Nos auditions nous ont appris que la BEI, par nature très prudente puisqu'elle soutient des projets de long terme, s'est montrée prête à prendre davantage de risques pour la mise en oeuvre du plan d'investissement - elle en est du reste à l'origine. Omnes Capital, une société de capital-risque qui participe au fonds Capenergie 3 visant des investissements dans les énergies renouvelables, a obtenu une participation de 50 millions d'euros de la BEI ; sans la garantie du FEIS, estiment ses dirigeants, cette participation n'aurait pas dépassé 15 à 20 millions d'euros.
Tout en reconnaissant les progrès et le travail accompli en quelques mois, il convient de rester prudent. D'abord, les projets doivent encore obtenir le label FEIS et le comité de sélection n'est pas encore en place. La BEI, qui a instruit les dossiers, estime qu'ils relèvent de la garantie du plan Juncker, mais la décision n'est pas encore prise. Ensuite, il reste l'inconnue de l'engagement des investisseurs privés sur lequel repose le fameux effet de levier. C'est la part de risque du plan...
Le troisième volet du plan, qui vise à créer un environnement réglementaire favorable aux investissements, est certainement la partie la plus longue à concrétiser et reste assez prospectif. C'est pourquoi, à ce stade, il est encore trop tôt pour se prononcer ; je vous renvoie néanmoins aux travaux de Richard Yung et moi-même sur l'union des marchés de capitaux et à la résolution européenne que nous avons adoptée sur le sujet. Aux États-Unis, les investissements des entreprises sont financés à 70 % sur les marchés de capitaux ; dans l'Union européenne, à 40 %. Il importe par conséquent de renforcer la mobilisation de capitaux, en particulier pour les PME - je rappelle qu'au niveau européen, sont considérées comme telles les entreprises de moins de trois mille salariés.
Concernant les collectivités territoriales, une incompréhension mérite d'être surmontée. Il est vrai - le Comité des régions et notre commission l'ont souligné - qu'elles ne sont pas assez associées à la mise en place du plan d'investissement, mais il n'est pas trop tard pour bien faire : nous demandons que les collectivités territoriales soient consultées sur les lignes directrices d'investissement qui vont venir préciser les critères d'éligibilité des projets.
Nous avons aussi constaté que la communication très optimiste de la Commission européenne sur le plan Juncker avait pu laisser croire aux collectivités territoriales que ce plan leur était destiné. Il leur apparaissait comme un plan de subventions analogue à ceux que la politique régionale a pu proposer. Or tel n'est pas le cas.
Le plan a vocation à financer des projets susceptibles de reconstruire un tissu industriel en Europe. Par conséquent, il ne concerne pas uniquement les collectivités territoriales, mais l'ensemble des acteurs publics et privés susceptibles d'initier et de porter des projets dans les sept secteurs visés. Nos collectivités peuvent porter ces projets au même titre que des entreprises, des fonds de capital-risque ou des banques. À Bruxelles, il nous a été précisé que les collectivités devraient porter les projets par l'intermédiaire d'acteurs extérieurs - par la voie d'une concession ou autre délégation de service public. Le plan d'investissement ne propose pas de subventions, mais une garantie sur des financements de projets qui ne trouvent pas de soutien sur les marchés financiers alors qu'ils seraient rentables sur le long terme. Ce n'est plus la qualité du demandeur qui prime, mais celle du projet.
En raison de l'écart entre les effets d'annonce et la réalité du plan, l'enthousiasme initial des collectivités a laissé la place à la déception, à la désaffection et enfin au désintérêt. C'est très regrettable, car nous pensons que leur inclusion est une garantie de sa réussite. Comment relancer l'investissement dans notre pays sans les collectivités, qui représentent près de 60 % de l'investissement public ?
Pourtant le plan d'investissement pour l'Europe propose de réelles opportunités pour les collectivités territoriales. D'abord, l'interlocuteur privilégié d'investissements de long terme en Europe reste la BEI. Il faut lui présenter des projets, afin qu'elle les propose à la garantie du FEIS. Ensuite, le plan d'investissement donne la possibilité aux régions d'investir des fonds structurels dans les projets éligibles, tel celui de « Troisième révolution industrielle » dans le Nord-Pas-de-Calais.
L'information, le conseil et l'assistance technique seront cruciaux pour la réussite du plan. La plateforme européenne de conseil en investissement devra être au service des collectivités territoriales, pour faciliter le portage de projets.
Un récent accord passé entre la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et la BEI revêt une importance particulière pour les plus petites de nos collectivités : il crée un fonds d'investissement de 2 milliards d'euros pour financer des projets d'un montant inférieur à 25 millions d'euros, alors que seuls les projets d'un montant supérieur à ce seuil étaient jusqu'à présent éligibles à une aide de la BEI. Il est trop tôt pour dire si l'accord, signé le 29 octobre, relève du plan d'investissement ; à tout le moins, il contribue pleinement à l'objectif d'associer l'ensemble des acteurs du territoire européen.
En matière d'investissement, l'interlocuteur privilégié des collectivités territoriales en France n'est donc pas la Banque publique d'investissement mais plutôt la Caisse des dépôts et consignations - qui n'a pas beaucoup avancé sur le sujet.