Intervention de Jean Pisani-Ferry

Commission des affaires européennes — Réunion du 14 janvier 2015 à 16h00
Économie finances et fiscalité — Audition de Mm. Jean Pisani-ferry commissaire général à la stratégie et à la prospective et henrik enderlein fondateur de l'institut jacques delors à berlin sur leur rapport « réformes investissement et croissance : un agenda pour la france l'allemagne et l'europe »

Jean Pisani-Ferry, commissaire général à la stratégie et à la prospective :

La démarche des deux ministres n'est pas tout à fait usuelle, puisqu'ils nous ont confié à titre individuel le soin de rédiger un rapport sur les réformes, les investissements et la croissance dans nos deux pays. Sans doute voulaient-ils que nos conclusions ne soient pas l'objet d'un compromis entre leurs administrations.

La semaine dernière, quand nous avons présenté notre travail à Bruxelles, j'ai été frappé par la demande de franco-allemand : on nous a dit qu'on souffrait d'une absence de leadership franco-allemand. Ce rapport nous donne l'occasion de dresser un diagnostic et de présenter des idées nouvelles. Les deux ministres sont conscients de la gravité de la situation et du fait que nous sommes souvent enfermés dans des postures ou des dialogues de sourds.

Parce que l'Europe souffre à la fois de la faiblesse de la demande et de l'offre et de fragmentations internes, il nous faut agir sur ces trois fronts. On entend souvent dire que l'Allemagne doit investir et la France se réformer. Cette approche n'est pas satisfaisante, car l'Allemagne a, elle aussi, besoin de se réformer, et parce que l'on n'échange pas des réformes dans un pays contre des investissements dans un autre. Il faut répondre aux défis par des initiatives communes et bénéficier ainsi d'un réel effet d'entraînement.

Nous n'avons pas établi une liste de choses à faire, dans laquelle on pourrait faire des choix : les réformes doivent être complémentaires les unes des autres afin de franchir des seuils, de traiter des problèmes les plus urgents et de créer une dynamique. En outre, il faut distinguer les réformes à effet immédiat de celles qui modifient les comportements ou encore de celles qui améliorent les négociations sociales.

La faiblesse de l'investissement est liée à la faible dynamique économique de l'Europe. Or, l'investissement d'aujourd'hui représente, selon l'expression de Mario Draghi, l'offre de demain : l'on peut parvenir à un consensus entre les partisans de l'offre et ceux de la demande tout en réconciliant court et moyen termes.

La relance de l'investissement dépend en grande partie de la puissance publique : celle-ci investit en effet beaucoup, même si la baisse a atteint 50 à 75 % dans les pays les plus affectés par la crise. Si l'investissement public allemand a diminué, le niveau du nôtre reste satisfaisant, quoique l'on puisse parfois s'interroger sur la pertinence de son allocation.

En deuxième lieu, le cadre réglementaire détermine les décisions des entreprises, partant leurs investissements, surtout dans les secteurs de l'énergie, des transports et de l'environnement. Les entreprises ont besoin d'une visibilité à long terme. Or, tel n'est pas le cas en Europe : ainsi le prix, très bas, du carbone, constitue presque une désincitation à investir dans des technologies propres.

En troisième lieu, le système financier européen repose largement sur le système bancaire, où se concentre le risque. Or, les règlementations comme « Bâle » ou les mécanismes de résolution des crises bancaires ont pour objet de réduire les risques qu'elles prennent, de sorte que l'appétence pour le risque diminue.

Dans notre rapport, nous mettons l'accent sur la transition vers un nouveau modèle de croissance : la flexisécurité. La compétitivité est notre deuxième priorité : la fiscalité ne peut être le seul levier dans ce domaine. Contrairement à ce qui a été dit, nous n'avons jamais prôné le gel des salaires. En revanche, il faut passer à une obligation triennale de négocier et indexer le smic sur la productivité. Enfin, l'efficacité des dépenses publiques est notre troisième priorité : la France pourrait mieux faire.

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