En effet. La première réalité dont il faut tenir compte est la conjoncture européenne. On ne peut rationner le crédit : ce serait une erreur macroéconomique fondamentale.
Il faut également tenir compte de la réalité des structures des marchés. C'est la première fois, notamment en matière de liquidité, qu'on essaie d'établir des standards internationaux uniques pour tous les établissements bancaires à travers le monde. C'est un exercice extrêmement compliqué.
Il faut que, dans la réglementation bâloise, l'Europe tienne compte des différences factuelles qui existent dans la structure de ces marchés et du fait que l'économie de l'Europe continentale est d'abord financée par ses banques et non par le marché. L'Europe continentale, ce n'est pas les Etats-Unis ! Sa structure de marché ne deviendra pas celle des Etats-Unis en l'espace de deux ans ! Les marchés se développeront peut-être mais pas au rythme ni à l'échelle des Etats-Unis.
Tenons compte de la réalité de la structure des marchés nationaux : le marché français présente une spécificité. L'épargne des Français est moins présente dans les bilans des banques que dans d'autres pays européens. Nous avons beaucoup développé la gestion d'actifs et surtout l'assurance-vie, produit apprécié de nos clients, à juste titre compte tenu de son régime fiscal.
La troisième réalité dont il faut tenir compte réside dans le fait que le calendrier des marchés n'est pas celui des régulateurs. Que l'on soit d'accord ou non, seul compte le calendrier des marchés, la crise ayant fait que les règles prévues pour 2019 s'appliqueront dès 2012. Il est donc essentiel de réaliser un bon calibrage et que l'exécution soit très fine.
On nous demande par ailleurs de constituer des coussins de liquidité. Ils sont aujourd'hui principalement formés par la dette souveraine et par le numéraire. Il ne faut pas en exclure ces actifs, en dépit de la crise souveraine mais élargir la liste des actifs liquides admis dans les coussins de liquidité que les banques peuvent se constituer, en tenant compte de la réalité financière, empiriquement constatée depuis quelques années.
Il faut faire en sorte que les règles appliquées aux ressources des entreprises ne soient pas aussi sévères qu'aujourd'hui dans les projets de réglementation. On fait comme si les entreprises, en cas de crise, retiraient 75 % de leurs ressources : ce n'est pas ce que nous avons observé. Ce n'est pas le comportement de nos clients.
La troisième proposition est de ne pas supprimer le rôle de transformation des banques. Dans les règles de liquidité, la transformation des banques constitue un rôle macroéconomique principal : on transforme de l'épargne à vue en crédit en employant un moyen-long terme. Si on restreint trop la fonction de transformation, on supprime le rôle macroéconomique des banques. Nous ne servirons plus à rien, nous serons extrêmement capitalisés, le système sera extrêmement sûr mais étouffé !
Enfin, plutôt que de fixer une date lointaine pour des règles très sévères, il vaut mieux fixer des dates plus proches pour des règles moins sévères, quitte à les revoir une fois appliquées. Peut-être maîtrisera-t-on alors mieux la réaction des marchés !
En Europe, de grâce, adoptons une harmonisation maximale ! Pas de surenchères entre régulateurs, non qu'elles ne puissent être légitimes ici ou là mais ce sont le calendrier et la façon de réagir des marchés qui comptent. Les marchés financiers s'alignent en ce moment systématiquement sur le mieux-disant. L'harmonisation maximale évite la surenchère réglementaire. Ce qui donne le ton, c'est la réglementation la mieux-disante. Les marchés communiquent, uniformisent et on se retrouve avec la réglementation suisse alors que nous sommes bien plus grand et n'avons pas les mêmes caractéristiques ni les mêmes besoins économiques !