Intervention de Arnaud Danjean

Commission des affaires européennes — Réunion du 19 février 2014 à 9h30
Politique étrangère et de défense — Audition de M. Arnaud daNjean président de la sous-commission « sécurité et défense » du parlement européen

Arnaud Danjean :

Loin de moi l'idée qu'il faudrait promettre l'adhésion, mais j'estime que l'on s'intéresse un peu tard à ces pays. Les représentants de l'est, et beaucoup de nos collègues d'Europe centrale sont allés beaucoup trop loin, jusqu'à pousser vers l'adhésion. C'est irresponsable.

Ce qui se passe en Ukraine, c'est moins une lutte entre les pro et les anti européens que le rejet d'un régime corrompu, ploutocratique. D'anciens dirigeants de l'Ukraine, comme les présidents Kouchma ou Kravtchouk, que l'on ne peut soupçonner de sympathies pro-européennes, appellent au retour à la Constitution de 2004. Là est le vrai problème, ne nous y trompons pas : l'Ukraine régresse tant économiquement qu'au plan géopolitique, parce qu'elle se sent contrainte dans sa relation avec la Russie. L'Europe doit pouvoir l'aider. Lors de la conférence de Munich, j'ai assisté aux discussions. Le régime est obtus et sourd. Le président Ianoukovitch joue le pourrissement. Il existe pourtant une voie de sortie, la révision constitutionnelle. Les leaders de l'opposition, Iatseniouk et Klitschko, sont des personnalités pondérées, c'est d'ailleurs ce que la rue leur reproche. Si Ianoukovitch joue la seule carte de la répression, cela se passera mal.

La question n'est pas non plus de la fracture entre russophones et non-russophones. Il y a des manifestations anti régime, y compris à l'est.

Que peut faire l'Europe ? Elle doit sortir du piège qui consiste à proposer l'association. Là n'est pas le sujet de fond. L'Ukraine a besoin d'une réforme, et d'être accompagnée, si cela peut aider. Si je suis sévère à l'égard de M. Füle, le commissaire à l'élargissement, c'est qu'il gère beaucoup trop bureaucratiquement ce qui est un vrai sujet de politique étrangère. Au reste, je ne suis pas sûr que l'élargissement et les politiques de voisinage, dossiers éminemment politiques, doivent être confiés à un commissariat, au risque de le voir se focaliser sur les seuls aspects mécaniques.

Croire que l'on peut traiter en tête à tête avec l'Ukraine, en proposant des médiations européennes, c'est faire bon marché du voisin russe, qui pèse de tout son poids financier et sécuritaire. Le SBU, service de sécurité ukrainien, est une annexe du KGB, qui tire les ficelles d'une grande partie de la classe dirigeante ukrainienne.

Il faut savoir alterner la carotte et le bâton. Nous avons été trop mous vis à vis du régime. L'Union européenne, ce n'est pas seulement Bruxelles, c'est nous tous. Les diplomaties britannique, allemande, et française doivent travailler de concert. Or, pour un nombre croissant de pays de notre étranger proche, la capitale qui compte, c'est Berlin.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion