C'est l'argument qu'oppose Mme Merkel... Cette question a une incidence fondamentale non seulement sur nos capacités, mais du même coup, sur nos industries, et pourtant, on n'avance pas.
Sur la question du financement commun, le Président de la République a choisi un angle particulier, celui des opérations en République centrafricaine (R.C.A.) - ce qui pouvait se comprendre dans le contexte du mois de décembre - mais en retenant une présentation un peu surprenante des besoins. Ce n'est pas parce qu'on mettra trois soldats polonais dans l'opération qu'elle deviendra une opération européenne. La procédure retenue par le mécanisme Athéna est très lourde, et n'intègre cependant pas les coûts de transport stratégique, mais seulement les coûts communs. Et le choix de cet angle, celui de la R.C.A., a braqué certains collègues, qui peinent à y voir autre chose qu'un enjeu traditionnel franco-africain.
Au lieu d'arguer que puisque les Français s'engagent sur le terrain, les autres devraient prendre en charge une partie des coûts, il conviendrait, à mon sens, d'envisager le financement commun comme une façon d'aider les petits pays qui voudraient participer mais ne le peuvent pas. Voyez le Portugal, qui participerait volontiers à certaines opérations en Afrique, mais ne peut, pour des raisons financières, déployer de troupes à l'extérieur. C'est cela qu'il faut mettre en avant : le financement commun inciterait certains pays à participer.
La PSDC est jeune, elle mérite l'indulgence. Lancée en 1999, elle marque le pas, paradoxalement, depuis le traité de Lisbonne qui pourtant la consacre et lui donne, institutionnellement, les moyens de mieux fonctionner : coopérations renforcées, à quoi s'ajoute une possibilité de coopération structurée permanente, service d'action extérieure qui se met en place... Mais nous n'utilisons pas les outils de cette politique commune parce qu'elle dépend des Etats membres dont certains restent très réticents. Certes, les lignes bougent un peu, en Pologne, en Allemagne, mais on reste loin du compte.
Après avoir beaucoup avancé en dix ans, on marque le pas. Libye, Mali, R.C.A., autant d'occasions manquées. L'hostilité des Britanniques, qui jouent l'obstruction, n'a fait que croître, pour des raisons de politique intérieure. James Cameron a manqué de ce pragmatisme que l'on reconnaît pourtant aux Anglais. Clamer, comme il l'a fait, qu'il ne rentrerait pas à Londres en ayant contribué à une armée européenne, c'était adopter une posture digne des tabloïds. Cela est choquant.
Bien des pays, ensuite, ont d'autres priorités, économiques et financières. Et les opinions publiques ne sont guère sensibilisées à la menace, qui leur paraît lointaine, ou considèrent que le parapluie américain est si solide qu'il suffit à la conjurer. Cet état d'esprit s'est renforcé, alors même que trois facteurs plaident pour une action commune : les contraintes budgétaires, l'aggravation des menaces dans notre environnement proche, avec la multiplication des crises en Afrique, et les évolutions de la stratégie de défense américaine, qui, sans aller jusqu'à parler de désengagement...