La commission des affaires européennes a examiné le 12 janvier dernier les critères d'identification des perturbateurs endocriniens dans les produits phytopharmaceutiques et les biocides, que propose la Commission européenne.
S'appuyant sur la définition proposée par l'OMS, la Commission européenne a estimé qu'une substance sera reconnue comme perturbateur endocrinien si elle répond aux trois critères suivants : elle montre des effets indésirables sur un organisme sain ou sa progéniture ; elle altère le fonctionnement du système endocrinien ; ses effets indésirables sont une conséquence du mode d'action endocrinien.
Or, de l'avis des associations et des scientifiques de l'Inserm notamment, le niveau de preuve demandé pour satisfaire ces critères est trop élevé. En effet, il sera difficile de démontrer en utilisant des études scientifiques standardisées le lien de conséquence entre l'effet indésirable et l'altération du fonctionnement du système endocrinien.
Face aux enjeux sanitaires, il nous apparaît judicieux, dans le cas des perturbateurs endocriniens, d'appliquer le principe de précaution. Celui-ci prévoit que l'absence de certitudes scientifiques ne doit pas retarder l'adoption de mesures effectives, mais aussi proportionnées, visant à prévenir un risque pour la santé. Rappelons que les perturbateurs endocriniens sont un concept récent formulé en 1991 seulement. Nous proposons donc que les trois critères à prendre en compte pour identifier une substance comme perturbateur endocrinien soient les suivants : elle est connue ou présumée pour ses effets indésirables sur un organisme sain ou sa progéniture ; elle présente un mode d'action endocrinien et altère donc les fonctions du système endocrinien ; il est biologiquement plausible que ses effets indésirables soient une conséquence du mode d'action endocrinien.
Ces critères sont ceux défendus par le Gouvernement français. En considérant que ces effets doivent être connus ou présumés et en établissant que le lien entre la perturbation endocrinienne et l'effet néfaste sur la santé est biologiquement plausible, les études scientifiques non standardisées, c'est-à-dire reconnues par la communauté scientifique mais pas encore par l'OCDE, pourront être prises en compte pour démontrer qu'une substance est un perturbateur endocrinien. C'est le sens de la proposition de résolution européenne adoptée par la commission des affaires européennes le 12 janvier dernier.
En revanche, une application proportionnée du principe de précaution n'incite pas à définir une catégorie de perturbateurs endocriniens potentiels. En effet, les agriculteurs comme les industriels s'inquiètent de voir apparaître une liste noire de substances considérées comme étant potentiellement des perturbateurs endocriniens, qui même si elles ne sont pas formellement interdites, seront rejetées par les distributeurs et les consommateurs. Une étude menée par le cabinet Redqueen indique que dans ce cas, 60 substances seraient susceptibles d'être qualifiées comme perturbateur endocrinien. Cela aurait pour conséquence de remettre en cause la viabilité des exploitations qui subiraient alors une baisse de 40%, en moyenne, de leur rentabilité.
Par ailleurs, outre les critères permettant l'identification des perturbateurs endocriniens, la Commission a proposé de modifier le cadre réglementaire relatif à l'usage de ces substances. Tout d'abord, la Commission propose de revoir les conditions dans lesquelles une dérogation peut être accordée pour l'utilisation de substances reconnues comme perturbateurs endocriniens dans les produits phytopharmaceutiques. Jusque-là, une dérogation était possible en cas « d'exposition négligeable ». La Commission propose de permettre une dérogation « en cas de risque négligeable lié à l'exposition dans les conditions réalistes les plus défavorables ». Il s'agit ici d'élargir les possibilités de dérogation.
De même, dans sa version du 8 décembre 2016, la Commission européenne a ajouté un paragraphe aux deux projets d'actes concernant les critères d'identification des perturbateurs endocriniens dans le cas des organismes non ciblés. Ces dispositions doivent permettre de ne pas interdire les substances dont le mode d'action est précisément de perturber le système endocrinien des organismes nuisibles, si pour les êtres humains, il est démontré que l'effet néfaste n'est pas avéré.
Nous considérons ici que la Commission outrepasse ses droits. En effet, ces modifications, inscrites dans un simple acte délégué ou d'exécution, remettent en cause des dispositions essentielles des règlements qui constituent la base juridique de cet acte. Elles devraient donc faire l'objet d'un nouveau règlement si la Commission souhaite les modifier.