Nous n'avons pas la même vision sur l'opération en R.C.A. Si je partage vos craintes, j'estime qu'une grande démocratie comme la France ne pouvait pas rester sourde à l'appel au secours qui lui a été lancé. Certes, l'opération au Mali était plus facile à faire avaliser, mais qu'aurait-on dit si la France n'était pas intervenue en R.C.A. alors que l'on déplorait mille morts dans les 48 heures précédentes ? Cependant, ce n'est pas aux militaires français de jouer le rôle de force d'interposition. Il faut obtenir de l'ONU une substitution rapide, dès septembre 2014. Et c'est une gageure. La pénétrante ouest-est en Centrafrique n'est pas complètement sécurisée. Or, on ne peut pas se permettre de déficience dans le ravitaillement. C'est pourquoi nous souhaitons que le contingent européen soit mobilisé, étant entendu qu'il faudra être vigilant à la manière dont il sera utilisé sur le terrain, pour ne pas casser la mécanique positive qui est en marche sur ces questions.
Pour l'Europe de la défense, nous avons, en matière industrielle, des modèles de partage et de mutualisation des capacités - pour le transport aérien tactique, par exemple. Aussi quand on voit que sept programmes de frégates, que dix-sept programmes de blindés existent dans les pays européens, on se dit qu'on marche sur la tête. Pour l'Agence européenne de défense, une mutualisation sur ces seuls aspects représenterait, sur dix ans, 1,8 milliard d'économies sur le spatial militaire, 5,5 milliards sur les véhicules blindés, 2,3 milliards sur les frégates. Il y a matière à agir. Si l'on en reste au « chacun pour soi », on n'avancera pas.
Le modèle gaulliste de la prise de décision a ses vertus, il assure une vraie réactivité, avec un contrôle du Parlement ex post. Mais il n'admet, du même coup, aucun partage de souveraineté. Or, sans partage de la décision au niveau européen, il n'y aura pas d'Europe de la défense, laquelle préfigure, à mon sens, ce que pourrait être une Europe politique.