Intervention de André Gattolin

Commission des affaires européennes — Réunion du 17 mai 2016 à 18h05
Institutions européennes — Réunion conjointe avec la commission des affaires européennes de l'assemblée nationale et les parlementaires européens français

Photo de André GattolinAndré Gattolin :

Il manque une vue d'ensemble sur la manière dont a été construit l'élargissement. Bronislaw Geremek, grand homme politique polonais avec d'importantes responsabilités au Parlement européen, déclarait en privé : « Quand je veux vendre l'Europe aux Polonais, je leurs dis que c'est un prolongement de l'intégration dans l'Otan ». Alors que nous peinons à construire une défense européenne, l'entrée dans l'Union européenne était surtout perçue comme un renforcement de l'appartenance au clan occidental. On ne comprend la tension des anciennes démocraties d'Europe de l'Est sur Nord Stream 2 qu'au regard de ce sentiment d'abandon. L'Allemagne joue cavalier seul, car ce projet - comme Nord Stream 1 - va à l'encontre de nombreux cadrages européens, et notamment de l'indépendance énergétique. Au printemps 2015, Gazprom s'est encore vu signifier un abus de position dominante par la Commission : contrôlant tout ce qui passe dans les tuyaux, la société impose également une clause contractuelle folle interdisant de réexporter vers d'autres États membres. Au sein de l'Union, on fait donc du bilatéral avec un État. Au nom de la compétitivité, nous sommes dans une contradiction permanente : soit on achète le gaz russe et on accepte les pressions diplomatiques et la volonté discrétionnaire de faire des tarifs préférentiels pour l'un ou l'autre, soit on accepte les sables bitumineux et les gaz de schiste américains.

L'indépendance énergétique a un coût. Si nous voulons construire une Europe de l'énergie, au-delà des initiatives de la Commission, chaque pays doit s'asseoir autour de la table pour analyser son mix énergétique - et ce, malgré les objectifs louables de chacun - pour construire une politique et un intérêt européens. On se gausse de mots : l'Europe de l'énergie renvoie à notre conception de l'intégration européenne. À quel niveau la situer ? Celui de la compétitivité économique, de l'indépendance énergétique, d'une avancée commune avec des politiques spécifiques par plusieurs États ? En tous cas, cela ne passera pas par une politique État par État.

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