Commission des affaires européennes

Réunion du 19 mai 2016 à 8h40

Résumé de la réunion

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  • OTAN
  • militaire

La réunion

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La réunion est ouverte à 8h40.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

L'ordre du jour appelle la communication de nos collègues Gisèle Jourda et Yves Pozzo di Borgo sur les perspectives de la politique de sécurité et de défense commune, la PSDC.

Ce sujet est d'une grande actualité, puisque la Haute Représentante de l'Union européenne pour la politique étrangère et de sécurité, Mme Federica Mogherini, doit présenter, pour le Conseil européen de fin juin, une mise à jour de la stratégie européenne de sécurité, qui date de 2003. La commission des affaires européennes du Sénat est donc dans le bon timing, et c'est un euphémisme !

C'est presque un lieu commun de le dire : l'Europe peine à concevoir une défense commune. L'effort de défense est en réalité supporté par un tout petit nombre d'États membres, dont la France.

À cet égard, j'ai reçu hier une note actualisée de l'ambassadeur d'Allemagne en France, M. Nikolaus Meyer-Landrut, dans laquelle était précisé le montant des investissements consacrés à la Bundeswehr pour 2016, soit 34,287 milliards d'euros. On assiste à une véritable montée en puissance, jusqu'en 2020, des crédits militaires de ce pays.

Le traité de Lisbonne a prévu de nouveaux instruments, malheureusement peu ou pas utilisés. Pourtant l'Europe est confrontée à de nouveaux défis qui lui commandent d'agir. Le terrorisme met en particulier en évidence le lien très fort existant désormais entre la sécurité intérieure et la sécurité extérieure. Le contexte budgétaire difficile que les États membres doivent affronter leur commande aussi de réfléchir à une plus grande mutualisation de leurs moyens et à l'expression concrète d'une solidarité entre eux, notamment sur le plan financier. L'Europe doit donc se mobiliser. Elle peut le faire en veillant à maintenir une cohérence avec les engagements des États membres dans le cadre de l'OTAN.

Nos rapporteurs ont élaboré une proposition de résolution européenne qui doit nous permettre de formaliser nos priorités dans ce domaine. Ce texte vous a été adressé. Il sera ensuite renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, avec laquelle nous travaillons dans un esprit de bonne coordination et de complémentarité.

J'ajoute, même si c'est hors sujet, que nous avons rencontré, lors d'un dîner de travail dont le thème était la nouvelle approche du semestre européen, la présidente et le rapporteur général de la commission des finances. Je me réjouis que nous puissions travailler en commun. Les parlements nationaux devront en effet prendre leur part dans les changements futurs.

La parole est à Mme Gisèle Jourda et à M. Yves Pozzo di Borgo, rapporteurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Jourda

Monsieur le Président, mes chers collègues, entre novembre 2015 et le 26 juin prochain, deux événements ont marqué ou marqueront l'évolution de la politique de sécurité et de défense commune : le premier, c'est le recours par la France à la clause de défense mutuelle du traité de Lisbonne ; le second sera la présentation, lors du prochain Conseil européen de juin, de la nouvelle stratégie globale de politique étrangère et de sécurité, qui définira la feuille de route de l'Union dans ces domaines.

L'activation de la clause de défense mutuelle, le 17 novembre dernier, a été une première. Le recours à la « clause de solidarité » était également concevable, mais cela aurait entraîné une implication des institutions européennes que certains États membres ne souhaitaient pas. Cette clause conditionne par ailleurs l'assistance des partenaires sur le territoire même de l'État victime de l'attaque terroriste à l'impossibilité pour celui-ci d'y faire face seul, ce qui n'était pas le cas de la France en l'espèce.

Le recours à la clause de défense mutuelle a donc été retenu. Lors du conseil « Affaires étrangères », les ministres de la défense des États membres ont exprimé leur soutien unanime et se sont dits prêts à fournir toute l'aide et l'assistance nécessaires.

Chaque pays a ensuite proposé sa contribution, soit pour participer, en Syrie et en Irak, à l'extension et à l'intensification des frappes et du combat contre Daech, soit pour apporter des renforts militaires aux opérations conduites, notamment en Afrique, par la France dans le cadre de missions de l'ONU de maintien de la paix ou des missions civiles ou militaires de la PSDC. Plusieurs États membres ont également souhaité accroître les échanges de renseignements.

Ce recours à une disposition clé du traité de Lisbonne illustre la possibilité de traduire concrètement la solidarité européenne dans le domaine de la défense. Certes, la traduction de cette solidarité s'est faite dans un cadre purement bilatéral - les contributions apportées ne constituent pas des « opérations PSDC » -, mais sa portée symbolique est forte.

Le terrorisme s'ajoute aux autres dangers qui menacent l'Europe et ses citoyens. Il est donc important de prendre appui sur cette dynamique politique pour tenter de refonder le projet d'Europe de la défense ou d'une défense européenne. L'une des premières priorités de l'Union sera de redéfinir son environnement stratégique.

J'en viens au second point : la nécessaire mise à jour de la stratégie européenne.

L'actuelle stratégie européenne de sécurité définit les objectifs diplomatiques et opérationnels de l'Union européenne sur la base d'une évaluation de son environnement qui date de 2003. Ce document reste à ce jour la seule grille de lecture de l'état du monde que l'Union s'est donnée pour fonder ses initiatives diplomatiques et ses réactions aux crises.

Le terrorisme a dramatiquement changé de nature et d'échelle et frappe régulièrement sur les territoires mêmes des États membres. Les voisinages méridional et oriental de l'Union européenne sont en proie ici à des crises ouvertes, là à des tensions très fortes, auxquelles l'Union doit apporter des réponses nouvelles. À propos de ces perspectives nouvelles, quand on voit le temps qu'il a fallu pour mettre en place le Passenger Name Record (PNR), cela donne à réfléchir...

La crise majeure des migrations vers le territoire européen rajoute un facteur de division politique entre les États membres, voire de déstabilisation au sein des plus fragiles d'entre eux.

La crise russo-ukrainienne et ses suites ont accentué l'impératif d'une évolution de la politique de l'Union européenne en matière énergétique par une recherche accrue de diversification des sources d'énergie et des voies de transit.

Les crises syrienne et irakienne ainsi que la lutte contre Daech légitiment un positionnement européen crédible et réactif.

Il s'agit aussi de redéfinir les conditions d'un dialogue structuré avec la Russie, acteur difficile de la crise ukrainienne, mais aussi partenaire incontournable dans la recherche de solutions diplomatiques sur d'autres théâtres de crise, sauf à laisser ce pays dans un tête-à-tête exclusif avec les États-Unis pour gérer des crises internationales dans lesquelles la parole de l'Union, concernée au premier chef, resterait inaudible.

Le Conseil européen a confié à Mme Mogherini le soin d'élaborer, pour sa réunion de juin 2016, une nouvelle stratégie globale de politique étrangère et de défense. Au travers de ce document, l'Union doit s'assigner, conjointement avec les États membres, des objectifs et des priorités. À défaut, il lui faudrait continuer à rechercher, dans l'urgence, des réponses timides aux crises qui menacent ses valeurs et ses intérêts vitaux.

Cette stratégie de politique étrangère et de sécurité devra aussi veiller à mobiliser les autres politiques externes de l'Union. Il faudra ainsi prendre en compte, au-delà des seules menaces « traditionnelles », l'impératif d'autonomie énergétique ou la sécurité des transports, en particulier la protection des infrastructures et approches maritimes, ainsi que la cyberdéfense.

La stratégie devra en outre satisfaire à au moins deux conditions.

En premier lieu, le nouveau document devra être régulièrement actualisé, à la différence de la stratégie de 2003, qui n'a pas fait l'objet de réelle mise à jour durant les treize années suivantes.

En second lieu, si l'élaboration de la nouvelle stratégie sera l'occasion d'une analyse des évolutions de toute nature -migratoires, climatiques, démographiques et économiques - qui pourraient avoir un impact sur les valeurs et les intérêts de l'Union européenne, elle ne devra pas se limiter à cela.

Il faudra aussi élaborer un « document de mise en oeuvre ». Celui-ci devra en décliner, de façon opérationnelle, les conséquences de la stratégie en termes de capacités de défense. Un tel « livre blanc » européen de la défense permettrait d'inciter les États membres à inscrire leurs stratégies nationales de sécurité et de défense dans une démarche collective cohérente.

La stratégie globale et son document de mise en oeuvre devront aussi prendre acte de l'imbrication irréversible des enjeux de sécurité intérieure et des enjeux de défense. Elle devra intégrer le besoin de nouvelles capacités opérationnelles de défense et de nouveaux paramètres de la sécurité intérieure, du contrôle des frontières au partage du renseignement, en passant par des coopérations judiciaires et policières efficaces.

Les procédures européennes et la pratique intergouvernementale devront impérativement jeter entre elles des passerelles. La double fonction de Mme Mogherini, à la fois vice-présidente de la Commission et Haute Représentante de l'Union européenne pour la politique étrangère et de sécurité, lui donne un rôle central de mise en cohérence des deux démarches.

Le programme européen en matière de sécurité intérieure, présenté par la Commission européenne le 20 avril dernier, va dans le bon sens. Il prévoit notamment de renforcer Europol en améliorant l'échange d'informations et l'interopérabilité des systèmes d'information, de renforcer le Centre européen de lutte contre le terrorisme et de développer la cohérence entre actions extérieures et intérieures en matière de sécurité, par le biais de partenariats avec les pays du bassin méditerranéen.

Quels sont les atouts et les limites de la politique de sécurité et de défense commune ?

La PSDC est par principe cantonnée dans la gestion des crises extérieures au territoire de l'Union européenne. De surcroît, la défense est, et devra rester, un domaine régalien relevant des seuls États membres. Pour autant, l'Union européenne ne peut rester étrangère à sa définition, à son développement et à son financement.

Le bilan des missions civiles et militaires de la PSDC est loin d'être négatif. Six opérations militaires et une dizaine de missions civiles sont en cours. Toutefois ces missions, qui consistent à gérer les crises des autres, tout particulièrement en Afrique, sont confrontées à un certain nombre de limites.

La première limite est financière. Pour les opérations militaires, le mécanisme Athena de financement commun est sous-doté. Avec 70 millions d'euros fournis par les États membres, la marge de manoeuvre est restreinte. Le fonds ne permet de financer, pour l'essentiel, que ce qui est défini comme des coûts communs. Les coûts de soutien les plus lourds relèvent de l'État membre qui fournit les soldats. Ce système ne favorise pas les candidatures aux opérations...

La deuxième limite tient à la disponibilité du renseignement. L'expérience montre la nécessité d'améliorer le partage d'informations, pourtant non classifiées, dont disposent certaines directions générales de la Commission. Mais leur travail « en silo » ne permet pas d'en exploiter pleinement les ressources.

La troisième limite a trait à la cohérence des politiques européennes dans le cadre de l'approche globale. Cette approche est la valeur ajoutée de l'action extérieure de l'Union, en particulier à l'égard de l'OTAN. Elle consiste à intégrer dans une « boîte à outils » variés l'aide au développement et l'assistance humanitaire, l'assistance judiciaire, son action extérieure et de défense, bien sûr, voire sa politique commerciale.

Or, au titre de la politique de développement qu'elle finance, la Commission se refuse, par exemple, à prendre en compte des dépenses liées à la formation des forces de sécurité, prévue dans le cadre de certaines missions, au motif que le traité ne le lui permettrait pas. Ainsi, la formation de militaires centrafricains, qui pourtant n'est pas une activité proprement militaire ou opérationnelle, ne peut pas bénéficier d'un financement européen. Cette interprétation stricte du traité empêche de fournir les équipements basiques nécessaires à une formation et oblige à improviser dans l'urgence des montages comptables.

La France est l'un des nombreux États membres qui, à l'instar d'ailleurs de la Haute Représentante, se battent pour une interprétation juridique de bon sens et pour donner toute sa portée à la mission de construction de capacité en appui à la sécurité et au développement.

Je laisse la parole, pour la présentation de la deuxième partie de ce rapport, à mon collègue Yves Pozzo di Borgo.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

Il faut également une impulsion politique des États membres et une cohérence accrue des politiques européennes.

Pour gagner en efficacité, la stratégie devra renforcer la cohérence des politiques de développement de l'Union en les concentrant sur la consolidation des structures étatiques des pays en sortie de crise, dont la stabilité et le redressement conditionnent notre sécurité intérieure.

La nécessité d'une cohérence et d'une impulsion politiques accrues dans le domaine de la sécurité et de la défense à l'échelle de l'Union justifie, à notre avis, d'instituer sur ces questions un dialogue plus fréquent et plus dense au niveau du Conseil européen.

Un « Conseil européen de sécurité » sur les enjeux de sécurité et de défense qui cristallisent une demande forte des citoyens européens devrait être convoqué annuellement. Cela permettrait une meilleure réactivité dans l'analyse et une évaluation conjointe des menaces, qui stimuleraient la recherche de solutions collectives.

Contrairement à nos collègues de la commission des affaires étrangères et de la défense, pour qui le Conseil européen de sécurité et de défense doit être composé de ministres de la défense ou de l'intérieur des États membres, nous faisons référence à un Conseil réunissant les chefs d'État.

En juin 2013, la commission des affaires étrangères et de la défense, dont j'étais alors membre, s'était aperçue que, au sein du Conseil européen consacré, pour une fois, à la défense, les chefs d'État avaient parlé de tout mais très peu de défense et de sécurité. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons qu'un tel Conseil européen se réunisse plus régulièrement.

Quels sont les obstacles aux ambitions de la PSDC ?

Cette politique devra s'affranchir de pesanteurs anciennes. Deux d'entre elles retiennent particulièrement l'attention.

La première, ce sont les contraintes budgétaires nationales qui pèsent depuis plusieurs années tant sur les investissements de défense que sur le fonctionnement des armées. Elles dissuadent nombre d'États membres, à l'exception notable de la France, de la Grande-Bretagne et, plus récemment, de l'Allemagne, de s'engager sur les théâtres de crises de forte intensité. L'objectif de consacrer 2 % du PIB à la défense, dont un cinquième à la recherche, sera hors de portée pour beaucoup.

Des initiatives sont également indispensables pour donner une portée concrète à l'ambition d'instituer une base industrielle et technologique de défense européenne.

Le législateur européen et les États membres ont une responsabilité conjointe pour réduire la fragmentation du marché européen de défense et l'orienter vers des coopérations capacitaires accrues. La Commission a opportunément innové en 2014 en publiant son plan d'action pour la défense européenne.

Les États membres devraient aussi progressivement coordonner leurs programmes et stratégies d'équipements, pour réduire les doublons et combler les lacunes capacitaires de l'Union.

L'Agence européenne de défense a, depuis le traité de Lisbonne, une visibilité et des compétences juridiques claires, mais elle doit avoir aussi les moyens de jouer un rôle accru d'impulsion et d'accompagnement. Sa structure intergouvernementale, dans une Union à vingt-huit, ne favorise pas un fonctionnement dynamique, et certains États membres veillent jalousement à ce que cette situation perdure...

La participation du budget européen au financement de programmes capacitaires de défense est donc une nécessité. Normaliser les équipements, définir en commun les besoins, investir et acquérir ensemble sont des orientations incontournables. Il y va de l'autonomie stratégique de l'Union européenne.

La Commission vient de lancer une « action préparatoire » dans le cadre de l'AED, qui devrait permettre de démultiplier la capacité d'investissement dans la recherche duale et l'innovation de défense, en la finançant sur le budget européen. À terme, elle renforcera les capacités de recherche et d'innovation de l'Union européenne dans le domaine de la défense, condition du maintien et du renforcement de son savoir-faire industriel et de son autonomie stratégique.

Trois options sont envisageables en vue de desserrer l'étau budgétaire qui restreint les dépenses d'équipement militaire.

Une première possibilité serait d'assimiler les investissements capacitaires des États membres aux investissements consentis dans le cadre du plan Juncker : ainsi, ces dépenses ne seraient pas prises en compte au titre du pacte de stabilité et de croissance.

Une deuxième option serait la mise en place d'un « semestre européen sur les capacités de défense ». Celui-ci définirait des objectifs contraignants en matière de coopération et d'acquisitions conjointes, ainsi que pour la recherche-développement.

Ces deux options ont été présentées par notre collègue Fabienne Keller dans son rapport d'information intitulé « Mieux financer la sécurité de l'Union européenne ».

Une troisième voie, très imaginative, tendant à la création d'un fonds européen de défense, est proposée par M. Thierry Breton. Ce fonds prendrait en compte la part des dettes des États liée à leurs dépenses d'équipements de défense. Il émettrait, à la faveur des très faibles taux actuels, des obligations à très long terme permettant de financer ensemble des capacités mutualisables, tout en réduisant le niveau de la dette. Il serait garanti par une ressource publique certaine, provenant des États membres, à hauteur de l'équivalent de deux points de TVA, ce qui est évidemment très lourd. Cette solution est contestée, mais nous avons jugé nécessaire de la rappeler.

Une autre pesanteur continue de freiner l'émergence d'une défense européenne : la « concurrence » avec l'OTAN. En effet, vingt-deux des vingt-huit États membres de l'Union sont aussi parties à l'Alliance atlantique et à son organisation militaire intégrée. Certains États membres, en particulier, mais pas seulement, le Royaume-Uni, ne sont pas favorables à une institutionnalisation et à une visibilité trop fortes de la PSDC. S'il est favorable à un engagement dans certaines opérations militaires de haute intensité, auxquelles d'ailleurs il participe lui-même, le Royaume-Uni ne souhaite pas qu'il s'opère sous le drapeau européen.

Pourtant, les deux organisations, OTAN et Union européenne, ont déjà conclu des partenariats fondés sur leur complémentarité, dans le respect de l'autonomie et de l'intégrité institutionnelle de chacune. De plus, la réorientation stratégique des États-Unis vers l'Asie et le Pacifique donne davantage encore de pertinence à une responsabilisation accrue du pilier européen de défense.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Plutôt une allumette, à côté d'un gros pilier !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

En réalité, la défense européenne est otage de l'existence de conceptions différentes de l'Union européenne, au-delà de la seule défense. Le document stratégique devrait dissiper ce malentendu persistant qui paralyse toute avancée.

Autre point important, bien des innovations juridiques permises par le traité de Lisbonne restent lettre morte.

Le traité a ouvert de nombreuses options pour mettre en oeuvre, sous plusieurs formes et dans plusieurs cadres, une politique ambitieuse pour la défense. Il apporte des éléments de souplesse et de flexibilité qui compensent la rigidité des traités antérieurs.

Il en est ainsi des coopérations renforcées. Une coopération renforcée est désormais possible dans le domaine de la défense. Une autre formule prévoit la possibilité d'une coopération plus étroite entre certains États membres. Le Conseil, à l'unanimité, peut confier la mise en oeuvre d'une mission militaire à un groupe d'États membres volontaires.

De même, le traité institue la « coopération structurée permanente » entre États membres remplissant des critères exigeants de capacités militaires. Ces critères tiennent aux capacités de commandement et de contrôle, à la préparation des forces, à l'interopérabilité et aux capacités de déploiement. Pour peu que, devant des menaces croissantes, la volonté politique des États membres concernés soit au rendez-vous, il y a dans cette disposition matière à des avancées intéressantes.

Or, six ans après l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, aucune de ces formules n'a été activée, non plus que les groupements tactiques, pourtant déclarés opérationnels et dont la souplesse d'utilisation est louée. De même, sur le plan financier, le principe du fonds de lancement pour des opérations relevant de la PSDC exécutées par certains États n'a jamais été mis en oeuvre.

Cette situation démontre que, en l'absence de volonté politique explicite, les meilleures formules juridiques ne sont d'aucun effet.

Mes chers collègues, la proposition de résolution européenne qui vous est soumise présente, dans la ligne de ce que nous venons de vous exposer, un certain nombre de recommandations. Elles ne recouvrent pas la totalité des enjeux, mais elles tendent à permettre à l'Union européenne de forger des outils politiques, juridiques et opérationnels pour mieux répondre au besoin de sécurité des citoyens européens. Seuls et dispersés, les États membres ne peuvent plus le faire efficacement.

Il s'agit aussi, et ce n'est pas le moindre des enjeux en cette période de désenchantement, de démontrer aux peuples européens que, dans ce domaine essentiel de la sécurité, l'Union peut être un atout, un facteur de puissance pour la défense de leurs valeurs.

Pour conclure, j'indiquerai que nous avons déjà évoqué cette proposition de résolution européenne avec nos collègues Daniel Reiner et Jacques Gautier, qui devraient être les rapporteurs au nom de la commission des affaires étrangères. Ils l'ont trouvée intéressante, efficace et de qualité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Je remercie les deux rapporteurs. Nous n'en avons pas terminé avec ce sujet qui est au coeur de notre quotidien, en raison de la menace terroriste latente au sein de l'Union.

Je suis attentif à la recherche-développement en matière de défense. Elle trouve souvent des applications dans le domaine civil ; les Américains sont très forts à cet égard.

La réflexion sur l'OTAN en est à ses débuts. Quel que soit le résultat de l'élection présidentielle américaine, l'implication de l'OTAN sur les théâtres d'opérations extérieures qui intéressent l'Union est amenée à évoluer.

Les trois pistes de financement évoquées par les rapporteurs sont pertinentes et intéressantes. Ne pas prendre en compte ces investissements au titre du pacte de stabilité et de croissance serait logique.

Enfin, si le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne a tout prévu, il ne peut y avoir de résultats sans volonté politique.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Merci aux rapporteurs de cette proposition de résolution ambitieuse.

La politique européenne de défense est bien une simple « allumette » face à la « colonne » OTAN.

Depuis le milieu des années quatre-vingt-dix, tous les nouveaux entrants dans l'Union européenne, notamment les pays de l'Est, ont adhéré à l'OTAN « en complément », comme me l'expliquait M. Bronislaw Geremek à propos de la Pologne.

Au cours de mes déplacements dans le nord de l'Europe, en particulier en Norvège et en Suède, j'ai pu constater qu'il existait une forte crispation à l'égard de la Russie. Les différents degrés d'adhésion à l'Union sont liés à ces considérations géopolitiques. Cela pose des problèmes pour construire une politique de défense commune.

Pendant longtemps, notre pays a eu un pied dans l'OTAN et un autre en dehors. Il a aussi commis des erreurs stratégiques. Au travers des accords de Lancaster House, la France et le Royaume-Uni, détenteurs de l'arme atomique et membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies, ont voulu construire et imposer bilatéralement une vision commune. Cela a fonctionné lors de la guerre de Libye et durant une partie de la crise iranienne, mais, en réalité, les Britanniques ne veulent pas d'une véritable coordination.

Les responsables militaires nous disent que la coopération est plus forte lors des opérations extérieures avec les « petits » pays, comme le Danemark, la République tchèque ou la Norvège.

L'engagement dans une relation bilatérale avec la Grande-Bretagne nous a donc pénalisés. Où en est, par exemple, le projet de centre de coordination nucléaire entre les deux pays ?

Au sein de l'Union européenne, on a toujours le sentiment qu'en agrégeant les moyens de chaque État membre, on créera un embryon de politique de sécurité et de défense commune. Or cela ne suffit pas. Il faut une volonté politique, sous-tendant des axes bien définis. Quels moyens la France, grande puissance militaire, et les autres pays sont-ils prêts à mettre en oeuvre ?

Pour ce qui concerne le financement, la proposition de Thierry Breton est novatrice et intéressante, mais elle passe encore par la mobilisation de ressources propres. Quant à l'intégration d'éléments de défense européenne dans le cadre du plan Juncker, c'est surréaliste ! Nous ne parvenons pas, en effet, à trouver les premiers sous d'argent propre pour activer l'effet de double levier... Seuls les Chinois sont intéressés, et je ne pense pas que cela tentera les investisseurs privés.

S'agissant de la production d'équipements militaires en commun, il n'y a pas de direction stratégique et politique. Ce sont les fabricants de matériels qui imposent leurs orientations aux États. Les dirigeants ne mènent pas de véritable réflexion sur la défense. On s'équipe en fonction d'intérêts industriels nationaux et la vision européenne, dans ce contexte, est très restreinte.

Les termes « relation structurée avec la Russie », au point 22, sont ambigus. Je crains qu'une confusion ne s'instaure avec la « coopération structurée permanente » prévue dans le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, laquelle ne peut s'établir qu'avec des États membres, et non avec un pays tiers comme la Russie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Je remercie nos rapporteurs de leur travail de recherche, dont les conclusions nous sont présentées alors que nous sommes à la croisée des chemins. Jusqu'à présent, la notion d'« Europe de la défense » différait de celle de « défense de l'Europe », laquelle relevait de l'OTAN.

Nous nous sommes rendu compte au cours des dernières années, notamment avec la crise en Ukraine, que la politique européenne de voisinage pouvait avoir des conséquences en termes de sécurité. On a pris conscience, aussi, que des interventions européennes sur des théâtres d'opérations extérieures - en Irak, en Libye, en Europe centrale - pouvaient influer sur la défense de l'Europe. Cela changeait la donne.

Faire usage de l'arme nucléaire, défendre des vies humaines ou engager celles de nos soldats, c'est le dernier étage de la fusée fédéraliste, d'où l'intérêt de cette proposition de résolution, qui permet de faire le point sur ce que l'on peut envisager en matière de sécurité et de défense communes, sans pour autant tout mettre en commun.

J'étais au Mali lorsque le Gouvernement français a décidé d'y intervenir militairement. Il est parfois important de prendre souverainement ce type de décision exclusive, sans en référer aux Vingt-Huit. Mais cette capacité limite nécessairement l'appel à la solidarité.

J'émets des réserves sur la proposition de Thierry Breton relative au financement, qui vise à créer une dette commune pour les investissements passés. Je ne crois pas qu'il faille exclure du champ du pacte de stabilité et de croissance les investissements consacrés à la défense. Une dette reste une dette ! La suite logique serait la désolidarisation, puis la mise en place d'un processus commun de prise de décision. Je ne pense pas que la France y trouve son intérêt. Nous parlons bien là d'un droit de regard sur les choix faits.

Par ailleurs, certains pays travestissent l'usage de leurs investissements militaires. Ceux de la Pologne n'ont ainsi qu'un seul but : le soutien à l'emploi et à l'industrie locale. Suivre cette voie, c'est prendre le risque de voir s'accumuler les dettes, sans pour autant favoriser la défense européenne.

Comme pour l'euro, qui dit « mise en commun » dit aussi « responsabilité commune ». Or, en matière de défense, nous ne pourrons pas aller très loin dans la communautarisation des dépenses. Prendre de telles décisions en commun, ce serait en effet pour nous perdre en efficacité et en spécificité. Autre risque : des pays pourraient utiliser ce dispositif dans un sens non conforme au renforcement de la défense européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bonnecarrere

Je remercie les rapporteurs de cette présentation tout à fait passionnante.

La première vertu de ce document, c'est de remettre en perspective le lien traditionnel entre sécurité intérieure et sécurité extérieure, entre renseignement et aspects plus militaires. C'est un élément essentiel au regard de la période contemporaine.

L'Europe est confrontée à des problèmes aux causes multiples et interconnectées, dont la politique de défense doit tenir compte. Cela induit des convergences entre les États, même si les deux parties de l'Europe, le nord et le sud, n'ont pas la même appréciation des dangers, qu'elles hiérarchisent différemment. La place de la politique de défense est donc tout à fait légitime en Europe.

Je suis profondément européen, voire europhile, et assez partisan du fédéralisme. Mais force est de le constater, compte tenu des principes de réalité et de souveraineté, l'hypothèse de la communautarisation de la défense ne peut être retenue. Ainsi, il n'est pas dans les intentions de nos amis britanniques d'aller dans ce sens.

Il nous faut donc nous concentrer sur deux points.

Tout d'abord, la politique industrielle de défense doit être mise en avant, en promouvant une convergence à l'échelle de l'Europe. Michel Barnier avait rédigé une note sur ce sujet lorsqu'il conseillait Jean-Claude Juncker. L'effort militaire le plus important est certes fourni par les États-Unis, mais celui de l'Europe est loin d'être ridicule, avec plus de 300 milliards d'euros par an. La Chine se classe en troisième position, assez nettement en deçà, la Russie venant bien après, avec un effort de l'ordre de 130 milliards à 140 milliards d'euros par an.

Au-delà de l'objectif de 2 % du PIB consacrés à la défense, qu'il est tout à fait souhaitable d'atteindre, l'Europe a les moyens financiers de mener cette politique industrielle de défense, mais elle ne les met pas suffisamment en oeuvre. Les industriels ont connu des réussites, s'agissant par exemple des missiles fabriqués par les Français, les Britanniques et les Italiens, du protocole d'accord entre Nexter et Krauss-Maffei et peut-être, un jour, de Ryemetal. C'est là une base de travail sur laquelle on peut s'appuyer pour élaborer de façon pragmatique une politique globale de défense.

En ce qui concerne l'aspect financier, je ne suis pas convaincu par les propositions évoquées par les rapporteurs. Pourquoi ne pas envisager un intéressement financier, ou une mutualisation ? Je citerai, à titre de comparaison, les bonus de DGF pour nos collectivités locales : pourquoi ne pas adopter la même solution pour la défense ?

Pour conclure, je n'ose même pas faire mention ici du montant des moyens consacrés à l'Agence européenne de défense... (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Allizard

La présentation des rapporteurs répond à de nombreuses questions, et en soulève aussi beaucoup.

S'agissant de la défense, on ne peut pas engager une politique sans conduire une réflexion sur les risques et leur évolution. On nous parle d'un document de 2003 jamais actualisé : c'est très inquiétant, compte tenu des risques auxquels nous sommes exposés.

Le redéploiement stratégique des États-Unis vers la zone Asie-Pacifique est un élément important. Les Européens vont devoir compter de plus en plus sur eux-mêmes.

Par ailleurs, on ne peut pas faire comme si la Russie n'existait pas et si la guerre froide était toujours d'actualité. Je souhaite, pour ma part, que ce pays ne soit pas seulement un voisin, mais aussi un partenaire - certes difficile.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Allizard

On nous parle de politique bilatérale. Or notre monde est complexe. Pourquoi ne pas envisager une politique de défense à géométrie variable et travailler, d'un point de vue stratégique, à l'analyse des risques ? On pourrait imaginer une mise en commun des moyens ou des actions communes, notamment avec l'OTAN, ou encore des actions individuelles des États, en prévoyant un droit de veto ou de retrait. Existe-t-il ou non, en la matière, une volonté d'avancer ?

Sur la question du financement, je rappelle que l'Europe détient un outil militaire de défense très complet. Il est donc possible d'avoir dans ce domaine une politique d'économie fermée. Trouver les moyens, y compris privés, est envisageable. Nous sommes capables d'être indépendants et de porter ce projet, à la fois économiquement et financièrement.

L'objectif de 2 % du PIB consacrés à la défense doit être tenu. Je signale au passage que le royaume d'Arabie saoudite alloue 1,9 % de son produit intérieur brut à sa politique de rayonnement « culturel ». Et nous ne pourrions pas consacrer 2 % du nôtre à la défense ? Réfléchissons-y, surtout dans une perspective d'analyse des risques !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

Je remercie les rapporteurs d'avoir fait le point sur ce sujet très complexe. Mais faut-il une résolution européenne à ce stade ? Je n'en suis pas certain.

Parler de sécurité et de défense commune, c'est mettre la charrue devant les boeufs, car de nombreux objectifs restent à définir. Je souhaite, en revanche, davantage de coordination entre pays européens. Pour le reste, il faut d'abord régler la question de la place de l'Union européenne au sein d'une stratégie mondiale de défense.

Si l'on veut définir une politique de sécurité et de défense commune, il faut que celle-ci soit indépendante de l'OTAN. Sinon, à quoi bon ? Or, à cet égard, la proposition de résolution ne tranche pas. Il est seulement question, au point 22, de respect de « la spécificité » et de « l'autonomie de décision » de l'Union européenne et de l'OTAN, et, au point 23, de « cohérence des stratégies respectives ». Il faut trancher cette question ; sinon, nous n'avancerons pas.

Des sujets ne sont pas abordés. Quid de la dissuasion nucléaire ? Je ne suis pas favorable, pour ma part, à son intégration dans le giron de l'Union européenne.

Les rapporteurs font part de la satisfaction consécutive au soutien, par l'Union européenne, aux interventions de la France sur des théâtres d'opérations extérieures. Leur intention n'est-elle pas de proposer - je me réfère au point 21 - que certains pays soient les bras armés de l'Union européenne ? La formulation du point 30 est très incitative à cet égard !

Cette vision très particulière de la PSDC me rend perplexe. Il est difficile, au niveau européen, de définir une politique claire ; je pense aux questions migratoires, par exemple. Ce problème se pose aussi pour la défense.

En ce qui concerne le financement, les auteurs de la proposition de résolution prennent acte, au point 31, de la « rareté durable de la ressource publique ». Ne vaudrait-il pas mieux s'attacher à résoudre le problème de l'évasion fiscale, plutôt que d'imaginer des prélèvements spécifiques ou d'exclure les dépenses de défense du champ du pacte de stabilité et de croissance ? Pourquoi ces dépenses, d'ailleurs, plutôt que celles consacrées à l'éducation ou à la santé ?

Le débat est intéressant, mais le contenu de la proposition de résolution l'est nettement moins.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Je me félicite de la grande qualité des interventions sur ce sujet complexe et multiforme.

En termes de financement, la France ne doit pas assumer plus que sa part, d'autant que la lutte contre le terrorisme a une dimension collective.

Je pense que nous devrions trouver un consensus sur cette proposition de résolution.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Jourda

Mes chers collègues, vos questions mettent en lumière le fait que, en matière de défense et de sécurité commune, il faut s'extraire de notre appartenance et de notre identité foncières, et prendre du recul.

Jean-Yves Leconte et André Gattolin l'ont dit, il faudra bien, à un moment donné, que l'Europe passe à la vitesse supérieure, système fédéral ou pas. Il nous fallait donc tenter cet exercice pour dégager des pistes de réflexion.

Il est vrai qu'il y a un jargon européen, monsieur Gattolin. Mais, concernant la Russie, nous avions surtout à l'esprit la nécessité d'instaurer un dialogue « structuré ». On peut imaginer une relation simplement « approfondie » avec ce pays. En tout état de cause, nous ne pouvons pas le laisser hors-jeu. Il suffit, pour s'en convaincre, de se souvenir de la crise en Ukraine ou des conflits « gelés », comme en Moldavie. Il fallait formaliser cette question.

Nous souhaitons la mise en place d'un Conseil européen de sécurité pour remettre la politique de défense au coeur des préoccupations européennes, y compris de celles des nouveaux entrants au sein de l'Union. Il est navrant que personne ne se soit penché sur ces questions, notamment sur le problème migratoire, pendant treize ans ! Il y a tout de même, à cet égard, un manque de maturité européenne.

Vous avez raison, monsieur Bonnecarrère : il est important d'intégrer la dimension économique. Des outils ont été pensés par l'Agence européenne de défense, notamment le système - modeste - de « mutualisation et de partage » des capacités et d'autres n'ont jamais été activés. C'est dramatique !

La défense relève de la souveraineté exclusive des États. Il nous incombe de proposer une mise en commun. La première vertu de cette proposition de résolution est donc d'exister. Un tel exercice n'est pas vain, car cet outil peut accompagner la réflexion de Mme Mogherini.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

Je commencerai par faire un peu d'histoire. La déclaration du 9 mai 1950 de Robert Schuman a été immédiatement suivie par un débat sur une communauté européenne de défense qui a échoué quatre ans plus tard. Les mêmes problématiques sont soulevées aujourd'hui.

Monsieur Gattolin, le traité de Lancaster House n'a pas été aussi négatif que vous le dites. Les Britanniques sont en effet très pragmatiques et lorsqu'on leur propose un projet de cette nature, y compris sur le plan européen, ils sont les premiers à foncer.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

Je n'en suis pas persuadé...

Monsieur Leconte, vous avez évoqué la nécessité d'une meilleure rationalisation sur le plan industriel. Je vous indique que ce sont les chefs d'état-major qui formulent des spécifications différentes, auxquelles les industriels s'adaptent.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Parce qu'il n'y a pas de politique ! Le Rafale a-t-il été défini par l'état-major ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

Je peux vous l'assurer, et l'état-major a d'ailleurs commis des erreurs !

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

L'impulsion politique n'est pas claire ; or c'est l'État qui paie !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

Nous sommes au début de la réflexion ! Nécessité fera loi.

M. Billout a évoqué la dissuasion nucléaire. Elle restera évidemment du ressort des États détenteurs et ne relèvera jamais de l'Union. M. Leconte a soulevé la question de l'engagement de la vie de nos soldats. J'observe, à cet égard, que les militaires s'entendent dès qu'il y a une autorité : c'est un réflexe collectif et communautaire, car ils sont habitués à la hiérarchie.

Pour ce qui concerne les opérations extérieures européennes, certaines d'entre elles ont été des réussites. Je pense à la lutte contre la piraterie maritime en Somalie, par exemple. La mission s'est soldée par un succès, mais on n'en parle pas ! Je ne dirai donc pas, comme M. Gattolin, que la politique de défense européenne est une allumette ; c'est plutôt un balai !

À propos des satellites, lors d'une visite à Balard, j'ai demandé au général qui me recevait si l'Europe était fragile. Oui, m'a-t-il répondu, car elle ne dispose pas de système d'alerte avancée. La Chine a une fusée qui peut détruire les satellites. On suppose que la Russie dispose du même équipement. L'Europe, elle, n'a rien ! Et pour utiliser des drones dans le cadre de la lutte anti-terroriste, il lui faut l'autorisation des Américains ! Nous avons pris quatorze ans de retard...

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Ne devait-on pas faire des drones avec les Britanniques ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Les États-Unis violent les systèmes d'exploitation de l'espace. Il faudrait se saisir de ce sujet !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

Même au Mali, il a fallu demander l'autorisation des Américains. Et pour pouvoir voler sur le Rafale, il est obligatoire de suivre une formation d'un an aux États-Unis !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

Le Conseil européen de juin prochain arrêtera une nouvelle stratégie globale. Il faut prendre date dès maintenant.

Le point 22 sur la relation avec l'OTAN, monsieur Billout, n'est que la reprise d'une disposition du traité de Lisbonne.

La réunion de l'OTAN de juillet prochain à Varsovie devra préciser les relations entre cette dernière et l'Union européenne.

Nous avons corrigé le point 30 en arrêtant la phrase aux mots « des menaces nouvelles ».

Pour conclure, la politique de sécurité et défense commune est un sujet très complexe que nous serons obligés d'aborder, car tous les pays du monde sont en train de se réarmer. La Chine est désormais une puissance mondiale. Quant à l'Europe, elle est très dépendante des États-Unis à cause de l'OTAN, d'où l'importance de mettre les problèmes sur la table. Mais nous ne sommes qu'au début de la réflexion.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Je m'interroge sur le point 22, qui fait mention d'une « relation structurée avec la Russie ».

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Jourda

Nous remplaçons « structurée » par « approfondie ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Je mets aux voix la proposition de résolution européenne dans la rédaction proposée par les rapporteurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Mes chers collègues, nous n'avons pas épuisé le sujet, tant s'en faut. Nous verrons ce que proposera Mme Mogherini au mois de juin.

Compte tenu de la prégnance de la menace et des actions terroristes sur notre territoire, il faudra investir de plus en plus, et mobiliser des ressources publiques.

À l'issue du débat, la commission des affaires européennes a adopté - M. Michel Billout s'abstenant - la proposition de résolution européenne ainsi modifiée.

1. Le Sénat,

2. Vu l'article 88 4 de la Constitution,

3. Vu le chapitre V du traité sur l'Union européenne, en particulier ses articles 42,43, 44, 46 et 47,

4. Vu l'article 222 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,

5. Vu la stratégie européenne de sécurité adoptée par le Conseil européen le 12 décembre 2003,

6. Vu la résolution du Parlement européen sur « les clauses de défense mutuelle et de solidarité de l'Union européenne : dimensions politique et opérationnelle »,

7. Vu les conclusions du Conseil européen des 25 et 26 juin 2015,

8. Vu la résolution européenne n° 88 adoptée par le Sénat le 1er avril 2015 relative à la lutte contre le terrorisme et tendant à l'adoption d'un acte pour la sécurité intérieure de l'Union européenne,

9. Vu la décision du Conseil (2014/415/UE) du 24 juin 2014 concernant les modalités de mise en oeuvre par l'Union de la clause de solidarité,

10. Vu la communication de la Commission du 24 juillet 2013 contenant un plan d'action visant à renforcer l'efficacité et la compétitivité du secteur européen de la défense et de la sécurité,

11. Vu le compte rendu du Conseil Affaires étrangères défense du 17 novembre 2015,

12. Vu la communication de la Commission du 20 avril 2016 sur la mise en oeuvre du programme européen en matière de sécurité du 28 avril 2015,

13. Considérant les menaces multiformes que les actions terroristes, telles que celles commises à Paris en janvier et novembre 2015 et à Bruxelles le 22 mars 2016, font peser sur la sécurité intérieure des États membres de l'Union européenne ;

14. Considérant également les défis de sécurité lancés à l'Union européenne par les crises régionales qui perdurent à sa périphérie, à l'Est comme au Sud ;

15. Soulignant à cet égard la répercussion croissante entre les crises extérieures au territoire européen et les actions terroristes commises sur celui-ci, entre sécurité extérieure et sécurité intérieure ;

16. Considérant que la dernière stratégie européenne de défense a été définie en 2003 et qu'elle doit impérativement être adaptée aux menaces nouvelles portées par un environnement stratégique en profonde évolution ;

17. Salue le recours pour la première fois, par la France, à l'article 42-7 du traité sur l'Union européenne (TUE), prévoyant l'assistance mutuelle à un État-membre en cas d'agression armée sur son territoire et se félicite du soutien « plein et unanime » exprimé le 17 novembre 2015 par les ministres de la défense de l'Union européenne, qui « se sont dits prêts à fournir toute l'aide et l'assistance nécessaires » ;

18. Se félicite des contributions militaires, bien que d'ampleur et d'efficacité diverses, proposées à la France par les États membres dans le cadre de la mise en oeuvre de la clause d'assistance mutuelle de l'article 42-7 TUE, pour l'appuyer dans la lutte contre le terrorisme de masse de Daech ou la renforcer sur des théâtres d'opérations extérieures ;

19. Se félicite de la décision du Conseil des 25 et 26 juin 2015 confiant à la Haute Représentante la mission de définir, en coopération avec les États membres, une nouvelle « stratégie globale de l'Union européenne concernant les questions de politique étrangère et de sécurité » ;

20. Considère que ce document stratégique devra comporter une composante « défense » substantielle et aussi aboutir, ultérieurement, à la rédaction d'un document spécifique de mise en oeuvre dans le domaine de la sécurité et de la défense, invitant les États-membres à des engagements et des actions concertés et précis en termes d'investissements et de capacités de défense ;

21. Estime que le document devra tirer les conséquences opérationnelles de l'imbrication irréversible des défis de sécurité intérieure et extérieure ;

22. Souhaite que la future stratégie globale rappelle et actualise les modalités agréées de coopération et de partenariat entre l'Union Européenne et l'OTAN, respectant la spécificité et l'autonomie de décision de chacune, ainsi que l'établissement d'une relation approfondie avec la Russie ;

23. Invite les gouvernements des États de l'Union européenne également membres de l'OTAN à veiller, lors du prochain sommet de l'OTAN à Varsovie, à la cohérence des stratégies respectives de l'Union et de l'Organisation atlantique ;

24. Propose l'établissement d'une réunion annuelle du Conseil européen consacrée aux questions de sécurité et de défense afin d'évaluer les menaces afin de pouvoir élaborer de façon rapide une réponse collective européenne aux crises ;

25. Déplore que certaines dispositions innovantes du traité sur l'Union européenne n'aient pas été utilisées à ce jour, en particulier celles des articles 44 sur les coopérations renforcées et 46 sur la coopération structurée permanente, en dépit de leur flexibilité propre à notamment stimuler la coopération de défense entre États membres volontaires ;

26. Regrette également que le mécanisme de financement européen d'urgence prévu par l'article 41-3 TUE pour la préparation de missions PSDC n'ait pas été activé ;

27. Invite de même le Conseil et les États membres à envisager l'engagement dans les opérations PSDC des groupements tactiques de l'Union européenne (GTUE) dont les caractéristiques de modularité et de flexibilité apporteraient une valeur ajoutée opérationnelle ;

28. Souligne la pertinence, dans plusieurs domaines-clé de la défense tels que le développement des capacités opérationnelles, le comblement des lacunes capacitaires ou l'élaboration de programmes communs d'équipements, du mécanisme de coopération structurée permanente (art. 42-6 TUE) ; invite les États membres à étudier les nombreuses potentialités qu'il permet en vue de la mise en oeuvre d'une coopération de défense ambitieuse ;

29. Invite le gouvernement français à faire en sorte d'associer le gouvernement allemand à une réflexion conjointe sur une telle initiative ;

30. Appelle à donner une véritable priorité à la sécurité et à la défense dans la détermination des choix budgétaires nationaux compte tenu des menaces nouvelles ;

31. Considère que dans un contexte de rareté durable de la ressource publique, d'une part, et de menaces multiformes croissantes, d'autre part, le développement rationnel de capacités de défense et d'instruments de sécurité passe par une planification concertée des budgets de défense et une coopération industrielle accrue, permettant de réduire la fragmentation du marché européen de défense et d'optimiser l'offre capacitaire européenne ;

32. Invite les gouvernements à :

33. - favoriser l'intégration des investissements capacitaires de défense des États membres, liés aux programmes d'équipements définis au sein de l'AED, aux contributions nationales au Fonds Européen d'Investissements Stratégiques (FEIS), et ainsi de ne pas les comptabiliser dans les dépenses prises en compte dans le cadre du Pacte de stabilité et de croissance ;

34. - proposer la mise en place d'un « semestre européen sur les capacités de défense », définissant des objectifs contraignants en matière de coopération et d'acquisitions capacitaires et de recherche-développement ;

35. Invite le gouvernement français à peser sur la Commission européenne afin qu'elle décide d'une application plus flexible de l'article 42-1 TFUE et des règles de l'instrument européen contribuant à la stabilité et à la paix afin de donner plein effet à son objectif de prévention et de stabilisation des secteurs de sécurité des pays en sortie de crise, et permettre la mise en oeuvre d'un réel instrument européen de construction de capacités de sécurité et de défense ;

36. Salue l'initiative de la Commission européenne, dans le cadre de son plan d'action pour la défense, d'une action préparatoire expérimentale tendant à ce que le budget européen puisse participer à compter de 2017 au financement des investissements de recherche-développement dans le domaine de la défense ;

La réunion est levée à 10h10.