Intervention de Dominique Plihon

Commission des affaires européennes — Réunion du 15 février 2012 : 1ère réunion
Economie finances et fiscalité — Table ronde sur la régulation bancaire et le financement de l'économie

Dominique Plihon, professeur d'économie financière à l'université de Paris-Nord (Paris XIII) :

Absolument !

Deux pays me semblent avoir avancé davantage que l'Europe continentale, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. Il me semble que pour les réformes financières et notamment bancaires, les Etats-Unis, avec la loi Dodd-Frank, votée en juillet 2010 et la Grande-Bretagne avec le rapport de la commission Vickers, qui ne sera vraisemblablement appliqué qu'en 2019, vont beaucoup plus loin que nous dans la révision du « business model » des banques. Cela devrait nous faire réfléchir.

Il me semble qu'il existe en Europe trois domaines où nous sommes en retrait.

Le premier concerne la question de l'utilisation de leurs fonds propres par les banques. M. Pérol nous a expliqué que sa propre banque n'a plus d'activités pour compte propre. Il agit toutefois sur une base volontaire. Qui dit que, demain, il ne remettra pas cela en cause, aucune régulation ne l'obligeant à le faire ? Je lui fais confiance mais supposons qu'il change et qu'on mette à sa place quelqu'un qui n'ait pas ses idées : il n'existe aucune garantie. On devrait donc discuter des règles Volcker. Il paraît qu'on le fait mais, pour le moment, on ne voit rien sortir !

Le second élément repose sur la question de la séparation des activités de banque de détail et d'investissement. Je ne vois rien venir là non plus - même s'il paraît que c'est en discussion - dans le domaine des régulations bancaires. Il y a là un vrai besoin. Il ne s'agit pas de revenir au « Glass-Steagall Act », qui avait coupé les banques de détail des banques d'investissement mais il faut réfléchir à des modalités de séparation, voire de sanctuarisation, comme le fait le rapport Vickers.

Le discours que tiennent à la fois les banquiers français et les autorités de notre pays veut que nos banques soient très différentes. Notre modèle de banque universelle est très solide et très différent des banques anglo-saxonnes. La crise et les difficultés qu'ont rencontrées certaines banques européennes continentales ne remettent-elles pas en cause certaines de ces visions optimistes ? Le chantier est ouvert mais peu de choses avancent !

Le troisième et dernier sujet est celui de la taille des banques : « too big to fail ». Cette question est en débat mais deux idées sont rarement abordées par les régulateurs ou par les économistes : croyez-vous que la concurrence ne soit pas affectée par ces systèmes totalement oligopolistiques, avec des acteurs dont le pouvoir de marché est considérable ? Je m'étonne que la Commission ne s'en soit pas saisie...

La seconde idée concerne la démocratie. Les groupes qui pèsent très lourd sur le plan financier pèsent aussi très lourd sur le plan politique et influencent les décideurs politiques. C'est une des explications que je donne à la faiblesse des réformes. Les pouvoirs de lobbying et de pression des grands groupes sont tels que les réformes sont très difficiles à mettre en oeuvre.

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