Je comprends les motivations des auteurs de la proposition de loi. Imaginez arriver dans une collectivité territoriale et constater que dans le budget voté au printemps, avant les échéances électorales, quelques millions d'euros ont été « oubliés » pour les salaires ! À Angers, lorsque j'ai été élu, il manquait huit millions pour les dépenses de fonctionnement, sur un budget de 210 millions d'euros.
Cela dit, ce texte soulève plusieurs difficultés. On ajoute des obligations sans se préoccuper de l'architecture d'ensemble. J'ai la conviction qu'on ne peut pas aborder la transparence budgétaire et comptable des collectivités territoriales dans un texte de trois articles, en fin de mandat. Sans compter que les dispositions ici prévues n'empêcheront personne de mettre la poussière sous le tapis et de tronquer le budget en année électorale...
Je suis inquiet : dans quelques mois, avec l'entrée en vigueur du non-cumul des mandats, dans des assemblées parlementaires dont les membres n'assument plus de responsabilités exécutives locales, une forme de jalousie institutionnelle pourrait favoriser les textes de ce type et conduire à renforcer les obligations des élus locaux. D'un côté, on encourage le regroupement des collectivités territoriales et, de l'autre, on considère que la constitution de baronnies locales est insupportable. Certains scruteront l'usage que font les parlementaires de leur indemnité représentative de frais de mandat, d'autres regretteront que le maire du chef-lieu de canton ait les mains bien plus libres, ou que le président d'une grande collectivité ait plus de collaborateurs qu'un parlementaire, dont le rang protocolaire est pourtant supérieur. Inversement, les élus locaux auront beau jeu de critiquer les parlementaires, que l'on accusera d'être coupés de la réalité. Quand on voit ce qu'il en a été à force de critiquer les parlementaires européens, craignons que ce type d'initiatives n'en vienne à alimenter le poujadisme et l'antiparlementarisme latents qui sévissent aujourd'hui.