Intervention de Jean Bizet

Commission des affaires européennes — Réunion du 2 février 2017 à 8h35
Institutions européennes — Programme de travail 2017 de la commission européenne - rapport d'information proposition de résolution européenne et avis politique de mm. jean bizet et simon sutour

Photo de Jean BizetJean Bizet, président :

La Commission européenne a présenté, le 25 octobre dernier, son programme de travail pour 2017. La Commission entend se concentrer sur les grands enjeux, rappelant ce qu'elle considère comme des réussites en 2016 - même si certains dossiers étaient déjà dans les tuyaux : le Fonds européen pour les investissements stratégiques, la mise en place d'un corps de garde-frontières et de garde-côtes et l'accueil et la protection d'un million de Syriens sur le territoire européen.

La plupart des initiatives présentées dans le programme de travail pour 2017 doivent servir de fondement à une réflexion sur le « renouvellement » de l'Union européenne, alors que l'année 2017 sera marquée par le soixantième anniversaire du traité de Rome. Le programme s'inscrit dans la continuité des documents présentés depuis l'entrée en fonction de la Commission Juncker. Celle-ci veut proposer moins d'initiatives législatives, son intervention devant constituer une plus-value pour l'économie de l'Union européenne. Les propos de Mario Monti allaient hier dans le même sens...

Aux 21 initiatives, s'ajoutent 17 révisions de dispositifs existants dans le cadre du programme de la Commission européenne pour une réglementation affûtée et performante (REFIT). Celui-ci vise à rendre la législation de l'Union européenne plus simple et à réduire les coûts induits par la réglementation.

La mise en avant de nouvelles propositions n'élude pas la question de l'adoption des textes annoncés dans les programmes de travail 2015 et 2016. Selon la Commission européenne, 35 propositions sont toujours en cours d'adoption. Le programme de travail précise également que 18 propositions de textes, élaborées pour certaines d'entre elles en 2008 et 2009, devraient être retirées d'ici au mois d'avril 2017. La plupart de ces textes sont jugés obsolètes, compte tenu de l'absence d'accord entre les institutions sur le dispositif ou du remplacement du projet par une nouvelle initiative.

Nos premières réflexions portent sur les questions de compétitivité et l'emploi. Quatre ans après le lancement d'un premier dispositif, la Commission propose une nouvelle initiative pour la jeunesse, qui comprend deux volets : la création d'un corps européen de solidarité, destiné aux jeunes âgés de 18 à 30 ans, et la mise en avant des aspects « jeunesse » de la stratégie pour les compétences de l'Union européenne. Le format de l'Initiative pour l'emploi des jeunes, mise en place en juin 2013, devrait également être révisé. Notre commission a, depuis la mise en place de la première initiative en 2013, indiqué son soutien à toute proposition favorisant la mise en place d'un Erasmus de l'apprentissage, proposition séduisante et beaucoup plus concrète que le reste. Allons plus avant dans cette approche, quitte à avoir des coopérations bilatérales renforcées avec l'Allemagne ou l'Autriche, qui détiennent une véritable expertise. Des coopérations entre l'Allemagne et l'Espagne ou entre l'Allemagne et le Portugal ont eu d'énormes effets induits. Notre commission devrait étudier davantage cette question.

Il pourrait être opportun de lancer une vaste réflexion sur la convergence des modèles éducatifs en Europe via l'Alliance européenne pour l'apprentissage qui existe déjà. Cela pourrait être réalisé sur le modèle du processus de Bologne dans le domaine universitaire. Toute réévaluation du dispositif pour augmenter les moyens de l'Initiative pour l'emploi des jeunes doit s'accompagner d'une simplification des procédures, afin de le rendre plus opérant. Ne pourrait-on proposer aux nouvelles régions un appel à projet pour celles qui voudraient expérimenter ces coopérations ?

L'amélioration de la compétitivité européenne passe également par un approfondissement du marché intérieur. La Commission devrait présenter au deuxième trimestre 2017 des mesures donnant aux autorités nationales de la concurrence les moyens de mieux faire respecter les règles, quel que soit le secteur. Il conviendra d'être extrêmement vigilant sur cette initiative. L'an passé, nous avons adopté une proposition de résolution européenne pour que les autorités nationales de la concurrence prennent en compte les réalités économiques objectives et, en conséquence, définir le marché pertinent à l'échelle européenne. Elles pourraient prendre leur part dans la réindustrialisation de l'Europe en appliquant le droit européen de la concurrence afin que les entreprises puissent conquérir de nouveaux marchés à l'échelle tant européenne que mondiale. Selon la Commission européenne, la politique de la concurrence doit soutenir la croissance et la création d'emplois. Cette intention doit se traduire concrètement. Le Sénat a toujours affirmé que l'Europe doit protéger activement et non passivement, en essayant d'acquérir d'autres marchés plutôt que de bâtir une ligne Maginot, d'où la notion de marché pertinent... Un marché régional n'a pas de sens.

Plusieurs dispositifs sont annoncés afin de faire émerger un véritable marché unique du numérique. La Commission devrait ainsi présenter une initiative en matière de droit des sociétés visant à faciliter l'utilisation des technologies numériques tout au long du cycle de vie d'une entreprise. Elle souhaite aussi présenter des propositions en vue d'un portail numérique unique présentant le marché intérieur. Nous insistons dans la proposition de résolution européenne sur le fait que le développement du marché unique du numérique passe nécessairement par une réflexion sur l'économie numérique, les nouvelles technologies étant au coeur du développement de l'« uberisation », qui fait partie du paysage du XXIe siècle, même si cela provoque quelques grincements de dents dans certaines professions. C'est l'évolution, il ne s'agit pas de la contrer mais de l'encadrer. Toute avancée du marché unique numérique pour le commerce ne peut par ailleurs se faire au détriment des consommateurs, notamment en ce qui concerne la fourniture de contenus numériques et l'achat en ligne de biens matériels.

L'Union de l'énergie, mise en place en 2015 et 2016, ne devrait pas faire l'objet d'une nouvelle intervention législative en 2017. Certains textes sont toujours en débat. La priorité pour la Commission en 2017 consistera, dans le domaine énergétique, en la mise en oeuvre de la stratégie sur la mobilité à faible intensité de carbone, présentée en juillet dernier.

La Commission européenne propose également l'adoption d'un nouveau paquet « économie circulaire » visant l'utilisation, la réutilisation et le recyclage des matières plastiques, et les normes minimales en matière de qualité de l'eau. Notre commission s'est montrée réservée à deux reprises par le passé sur les projets de la Commission en matière de recyclage, jugeant que les mesures préconisées étaient notamment contraires au principe de subsidiarité tout en relevant les difficultés financières que les projets de la Commission pouvaient engendrer pour les collectivités locales. Elle avait également mis en avant le recours trop important aux actes délégués et aux actes d'exécution pour préciser des éléments du dispositif, qui pouvaient être considérés comme essentiels au sens du traité. Nous serons donc vigilants sur ces points. La Commission a tendance à tendance recourir à ces actes délégués ou d'exécution, en théorie pour plus de simplification. En réalité, cela va plus loin.

L'année 2017 devrait également être consacrée à l'approfondissement de l'Union économique et monétaire. Nous nous contenterons de rappeler notre souhait que le Livre blanc annoncé en mars propose des pistes de travail ambitieuses pour l'avenir de la zone euro. Il s'agit d'en clarifier l'architecture, de la rendre à la fois plus lisible et plus visible et d'améliorer sa capacité à résister aux chocs économiques, par l'intermédiaire d'instruments contra-cycliques.

La Commission annonce aussi une première proposition globale en vue du prochain cadre financier pluriannuel. Nous espérons que les négociations à venir soient l'occasion de concrétiser au plan budgétaire certaines priorités annoncées : sécurité et migration par exemple. L'instrument budgétaire devra être le plus flexible possible afin de faire face, le plus rapidement possible, à tout bouleversement.

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