Pour mieux appréhender le contexte général du problème des mineurs isolés étrangers, j'ai procédé à quelques auditions : ministère de la justice ; ministère de l'intérieur ; secrétariat général aux affaires européennes ; commission nationale consultative des droits de l'homme ; association France terre d'asile ; Croix-Rouge française.
Quelques mots, tout d'abord, sur la situation générale des mineurs isolés étrangers en France.
Ce problème attire plus particulièrement l'attention depuis une dizaine d'années car il a effectivement pris une certaine ampleur au cours des années 2000. Plusieurs études se sont ainsi penchées sur la question :
- en 2003, un groupe de travail préfectoral a préconisé l'organisation à l'échelle de l'Île-de-France d'« une plate-forme régionale d'accueil, d'évaluation et d'orientation » pilotée par l'État ;
- en 2005, une mission de l'inspection générale des affaires sociales a proposé la constitution de « plates-formes ou réseaux coordonnés des compétences incombant à l'État et permettant d'établir un bilan complet de la situation du mineur » ;
- en 2010, le rapport de notre collègue sénatrice Isabelle Debré a repris l'idée de « plates-formes opérationnelles territoriales » pour coordonner les actions de mise à l'abri, d'évaluation et d'orientation.
Plus récemment, au mois de juillet 2014, un rapport conjoint de l'inspection générale des services judiciaires, de l'inspection générale des affaires sociales et de l'inspection générale de l'administration a évalué le dispositif relatif aux mineurs isolés étrangers mis en place en mai 2013.
4042 jeunes ont été reconnus « mineurs isolés étrangers » en vue d'une admission à l'Aide sociale à l'enfance entre le 1er juin 2013 et le 31 mai 2014. En dehors de cette statistique, les données concernant les mineurs étrangers non accompagnés restent estimatives et approximatives.
En avril 2013, la direction de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) estimait à 9 000 le nombre de mineurs isolés étrangers présents sur le territoire métropolitain.
Les données les plus sûres ne comptabilisent que l'activité des services départementaux de l'Aide sociale à l'enfance chargés de protéger ces mineurs. On rappellera que la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance a réparti les compétences entre l'État et les départements en prévoyant que la responsabilité de l'Aide sociale à l'enfance incombe aux conseils généraux.
Sont donc exclus du chiffrage les mineurs qui ne se présentent pas à l'Aide sociale à l'enfance et ne sollicitent donc aucune protection ainsi que ceux qui après un refus de reconnaissance de leur minorité, saisissent le juge des enfants avec l'aide des associations en vue de se voir reconnaître cette qualité.
Rappelons qu'en 2012, par exemple, 113 772 enfants étaient placés au titre de l'enfance en danger soit auprès de l'Aide sociale à l'enfance soit auprès du secteur associatif tandis que 110 060 mineurs étaient suivis dans le cadre d'une mesure d'assistance éducative en milieu ouvert.
Les mineurs isolés étrangers proviendraient principalement d'Afrique subsaharienne (61 %) : République démocratique du Congo, Mali, Guinée, Nigéria, Côte d'Ivoire, Angola. Ils ont en moyenne 16 ans et deux mois et sont en majorité des garçons (87 %)
L'évaluation et l'orientation visant à s'assurer de la minorité et de l'isolement de ces jeunes relèvent de la responsabilité des départements sous le contrôle éventuel du procureur de la République. D'après la Chancellerie, environ 45 % des déclarants sont reconnus comme mineurs.
D'après les informations recueillies lors de mes auditions, les taux de reconnaissance, en particulier s'agissant de la qualité de mineur, peuvent varier fortement d'un département à l'autre. C'est un des problèmes.
Pour mettre en oeuvre un protocole signé par l'État et l'Assemblée des départements de France, la Chancellerie a pris, le 31 mai 2013, une circulaire organisant un « dispositif national de mise à l'abri » comportant un système de répartition géographique des mineurs isolés étrangers dans les différents départements. L'orientation des mineurs s'effectue, désormais, d'après une clé de répartition correspondant à la part de population de moins de 19 ans dans chaque département.
Ces mesures sont destinées à réduire la concentration des mineurs isolés étrangers dans certaines parties du territoire. Jusque-là en effet presque la moitié de ces mineurs était concentrée en Île-de-France et dans la région lyonnaise.
On signalera que douze départements ont déposé un recours en annulation pour excès de pouvoir contre la circulaire.
Notons qu'avant le protocole et la circulaire, les départements assuraient seuls la charge administrative et financière des mineurs isolés étrangers tout au long du processus. Désormais, l'État finance la première phase de « mise à l'abri et d'évaluation », d'une durée de cinq jours, sur la base d'un forfait journalier de 250 €. À l'issue de ces cinq jours, les départements financent les prises en charge au titre de l'Aide sociale à l'enfance.
À la suite des critiques sur la fiabilité du « test osseux » pour la reconnaissance de la minorité (la marge d'erreur de ce test serait de plus ou moins 16 mois par rapport à l'âge « détecté »), la circulaire précitée a énoncé que le recours à cet examen médical serait désormais limité aux cas dans lesquels un doute persiste à la suite de l'entretien avec le jeune.