Intervention de Simon Sutour

Commission des affaires européennes — Réunion du 28 avril 2011 : 1ère réunion
La situation à chypre communication de m. denis badré

Photo de Simon SutourSimon Sutour :

Je suis heureux que ce sujet soit inscrit à l'ordre du jour de notre commission. L'histoire de Chypre est, malheureusement, celle de l'application de la morale du Loup et de l'Agneau de Jean de la Fontaine : « La raison du plus fort est toujours la meilleure ». Que représentent 800 000 Chypriotes face à la puissance turque ? Pourtant, comment accepter un tel déni des droits de l'Homme au sein même de l'Union européenne ?

J'ai pu, à l'occasion de deux déplacements récents sur l'île, l'un en novembre 2009 avec Pierre Lellouche, alors secrétaire d'État aux affaires européennes, et l'autre il y a quelques semaines avec nos collègues Jean-Patrick Courtois et Marc Massion, mesurer l'absence d'avancée tangible dans le processus de négociation.

L'île de Chypre a d'abord été grecque avant d'être occupée par les Ottomans. Une partie des Chypriotes turcs sont, à cet égard, issus des conversions à la religion musulmane observée à l'occasion de cette occupation. La colonisation de la partie nord de l'île entreprise depuis 1974 répond à une toute autre logique. 50 000 Chypriotes turcs, sur 110 000 présents en 1974, ont quitté l'île depuis la division du pays. Face au manque de perspectives économiques en zone Nord, ils ont préféré migrer vers le Canada, les États-Unis ou la Grande-Bretagne.

Les colons qui se sont installés, venus d'Anatolie, n'ont pas le même mode de vie que les Chypriotes turcs, au plan religieux notamment. A un islam ouvert aux autres composantes religieuses de l'île - des orthodoxes aux maronites - a succédé une pratique plus rigoureuse. C'est dans ce contexte que doivent être envisagées les exactions commises contre les églises dans la partie nord de l'île, transformées en étables pour certaines ou dépecées de leurs mosaïques pour d'autres. Les violences perpétrées par les forces turques dans l'église Saint Sinesios à Rizokarpaso, à l'occasion des dernières fêtes de Noël, s'inscrivent également dans ce cadre.

La contestation des Chypriotes turcs à l'égard d'Ankara ces dernières semaines constitue, à cet égard, une manifestation d'humeur à l'égard des colons, désormais majoritaires. La situation économique difficile de la partie nord de l'île, qui bénéficie pourtant des meilleures terres, contribue à ce mouvement. Le contraste avec le sud, véritable Suisse du Moyen-Orient, est d'autant plus ressenti que les Chypriotes turcs peuvent circuler dans cette partie de l'île, certains demandant même le passeport chypriote.

Je ne suis pas très optimiste sur les négociations en cours. Dans le Nord de l'île, on observe une tentative réelle d'effacer les traces de la culture grecque. Famagouste et sa déclinaison moderne Varoshia demeurent des villes fantômes. M. Derviþ Eroðlu, candidat des colons turcs, plus réservé sur le dialogue entre les deux parties, a succédé à Mehmet Talat, qui avait véritablement oeuvré en faveur d'une relance des discussions après l'échec du plan Annan. Le gouvernement Erdogan ne fait pas non plus montre d`empressement à régler cette question.

La position de la Turquie à Chypre vient s'ajouter aux problèmes rencontrés par la minorité kurde sur son territoire et les difficultés autour de la reconnaissance du génocide arménien. Il est nécessaire de prendre tous ses éléments en compte dans le cadre de la candidature turque à l'Union européenne.

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