Intervention de Daniel Gremillet

Réunion du 15 février 2017 à 14h30
Lutte contre l'accaparement des terres agricoles — Adoption définitive des conclusions d'une commission mixte paritaire

Photo de Daniel GremilletDaniel Gremillet :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à peine deux jours après l’adoption de la proposition de loi relative à la lutte contre l’accaparement des terres agricoles et au développement du biocontrôle par le Sénat en première lecture, la commission mixte paritaire, ou CMP, réunie la semaine dernière, est parvenue à un accord.

À l’évidence, les divergences entre Assemblée nationale et Sénat n’étaient pas insurmontables, même si elles existaient.

Sur les treize articles que comptait la proposition de loi à l’issue de la première lecture au Sénat, sept étaient encore en discussion. Mais, en réalité, seuls trois points faisaient encore l’objet de débats entre nous.

Sur le volet foncier, nous avions apporté peu de modifications par rapport au texte que nous avions voté dans la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi Sapin II, et adopté quasiment à l’identique par les députés.

Nous avons conservé l’obligation de faire passer les acquisitions de terres par des sociétés à travers des structures dédiées au portage foncier, dans le souci d’une plus grande transparence du marché foncier.

Simplement, nous avons souhaité élargir la liste des exceptions à cette nouvelle règle. Ainsi, un amendement avait été adopté pour permettre aux sociétés locataires de terres agricoles de les acquérir directement, sans passer par une filiale foncière.

Nous n’avons absolument pas retouché aux autres dispositions du volet foncier. Je pense en particulier à l’extension du droit de préemption des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, les SAFER, aux cessions partielles de parts sociales, afin de favoriser l’installation en agriculture ou de permettre la préservation des exploitations agricoles existantes sur notre territoire.

Nous avons aussi conservé la disposition permettant aux SAFER de détenir plus de 30 % des parts d’un groupement foncier agricole ou d’un groupement foncier rural, ainsi que la disposition les autorisant à maintenir leur participation au capital d’une société durant un maximum de cinq ans, comme cela existe pour la détention de terres, afin de leur permettre de mieux exercer leurs missions de portage du foncier, lorsque ce portage s’effectue par le truchement de l’acquisition de parts d’une personne morale.

De la même manière, nous avons maintenu la disposition obligeant à conserver cinq ans les parts sociales attribuées en contrepartie d’apports en terres à une société, afin d’éviter le contournement des règles sur le foncier agricole.

Les articles 6 et 7, qui concernent respectivement le barème de la valeur vénale des terres et l’assouplissement des concessions temporaires d’utilisation de terres agricoles en l’attente d’aménagements par les collectivités territoriales, ont été adoptés sans modification.

Il existait donc peu de divergences avant la CMP.

L’article 7 bis tendait à supprimer la Commission nationale paritaire des baux ruraux et les comités techniques départementaux. La CMP a entériné la suppression de cet article, que nous avions votée, faute de consensus sur ce point dans le milieu agricole, mais surtout afin d’éviter de casser ce qui marche encore dans 50 % des départements.

La CMP a aussi restreint le champ de la nouvelle exception que nous avions introduite à l’obligation de passer par une société de portage foncier pour les acquisitions de terres par les personnes morales. Les députés craignaient une perte de substance de la nouvelle obligation de passer par une filiale pour des acquisitions de terres : des sociétés auraient pu louer des terres à seule fin de pouvoir en faire l’acquisition directement ensuite.

Une rédaction de compromis a permis de n’exonérer de l’obligation de passer par une société de portage foncier que pour les acquisitions de terres agricoles louées par des sociétés en vertu d’un bail conclu avant 2016. En effet, nous avons considéré que le sujet était déjà d’actualité à cette date, notamment dans la loi Sapin II, et que tous les baux conclus avant le 1er janvier 2016 avaient une fonction première autre que l’exploitation agricole.

Ainsi, nous prenons toutes les précautions pour empêcher le contournement de la règle dans le futur.

Un débat subsistait sur la date de mise en application des nouvelles règles sur l’acquisition du foncier agricole. Les députés avaient souhaité que cet article s’applique dans six mois, mais que les autres dispositions foncières entrent immédiatement en vigueur. En première lecture, le Sénat avait repoussé de six mois l’application de l’ensemble du paquet foncier. Au final, nous nous sommes entendus sur une application des nouvelles règles d’un seul bloc, c’est-à-dire de l’ensemble des articles de cette loi, trois mois après la promulgation de la loi.

Le volet concernant les produits phytopharmaceutiques n’était pas consensuel non plus à l’issue des lectures à l’Assemblée nationale, puis au Sénat. D'ailleurs, monsieur le ministre, vous aviez largement évoqué le sujet en première lecture. Vous étiez sur la pénalisation ; moi, j’étais sur l’encouragement !

Sur les certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques, les CEPP, nos approches étaient très divergentes.

Le Sénat, considérant qu’il s’agit d’un dispositif expérimental, avait supprimé la disposition sur les sanctions financières encourues par les distributeurs en cas d’insuffisance de certificats accumulés au terme de l’expérimentation. Nous préférions des mécanismes d’incitation et d’encouragement plutôt que des sanctions.

Le rapporteur de l’Assemblée nationale a insisté sur le fait que l’absence de sanctions dévitalisait un peu le dispositif et ne permettrait pas – au contraire ! – de récompenser les « bons élèves ». Nous avons aussi pu constater que la sanction ne touchait pas directement les agriculteurs, et même que les agriculteurs, en lançant des actions en faveur de techniques alternatives aux produits phytopharmaceutiques classiques, pouvaient aussi engranger des CEPP et les valoriser en se les faisant racheter par les distributeurs.

À ce titre, je souligne la réflexion du Sénat – ce point fait partie de ceux sur lesquels nos territoires devraient être encore plus performants – sur la nécessité de ne pas opposer le biocontrôle aux produits phytopharmaceutiques. Je pense notamment à la partie concernant le certificat produits phytopharmaceutiques, ou Certiphyto. Il serait judicieux que les agriculteurs et tous ceux qui ont besoin du Certiphyto puissent aussi recevoir une information sur l’utilisation des produits biocontrôle et que, à l’inverse, les utilisateurs de produits biocontrôle puissent obtenir une formation en matière de produits phytopharmaceutiques lorsque la situation se présente.

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