Par ailleurs, il est communément admis que le Président Ianoukovitch est entouré d'oligarques, qui n'ont pour seul but que de préserver et faire fructifier leurs intérêts financiers. Or, un pas a été franchi en ce sens qui a attiré la colère de Bruxelles. Alors que la Commission avait fait pression sur l'Ukraine pour que soit adoptée une loi sur les achats publics, secteur jugé très corrompu, une série d'amendements a élargi la liste des marchandises et services pouvant être commandés sans appel d'offres, et notamment des services publics comme l'approvisionnement en eau, en gaz... Face à cette dérive, l'Union européenne a suspendu le versement de la première tranche de 31 millions d'euros d'un don de 100 millions d'euros destinés à la modernisation des secteurs de l'énergie et des transports ukrainiens. Et même si par la suite, le Gouvernement ukrainien s'est engagé à faire adopter de nouveaux amendements, cette affaire est le signe d'une tentative d'utilisation du pouvoir au profit de la protection d'intérêts privés. La collusion entre milieux d'affaires et vie politique est toujours une réalité en Ukraine et entraîne une désaffection populaire pour la classe politique et la démocratie.
Enfin, la Commission européenne constate qu'il existe toujours des atteintes aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales, voire des aggravations dans certains domaines qui ont amené le commissaire chargé de l'élargissement, Stefan Füle, à déclarer le 20 octobre 2010 : « Nous sommes préoccupés des rapports réguliers et multiples sur la détérioration du respect des droits fondamentaux et des principes démocratiques en Ukraine. Ce qui nous inquiète en plus, ce sont les plaintes sur des violations de la liberté de la presse, de rassemblement et d'association ». Il a ajouté que « le respect de ces valeurs fondamentales est essentiel ». Ce sont des valeurs sur lesquelles, l'Union européenne « n'est pas prête à faire des compromis ».
Pour sa part, le Parlement européen, dans une résolution du 9 juin 2011, dénonce une justice sélective visant les membres de l'ancien gouvernement et, en premier lieu, son chef, Ioulia Timochenko, dont le procès s'est ouvert il y a quelques jours. Mme Timochenko est accusée d'abus de pouvoir et de détournement de fonds et risque entre 7 et 12 ans de prison.
L'ensemble de ces points nous rappelle que l'Ukraine est une jeune démocratie, encore en devenir. Mais elle doit comprendre que la multiplication des atteintes aux libertés fondamentales est un frein à son rapprochement avec l'Union européenne.
Et pourtant les autorités font preuve de volontarisme pour moderniser le fonctionnement de l'État et répondre aux demandes internationales en ce sens.
Ainsi en est-il, par exemple, des réformes de l'État de droit qui font l'objet d'une étude des co-rapporteurs de la « commission de suivi » de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. Les auteurs de l'étude apportent leur soutien aux réformes importantes engagées par l'Ukraine, tant en matière constitutionnelle, qu'électorale ou encore concernant la procédure pénale.
Cependant, ils regrettent l'abandon d'un code électoral unifié au profit d'un projet de loi concernant les seules élections législatives de 2012. Et d'autre part, ils font remarquer qu'à côté de la commission pour le renforcement de la démocratie, commission indépendante et pluraliste créée pour piloter la réforme constitutionnelle, a été créé un comité d'experts dépendant du gouvernement.
Dans le même temps, l'Ukraine a mené ou engagé des réformes ambitieuses, en réponse aux demandes du FMI et de l'Union européenne. En effet, bien qu'elle semble sortir de la crise, l'Ukraine reste fortement soutenue par la communauté internationale. Mais cette aide n'est pas sans exigences, notamment celle de réformes structurelles importantes dans le but d'assurer la viabilité de l'État ukrainien. On peut citer deux réformes emblématiques : celle des retraites, réforme difficile à accepter pour la population, puisqu'elle prévoit une augmentation des cotisations ; celle de l'administration qui devrait améliorer son efficacité, tout en réduisant son coût, puisqu'une réduction de 30 % du nombre de fonctionnaires est prévue ; et enfin celle du secteur gazier, question complexe car elle touche aux relations de l'Ukraine avec la Russie.
Si, pour les institutions internationales, beaucoup de ces réformes ne sont pas assez rapidement adoptées, nous savons bien que des réformes aussi difficiles sont longues à mettre en oeuvre.