Les conventions collectives sont en Allemagne un outil de flexibilité, grâce auquel patronat et syndicats élaborent des solutions communes à des défis communs. Le contrat de travail individuel doit cesser d'y faire obstacle, cet aspect de la législation française appelle une évolution. La vraie question n'est pas de savoir si des CDI valent mieux que des CDD, mais à quelles conditions un contrat peut être cassé et quels engagements incombent à l'entreprise qui embauche un salarié. Nous proposons un modèle de flexisécurité, que des débats législatifs ultérieurs auront à préciser.
Si l'approche allemande de la question énergétique est très différente de celle de la France, nous partageons déjà un marché de l'électricité. Nous manquons en revanche d'un marché commun de capacités : l'Allemagne dispose en été d'un excédent d'énergie renouvelable, mais souffre à d'autres époques d'un approvisionnement insuffisant ; l'énergie nucléaire pourvoit à l'essentiel des besoins français, mais le besoin de capacités supplémentaires se fait sentir aux heures de pointe. Conserver des centrales à gaz qui ne tournent qu'une partie de l'année est pour nous très coûteux. Douze PDG franco-allemands se sont réunis pour proposer la création d'un marché de capacités énergétiques commun, c'est un commencement encourageant.
Quant à la question de l'investissement public évoquée par MM. Bocquet et Allizard, il convient de distinguer parmi les dépenses publiques les véritables investissements. Si l'Allemagne décide d'affecter des crédits à la création de crèches, ce sera d'abord un facteur coût, mais s'il encourage les femmes à revenir sur le marché du travail, ce sera un bon investissement.
La règle d'investissement que nous préconisons pour l'Allemagne ne concerne pas les collectivités locales, mais vise à faire comprendre la nécessité d'un investissement dans le capital de stock, constitué par exemple par les routes et les piscines. Nos infrastructures doivent être rénovées avant d'être transmises aux générations futures. Les investissements nets de l'État allemand ont plusieurs fois été négatifs au cours des dernières années, d'où une dépréciation inévitable du capital. Aucune entreprise ne se conduirait de cette manière irresponsable. La règle que nous proposons d'un investissement brut de 8 % ou 9 % peut être acceptée, même si le ministère des finances est réticent à se voir imposer de nouvelles contraintes...
J'ai expliqué pourquoi le plan Juncker ne me semblait pas être l'outil le plus approprié pour sauver l'Europe. Il faut aller plus loin, en ouvrant de nouveaux crédits et en favorisant l'investissement par une meilleure réglementation. C'est, de fait, l'objet d'un volet du plan Juncker qui a été passé sous silence. L'Allemagne aurait besoin de 30 milliards d'euros d'investissements privés annuels dans le secteur de l'énergie, mais l'on souffre de l'incertitude sur l'évolution de la politique énergétique du pays. Le même problème se pose en Europe dans plusieurs autres secteurs. L'épargne est là, le tout est de la débloquer au profit d'investissements productifs. Un accord franco-allemand sur ce point serait un excellent point de départ. J'espère que Mme Merkel et M. Hollande en parleront.