Intervention de Bernard Delcros

Réunion du 16 février 2017 à 10h30
Calcul du potentiel fiscal de communautés d'agglomération — Adoption définitive en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Bernard DelcrosBernard Delcros :

Que propose-t-on avec le texte qui nous est aujourd’hui soumis ? Il s’agit de rouvrir un chantier engagé il y a plus de 30 ans et clos, certes tardivement, mais de mon point de vue utilement, avec la loi de finances rectificative de 2016, voilà moins de deux mois. Où est la cohérence ? Où est la lisibilité de l’action publique ?

Certes, le dispositif de minoration du potentiel fiscal, qui permettait aux communautés d’agglomération issues des syndicats d’agglomération nouvelle de bénéficier d’une DGF majorée, était justifié au moment de sa création. Mais sa suppression, telle qu’elle a été votée dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2016, deux décennies après sa création, était aussi justifiée. Il s’agissait d’une simple mesure d’équité entre les territoires.

Quand les syndicats d’agglomération nouvelle ont été introduits à partir de 1984, ils avaient pour mission d’accompagner le développement des villes nouvelles. Pour ce faire, ces neuf syndicats, créés dans la grande couronne parisienne et la région de Marseille, avaient besoin de dispositifs financiers adaptés. Ils devaient en effet faire face à de lourdes charges, notamment pour la création des infrastructures nécessaires à leur développement.

On peut considérer que la pondération du potentiel fiscal, introduite par la loi Chevènement de 1999, pour accroître, artificiellement, la DGF, afin de faciliter la transition des syndicats d’agglomération nouvelle vers un statut de communauté d’agglomération, était justifiée.

Je trouve beaucoup plus discutable que, pour ces agglomérations, il ait été décidé en 2013 d’appliquer le potentiel fiscal minoré au calcul du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, créé l’année précédente.

Ce potentiel fiscal pondéré s’établit aujourd’hui, je le rappelle, à près de la moitié du potentiel fiscal réel. Cela signifie que la richesse réelle de ces territoires est artificiellement minorée de moitié.

À l’époque, on a créé une inégalité de traitement entre les territoires, alors même que le FPIC est un fonds de péréquation horizontale, précisément destiné à assurer une plus grande équité territoriale.

Je considère donc que la suppression de l’ensemble de ce dispositif – à l’exclusion de l’abattement sur la CFE, la cotisation foncière des entreprises – telle qu’elle a été votée dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2016 était nécessaire.

Je citerai trois raisons principales. La première, qui a été rappelée par Charles Guené, tient à la richesse fiscale de ces territoires. Leur développement, qui a nécessité de nouvelles infrastructures et des investissements lourds, a ensuite engendré des ressources qui en font aujourd’hui des territoires dont le potentiel fiscal est largement supérieur à la moyenne nationale.

Permettez-moi de citer quelques chiffres. Les bases de CFE sont supérieures de 81% à la moyenne nationale ; le produit de la CVAE, la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, de 65 % ; le produit de l’IFER, l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux, de 205 % ; et la dotation de compensation de la taxe professionnelle, de 469 %.

Dans ce contexte, comment justifier le rétablissement de ce dispositif dérogatoire d’attribution de moyens financiers supplémentaires, prélevés sur les autres collectivités de France, dont les ressources sont, pour nombre d’entre elles, plus contraintes ?

J’en viens à la deuxième raison justifiant notre position. Lorsque le dispositif dérogatoire d’abattement du potentiel fiscal a été mis en place il y a près de 20 ans, la DGF connaissait une croissance de l’ordre de 3 % par an. Or la dotation a diminué, au cours des quatre dernières années, de 11, 5 milliards d’euros, dont 5, 2 milliards d’euros pour le bloc communal, ce qui a placé de nombreuses collectivités en situation de fragilité. Ainsi, désormais, l’attribution de moyens supplémentaires à une catégorie de collectivités se fait au détriment des autres collectivités.

Troisième raison : dans le cadre de la réforme territoriale, la plupart des neuf communautés d’agglomération dont j’ai parlé tout à l’heure ont désormais intégré des structures intercommunales plus grandes et plus puissantes, obéissant à des logiques de financement différentes.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, je suis personnellement, comme d’autres membres de mon groupe, défavorable à cette proposition de loi. Je voterai contre. Les membres du groupe de l’UDI-UC n’étant eux-mêmes pas convaincus de la nécessité de proroger cette dérogation, ils s’abstiendront dans leur majorité.

Mes chers collègues, il ne s’agit pas d’opposer les territoires entre eux, comme on l’entend trop souvent ; chacun d’entre nous est attaché à son territoire et souhaite le voir se développer. C’est légitime.

Mais, au-delà de cet attachement, je sais aussi que nous avons tous, ici, à cœur de veiller à la cohérence de l’action publique. Dans le traitement des territoires, le choix de l’équité doit inlassablement guider nos décisions.

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