Enfin, nous avons réaffirmé le rôle des autorités organisatrices de la distribution d’électricité, aux côtés des gestionnaires de réseaux, dans la maîtrise d’ouvrage des travaux de raccordement.
J’ajoute que nos collègues députés ont opportunément élargi le principe de la réfaction aux installations produisant du gaz renouvelable. Cela favorisera l’émergence de cette filière naissante.
Le projet de loi initial traitait un dernier point : celui des opérations liées au changement de nature du gaz acheminé dans le nord de la France. Cela concerne près de 1, 2 million de consommateurs. Là aussi, le Sénat a enrichi le texte, d’abord en prévoyant la couverture par les tarifs d’utilisation des réseaux des coûts de conversion des sites de stockage, ensuite en actant la nécessité d’un accompagnement des consommateurs aux revenus modestes qui auraient à remplacer un équipement inadaptable, pour lequel le Gouvernement doit maintenant travailler à un dispositif opérationnel, ce à quoi il s’est engagé devant nous.
Madame la ministre, vous avez soumis un premier projet au Conseil d’État, qui ne l’a pas validé, mais vous vous êtes engagée à revenir sur ce sujet. Vous avez raison !
Enfin, la discussion du texte au Sénat a été l’occasion d’aborder un autre sujet important, justifiant qu’une soixantaine d’entre nous cosignent un amendement. Je fais référence au sort réservé aux anciens moulins à eau, face à une administration qui privilégierait trop souvent l’effacement des seuils pour restaurer la continuité écologique des cours d’eau. Il s’agit là d’une préoccupation que bon nombre d’eux nous, élus de territoires ruraux, ont constatée sur le terrain. Je dois le dire, elle a été partagée sur presque toutes les travées de cet hémicycle.
Pour répondre à cette préoccupation, de nombreuses initiatives ont été prises ces derniers mois dans différents textes, mais une seule a perduré : l’article 86 de la loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne, rappelant que « la gestion équilibrée de la ressource en eau ne fait pas obstacle à la préservation du patrimoine hydraulique, en particulier des moulins hydrauliques […] ».
Une telle précision, de portée essentiellement déclaratoire, n’aura en réalité que peu ou pas d’effets. C’est la raison pour laquelle le Sénat a proposé d’aller plus loin, en dispensant de règles administratives les anciens moulins équipés pour produire de l’électricité.
En commission mixte paritaire, la philosophie du texte du Sénat a été non seulement préservée, mais aussi confortée. Madame la ministre, votre soutien nous a aidés à parvenir à une bonne solution.
Cette philosophie a été confortée sur le plan juridique par la réécriture ou la suppression des notions, d’« anciens » moulins et de moulins « situés en milieu rural ». Elle a été préservée, car le principe de la dispense des règles applicables aux moulins existants, déjà équipés aujourd’hui ou qui pourraient l’être demain pour produire de l’électricité, a été maintenu.
La seule précision apportée, qui consiste à réserver cette dispense aux moulins situés sur les cours d’eau classés en « liste 2 », n’en limite pas la portée pratique, puisque ce sont en réalité les seuls à être concernés par le risque d’« effacement ». Pour éclairer le sujet, je m’appuierai sur quelques données chiffrées.
Sur les 19 000 seuils de moulins recensés en France, 15 800 environ sont situés sur des cours d’eau prioritaires, dont 10 000 sur des cours d’eau classés en « liste 1 » et 5 800 en « liste 2 ».
Le classement en liste 1 attestant le très bon état écologique des cours d’eau concernés, il n’a, par définition, pas d’autre impact que celui de préserver leur état pour l’avenir, c’est-à-dire d’interdire toute construction d’un nouvel ouvrage, ou de subordonner le renouvellement de la concession ou de l’autorisation d’un ouvrage existant à des règles permettant de maintenir ce très bon état, ce qui revient donc à ne pas modifier les ouvrages existants. Ainsi, outre le fait qu’il est légitime de conserver des règles pour ces cours d’eau « ultra-prioritaires », les 10 000 moulins qui s’y trouvent ne sont donc pas concernés par un risque de destruction, puisque leur existence ne remet pas en cause, d’ores et déjà, le très bon état des rivières concernées. Monsieur le président du groupe d’études « Chasse et pêche », vous pourrez donc rassurer les pêcheurs !
La dispense de règles produira en revanche son plein effet pour les 5 800 ouvrages situés en liste 2, qui étaient jusqu’à présent tenus de réduire leur impact sur la continuité écologique dans les cinq ans, les mesures correctrices requises par l’administration pouvant aller jusqu’à l’arasement des seuils. Désormais, ces règles ne s’appliqueront plus pour tous les ouvrages existants qui sont équipés aujourd’hui, ou qui le seraient demain, pour produire de l’électricité ; mes chers collègues, vous aurez compris qu’il ne s’agit plus seulement des ouvrages situés en zone de montagne. Or c’était bien le sujet que nous entendions traiter : éviter qu’au nom de la restauration de la continuité, l’administration n’impose l’effacement et n’empêche la valorisation énergétique de ce patrimoine. À raison d’une moyenne de 50 kilowatts de production électrique par moulin, et toutes choses égales par ailleurs, c’est donc un potentiel maximal de 290 mégawatts de production renouvelable qui pourrait être mobilisé ; je le précise, car certains avaient évoqué l’équivalent de la production d’une centrale nucléaire.
C’est pourquoi la solution à laquelle nous sommes parvenus me semble résoudre définitivement la question, de manière pragmatique et avec le souci de la conciliation des différents intérêts en présence. Je vous renouvelle mes remerciements sur ce point, madame la ministre.
Mes chers collègues, compte tenu du bon accord que nous avons pu trouver en commission mixte paritaire, je vous invite à adopter le texte en l’état.