Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 13 avril 2006 à 9h30
Accès des jeunes à la vie active en entreprise — Articles additionnels avant l'article 1er, amendements 9 2 3 4 1

Photo de Roland MuzeauRoland Muzeau :

Mais le retrait du CPE et son remplacement par des « mesurettes » sans réelle portée ne doivent surtout pas faire oublier la bataille à mener contre la loi pour l'égalité des chances dans son ensemble.

Au-delà du CPE, ce texte contient en effet des dispositions particulièrement graves pour les jeunes générations. C'est pourquoi je présente l'amendement n° 9, que je souhaiterais d'ailleurs rectifier selon les conseils du président de la commission, pour ne viser que les articles 2, 3 et 4 de la loi pour l'égalité des chances, et non son article 1er.

Cet amendement tend à insérer, avant l'article 1er de cette proposition de loi fantôme, un paragraphe supprimant l'apprentissage junior.

En effet, la possibilité d'entrer en apprentissage dès l'âge de quatorze ans marquerait un recul de société historique et inacceptable, car il s'agit avant tout d'expulser du système scolaire, avant qu'ils n'aient atteint l'âge de seize ans, les jeunes les plus en difficulté. Dans le même temps, cette disposition constitue une véritable remise en cause de l'obligation scolaire jusqu'à seize ans.

De plus, loin de représenter une voie de diversification, cette mesure signe la fin du collège pour tous, en instaurant une voie d'exclusion sans apporter aucune réponse aux besoins des jeunes.

À ce propos, j'ai moi aussi écouté la radio dans ma voiture ce matin, et j'ai entendu évoquer une étude montrant combien l'abandon de la notion de parcours scolaire commun jusqu'à seize ans pose problème. Vous aurez l'occasion d'en lire davantage dans la presse sur ce sujet.

C'est là une mesure supplémentaire de renonciation à tout effort visant à garantir la réussite scolaire pour tous. Elle constitue une nouvelle stigmatisation pour une partie de la jeunesse. Cette nouvelle filière équivaut à une préorientation deux ans avant le terme de la scolarité obligatoire, et ne peut représenter une réponse aux difficultés scolaires des collégiens, l'objectif fondamental du système éducatif national devant rester de leur assurer la maîtrise des savoirs et des connaissances de base.

Les élèves concernés seront donc « éjectés » du système scolaire, davantage stigmatisés et étiquetés comme des jeunes « à problèmes ». Les conséquences risquent d'être dramatiques pour nombre d'entre eux, tant sur le plan psychologique que sur le plan social.

En outre, et c'est là un aspect particulièrement inadmissible de ce texte, en prétendant apporter une solution aux problèmes de ces élèves, vous les livrez au marché du travail, qui pis est au travail de nuit, dans des conditions bien plus dégradées que celles que connaît le reste du salariat et sans aucune garantie. C'est ce que nous avions indiqué lors de l'examen du projet de loi pour l'égalité des chances. Vous n'aviez pas accepté alors notre argumentation. Pourtant, chacun sait qu'il faut au contraire à ces jeunes plus et surtout mieux en matière d'école. Ce n'est donc pas en leur donnant moins d'école qu'on leur permettra de résoudre leurs difficultés.

Par ailleurs, en associant de nouveau difficultés et orientation professionnelle précoce, en répondant à l'échec scolaire par l'apprentissage, vous contribuez, que vous le vouliez ou non, à dévaloriser encore un peu plus la voie professionnelle de formation, et surtout vous vous exonérez de toute réflexion sur les causes réelles de l'incapacité du système éducatif à prendre en charge les difficultés scolaires des jeunes.

Encore une fois, alors que nous avons débattu de ce thème pendant des heures au mois de mars dernier, je vous demande de retirer cette mesure de régression sociale.

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