligatoires soient de nouveau disponibles et commercialisés. Il revient à Mme Touraine, ministre de la santé, de prendre les mesures nécessaires pour garantir la disponibilité de ces vaccins. J’ajoute qu’il serait bon de mettre sur le marché des vaccins sans adjuvants aluminiques.
Permettez-moi d’évoquer quelques-unes des mesures possibles.
D’abord, la ministre de la santé peut sanctionner les laboratoires et les entreprises ne respectant pas « leur obligation d’élaborer et de mettre en œuvre un plan de gestion des pénuries de vaccins ».
Elle peut également soumettre le brevet d’un médicament au régime de la licence d’office afin d’assurer sa mise à disposition en quantité suffisante.
Enfin, elle peut saisir l’Agence nationale de santé publique, qui a le pouvoir de procéder à l’acquisition, à la fabrication, à l’importation et à la distribution de médicaments pour pallier une commercialisation ou une production insuffisante.
Ces trois pistes de réflexion vont dans le sens de notre proposition de créer un pôle public du médicament et de mettre en œuvre la licence d’office.
Quant au projet de loi ratifiant l’ordonnance portant création de l’Agence nationale de santé publique, il s’agirait de procéder à une simplification.
Ainsi, depuis le 1er mai 2016, les compétences concernant la veille, la surveillance, la prévention et les réponses aux urgences sanitaires, précédemment dévolues à l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, à l’Institut de veille sanitaire et à l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, sont confiées à une seule et même entité, l’ANSP.
Cette agence a dû gérer sa première épidémie saisonnière avec la forte grippe hivernale qui a fait 14 300 morts, selon l’agence Santé publique France. Il est donc indispensable que notre pays puisse disposer d’un établissement assurant une expertise globale, afin de garantir la protection sanitaire de la population.
J’insisterai une nouvelle fois sur la question des moyens humains et financiers alloués à l’ANSP.
Après la diminution, en 2016, de 3, 1 % du montant des subventions allouées aux huit opérateurs de santé dont faisaient partie l’EPRUS, l’InVS et I’INPES, le Gouvernement a prévu une nouvelle baisse des crédits, de près de 7 %, en 2017, avec la réduction de 7 millions d’euros de la dotation de l’État à l’établissement public, ainsi que la suppression de quarante emplois.
La création de l’Agence nationale de santé publique peut être une mesure positive si l’on décide de sortir du carcan des restrictions budgétaires et d’affecter les moyens nécessaires à l’accomplissement des missions de cette instance.
Nous avons le recul nécessaire pour constater que les politiques de santé menées depuis de nombreuses années vont à l’encontre des missions de service public. De toutes parts s’élèvent des voix appelant à modifier les choix qui sont faits. La souffrance au travail des personnels de santé n’est plus à démontrer, et plutôt que de vouloir gérer ce que l’on appelle pudiquement les risques psychosociaux, il serait urgent de remédier à leurs causes. La multiplication des déserts médicaux, le manque de spécialistes, l’engorgement services d’urgence plaident en faveur d’une augmentation des moyens humains et matériels donnés à notre système de santé.
Il en va de même pour les agences, qui doivent faire plus et mieux avec moins de personnel. En tant que membre du conseil d’administration de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, je puis en témoigner.
Outre qu’elles nous dessaisissent de notre pouvoir de législateur, les ordonnances que ces deux projets de loi visent à ratifier ne règlent pas la question des moyens dont les agences ont absolument besoin pour accomplir leurs missions et ne dissipent pas le flou, que nous avions dénoncé en première lecture, entourant les dispositions de certains articles. Notre groupe s’abstiendra, compte tenu des améliorations apportées par l’Assemblée nationale.