Les blocages étaient moins forts avec Javier Solana, qui avait ses réseaux, mais aussi parce qu'on recherchait moins ce que l'on appelle à Bruxelles l'inclusivité, avec cette idée qu'il faut s'efforcer à tout prix de tout faire à vingt-huit. Je rejoins les conclusions de votre excellent rapport, à l'intitulé provocateur, Pour en finir avec l'Europe de la défense - Vers une défense européenne : flexibilité, souplesse sont les maîtres mots pour guider notre action. Comme on l'a fait pour la politique monétaire et d'autres politiques, nous devons pouvoir engager des coopérations renforcées et, pour rassurer ceux qui craindraient d'être laissés au bord du chemin, envisager des coalitions à géométrie variable, selon le thème et le lieu. Certains pays, sur l'Afrique, pourraient choisir l'opt out. Sur la cybersécurité, ce ne sont pas toujours les grands pays qui font le plus. Les Estoniens, à ce titre, pourraient avoir toute leur place sur ces questions.
Sans une telle flexibilité, nous ne progresserons pas, au risque de la démotivation. J'attire l'attention sur le fait que le moral de ceux qui travaillent dans les cellules de conduite d'opération est bien bas ; les occasions manquées pèsent, et l'on peine à recruter les bons éléments. J'ai vu des commandants d'opérations partis pleins d'enthousiasme revenir déçu par un fonctionnement bureaucratique et l'attitude de certains États membres qui ne jouent pas le jeu et ne valorisent guère, dans les parcours professionnels, de telles affectations.
La France est réticente à engager ses gendarmes dans les missions civiles, au motif que l'on a besoin d'eux en France. Soit, mais il ne s'agit pas d'envoyer des effectifs en masse. En Géorgie, une demi-douzaine de bons professionnels peut faire la différence. Or, sur un effectif de 250 personnes, il n'y a pas un seul Français.
Sur le plan industriel, deux visions coexistent, qu'il n'est pas simple de concilier. La vision allemande, qui voit dans l'industrie de défense une industrie comme les autres, et jugeant que c'est au marché de réguler, milite pour un interventionnisme a minima, et la vision française, plus volontaire, mais parfois trop prompte à entrer dans le détail du mécano industriel.
Les industriels disent qu'ils sauront s'organiser, mais encore faut-il que les programmes soient lancés. De fait, sur les drones, Airbus, Finmecanica et Dassault ont fini par formuler une proposition commune.