Monsieur le président, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, vous le savez, les syndicats d’agglomération nouvelle, les SAN, ont été créés au début des années 80, pour organiser, structurer et financer le développement des villes nouvelles, lesquelles, dès les années 60, ont connu une expansion démographique exceptionnelle, qu’il a fallu accompagner par la production d’un nombre important de logements et la création d’équipements publics rendus nécessaires par l’accueil de nouveaux habitants, en particulier en Île-de-France, qui concentre cinq des neuf sites.
Les SAN ont bénéficié d’un soutien financier de l’État multiforme, par le biais d’une facilitation de l’accès à l’emprunt, d’aide au financement des investissements ou de dotations. Rappelons que ces syndicats avaient vocation à disparaître à l’achèvement des opérations de construction et d’aménagement des villes nouvelles.
Consécutivement à l’adoption de la loi Chevènement de 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, un statut particulier a été réservé aux SAN s’agissant du calcul de leur dotation d’intercommunalité, que cette loi a généralisé en accompagnement de l’intégration plus forte des communautés.
Leur potentiel fiscal a ainsi été pondéré afin de tenir compte de leurs charges particulières, liées à un endettement important, très supérieur à la moyenne nationale, engendré par des constructions massives de logements et d’équipements conjuguées à un développement économique et une évolution des recettes fiscales progressifs, mais trop faibles pour y subvenir. Ces réalités ont donc été prises en compte dans le calcul des dotations.
La modalité de calcul dérogatoire du potentiel fiscal a été maintenue dans le temps, pour bénéficier aux EPCI ayant intégré un SAN au fil des réformes territoriales, puisque, vous le savez, la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, votée par votre assemblée, a supprimé le statut de syndicat d’agglomération nouvelle au 1er janvier 2017, ce dernier ayant d’ailleurs disparu dans les faits au 1er janvier 2016.
Ainsi, le Gouvernement a souhaité maintenir les droits existants des SAN, postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi NOTRe, en prenant une disposition en loi de finances pour 2016 qui vise les fusions des communautés d’agglomération elles-mêmes issues de la transformation de syndicats d’agglomération nouvelle.
Par ailleurs, le Gouvernement a souhaité, à compter de l’année 2013, étendre cette modalité dérogatoire de calcul de la richesse d’un territoire aux dotations de péréquation horizontale, qui, je le rappelle, ont été augmentées de manière inédite durant le quinquennat.
Ainsi, pour le calcul des contributions et reversements au Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FPIC, le potentiel fiscal agrégé de l’ensemble intercommunal issu d’un SAN est pondéré pour la part du potentiel fiscal correspondant à ce dernier, dans l’objectif de poursuivre l’accompagnement de ces collectivités aux caractéristiques et charges particulières, telles que je viens de les décrire.
À l’occasion des débats parlementaires sur la loi de finances rectificative pour 2016, un amendement, examiné à l’Assemblée nationale et repris par le Sénat, visait à restreindre l’application de la pondération du potentiel fiscal à la seule cotisation foncière des entreprises, la CFE.
Le dépôt tardif de cet amendement, quelques heures avant qu’il ne soit discuté, n’a logiquement pas rendu possible la réalisation d’une étude d’impact et n’a donc pas permis d’en apprécier les effets sur les finances des collectivités concernées. Cela nous interroge d’ailleurs sur le processus de fabrique de la loi, l’évaluation des dispositions adoptées devant y prendre une place encore plus accrue.
À l’Assemblée nationale, le Gouvernement a néanmoins émis un avis de sagesse, considérant que l’amendement n’avait pas d’impact sur les équilibres budgétaires de l’État et qu’il avait été présenté par ses auteurs comme plus conforme à l’intention du législateur que la mesure de maintien du régime dérogatoire votée en loi de finances initiale pour 2016.
Le Gouvernement est aujourd’hui appelé à se prononcer sur cette proposition de loi relative au calcul du potentiel fiscal agrégé des communautés d’agglomération, qui vise à rétablir la disposition initiale dans son champ initial, considérant après analyse que l’amendement voté en loi de finances rectificative produit des effets trop importants pour ces territoires.
Le Gouvernement est favorable à cette proposition de loi, son adoption permettant d’éviter une rupture brutale, parce que non anticipée, des règles fiscales et financières, qui modifient de façon substantielle les conditions d’élaboration des budgets des intercommunalités concernées.
Vous connaissez, comme moi, la demande pressante et légitime des élus à disposer d’un cadre financier et fiscal stable, tout comme leur exigence, également légitime, d’une association en amont de leurs représentants aux décisions qui les concernent et de simulations de ces dernières.
Toutefois, j’entends les arguments selon lesquels la minoration du potentiel fiscal de ces territoires a mécaniquement des conséquences sur les autres territoires, tant les dispositifs sont imbriqués. Je suis attentive à ces remarques, dictées par le souci d’une répartition plus juste et plus solidaire des dotations. C’est un vaste sujet, surtout si l’on se remémore les débats ayant animé le Parlement lors de l’examen de la réforme de la DGF, la dotation globale de fonctionnement.
Je souscris ainsi aux propos sur le fait que la montée en puissance des instruments de péréquation et notamment du FPIC, qui est passé de 150 millions d’euros en 2012 à 1 milliard d’euros en 2017, rend nécessaire de regarder précisément les critères qui déterminent les contributions de chacun, puisque moins contribuer pour les uns revient à plus contribuer ou moins percevoir pour les autres.
Avec la disparition des syndicats d’agglomération nouvelle et leur intégration dans des EPCI de droit commun, il ne peut être fait l’impasse sur la question du retour, pour ces collectivités, à l’application du droit commun.
Mais, parallélisme des formes, ce retour au droit commun des anciens SAN et de leurs EPCI actuels ne peut s’envisager, s’il devait l’être après analyse de l’adéquation des modalités de calcul de leur potentiel fiscal à leur richesse, que de manière progressive.
Dans ce but, un amendement déposé à l’Assemblée nationale par le rapporteur du texte a prévu la rédaction par le Gouvernement d’un rapport au Parlement sur la situation financière des SAN, et notamment leur niveau d’endettement. Ce rapport sera également l’occasion d’envisager des solutions pérennes, dans un double objectif de soutenabilité financière et d’équité de traitement entre les intercommunalités. Ainsi un autre amendement adopté par les députés sur l’initiative du rapporteur du texte prévoit-il de limiter à l’année 2017 le maintien du mécanisme en vigueur jusqu’en 2016, dans l’attente, précisément, des conclusions du rapport.
Enfin, sur proposition du Gouvernement, le texte adopté par les députés en première lecture tend à repousser en 2018 la désignation des parlementaires membres des commissions DETR – dotation d’équipement des territoires ruraux – afin de tenir compte du renouvellement intégral de l’Assemblée nationale et du renouvellement partiel du Sénat en 2017 et de ne pas freiner les processus d’attribution de cette dotation, très appréciée des territoires, qui a progressé de 62 % depuis 2014 pour atteindre 1 milliard d’euros cette année.
Ainsi, mesdames, messieurs les sénateurs, le texte soumis à votre examen est équilibré et répond aux spécificités des territoires couverts par les ex-SAN, tout en permettant par ailleurs de garantir le bon fonctionnement des commissions DETR, qui sont appelées à se réunir très prochainement.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement est favorable au vote conforme de ce texte, pour lequel a été décidée la procédure d’examen accéléré, afin qu’il puisse être mis en œuvre de façon opérationnelle dans une période budgétaire pour les collectivités, alors même que le calendrier parlementaire est très serré, puisque la fin des travaux de la session interviendra d’ici à une semaine.