Intervention de André Gattolin

Commission des affaires européennes — Réunion du 19 mai 2016 à 8h40
Politique étrangère et de défense — Perspectives de la politique de sécurité et de défense commune psdc : proposition de résolution européenne et avis politique de mme gisèle jourda et de m. yves pozzo di borgo

Photo de André GattolinAndré Gattolin :

Merci aux rapporteurs de cette proposition de résolution ambitieuse.

La politique européenne de défense est bien une simple « allumette » face à la « colonne » OTAN.

Depuis le milieu des années quatre-vingt-dix, tous les nouveaux entrants dans l'Union européenne, notamment les pays de l'Est, ont adhéré à l'OTAN « en complément », comme me l'expliquait M. Bronislaw Geremek à propos de la Pologne.

Au cours de mes déplacements dans le nord de l'Europe, en particulier en Norvège et en Suède, j'ai pu constater qu'il existait une forte crispation à l'égard de la Russie. Les différents degrés d'adhésion à l'Union sont liés à ces considérations géopolitiques. Cela pose des problèmes pour construire une politique de défense commune.

Pendant longtemps, notre pays a eu un pied dans l'OTAN et un autre en dehors. Il a aussi commis des erreurs stratégiques. Au travers des accords de Lancaster House, la France et le Royaume-Uni, détenteurs de l'arme atomique et membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies, ont voulu construire et imposer bilatéralement une vision commune. Cela a fonctionné lors de la guerre de Libye et durant une partie de la crise iranienne, mais, en réalité, les Britanniques ne veulent pas d'une véritable coordination.

Les responsables militaires nous disent que la coopération est plus forte lors des opérations extérieures avec les « petits » pays, comme le Danemark, la République tchèque ou la Norvège.

L'engagement dans une relation bilatérale avec la Grande-Bretagne nous a donc pénalisés. Où en est, par exemple, le projet de centre de coordination nucléaire entre les deux pays ?

Au sein de l'Union européenne, on a toujours le sentiment qu'en agrégeant les moyens de chaque État membre, on créera un embryon de politique de sécurité et de défense commune. Or cela ne suffit pas. Il faut une volonté politique, sous-tendant des axes bien définis. Quels moyens la France, grande puissance militaire, et les autres pays sont-ils prêts à mettre en oeuvre ?

Pour ce qui concerne le financement, la proposition de Thierry Breton est novatrice et intéressante, mais elle passe encore par la mobilisation de ressources propres. Quant à l'intégration d'éléments de défense européenne dans le cadre du plan Juncker, c'est surréaliste ! Nous ne parvenons pas, en effet, à trouver les premiers sous d'argent propre pour activer l'effet de double levier... Seuls les Chinois sont intéressés, et je ne pense pas que cela tentera les investisseurs privés.

S'agissant de la production d'équipements militaires en commun, il n'y a pas de direction stratégique et politique. Ce sont les fabricants de matériels qui imposent leurs orientations aux États. Les dirigeants ne mènent pas de véritable réflexion sur la défense. On s'équipe en fonction d'intérêts industriels nationaux et la vision européenne, dans ce contexte, est très restreinte.

Les termes « relation structurée avec la Russie », au point 22, sont ambigus. Je crains qu'une confusion ne s'instaure avec la « coopération structurée permanente » prévue dans le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, laquelle ne peut s'établir qu'avec des États membres, et non avec un pays tiers comme la Russie.

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