Avec le vice-président de la commission des affaires européennes, notre collègue Pierre Bernard Reymond, nous sommes très heureux, Monsieur l'Ambassadeur, de vous accueillir aujourd'hui au Sénat, pour cette audition conjointe de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et de la commission des affaires européennes, consacrée aux priorités de la présidence polonaise de l'Union européenne.
Je voudrais également saluer la présence parmi nous du président du groupe d'amitié France-Pologne du Sénat, notre collègue Yann Gaillard, à qui l'on doit notamment l'organisation, pendant l'été, dans le jardin du Luxembourg de concerts de Chopin à l'occasion du bicentenaire de sa naissance.
Votre audition, qui renoue avec une ancienne tradition, vient à point nommé car c'est à partir du 1er juillet, soit dans deux jours, que débutera la présidence polonaise du Conseil de l'Union européenne, qui s'achèvera à la fin de l'année.
C'est la première fois que la Pologne exercera la présidence semestrielle du Conseil, depuis son adhésion à l'Union européenne en mai 2004.
Or, si la présidence semestrielle du Conseil a perdu certaines de ses prérogatives, depuis l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne et la mise en place de la présidence stable du Conseil européen, elle demeure néanmoins un acteur essentiel du fonctionnement de l'Union européenne, notamment par sa capacité à donner les impulsions nécessaires et à faciliter les compromis au sein du Conseil.
Nous sommes donc très désireux de vous entendre nous exposer les priorités de la présidence polonaise.
Parmi ces priorités figure notamment le renforcement de la politique de sécurité et de défense commune, à laquelle la France attache une grande importance, mais qui n'a guère progressé ces dernières années.
Quelles sont les avancées concrètes qui pourraient être réalisées par la présidence polonaise sur ce sujet, alors que la plupart des pays européens ont réduit la part de leur budget consacrée à la défense ?
Nous aimerions également vous entendre au sujet de l'amélioration des relations avec la Russie.
Vous avez co-signé une tribune remarquée dans le journal Le Monde avec votre homologue, l'ambassadeur de Russie en France, où vous avez comparé la réconciliation polono-russe, après la tragédie de Smolensk, à la réconciliation franco-allemande.
Pensez-vous que ce rapprochement permettra réellement de renforcer les liens entre l'Union européenne et la Russie et que pensez-vous de la situation de ce pays ?
Quel est votre sentiment à propos du « Partenariat oriental » et de l'évolution de vos voisins, comme l'Ukraine et la Biélorussie, ou d'autres pays, comme la Géorgie ou la Moldavie ?
Enfin, alors que nous célébrons cette année le vingtième anniversaire du « Triangle de Weimar », qui réunit périodiquement la France, l'Allemagne et la Pologne, que pensez-vous du rôle de ce triangle et comment pourrait-il jouer un rôle plus important au sein de l'Union européenne ?
Voila plusieurs questions, mais je suis certain que Pierre-Bernard Reymond et d'autres collègues auront certainement d'autres questions à vous poser à l'issue de votre exposé.
C'est un très grand honneur pour moi de pouvoir présenter devant vos deux commissions les priorités de la présidence polonaise de l'Union européenne et je voulais donc vous remercier pour votre invitation.
Avant d'évoquer ces priorités et de répondre à vos questions, je voudrais vous dire la très grande satisfaction de mon pays, à la veille de sa présidence du Conseil de l'Union européenne, pour la nomination d'une grande figure européenne, Mme Christine Lagarde, à la direction générale du Fonds monétaire international. La nomination d'une femme politique française, ancienne ministre du gouvernement français et d'une personnalité européenne de premier plan à la tête du FMI montre, en effet, que l'Europe est visible et qu'elle a un rôle essentiel à jouer sur la scène internationale.
A partir du 1er juillet, la Pologne exercera, pour la première fois depuis son adhésion à l'Union européenne, le 1er mai 2004, la présidence du Conseil de l'Union européenne.
Cela représente un moment particulier car, pour les Polonais, la perspective de l'adhésion à l'Union européenne était intimement liée à la volonté de retrouver leur place au sein de l'Europe, après la chute du communisme en 1989.
Forte de son expérience, qu'elle souhaite partager avec les autres États membres et partenaires, la Pologne souhaite donc placer sa présidence de l'Union européenne sous les auspices de deux mots d'ordre : la solidarité, qui est le nom du mouvement ayant permis de renverser le régime communiste, et l'optimisme, qui a permis de rendre possible ce qui paraissait aux yeux de beaucoup comme impossible.
Notre sentiment est qu'aujourd'hui, face à la crise, l'Union européenne a besoin à la fois de solidarité et d'optimisme, et que les deux se complètent mutuellement.
L'Union européenne a besoin de solidarité. Elle a besoin de solidarité à l'intérieur, entre ses États membres, entre les anciens et les nouveaux, entre les pays du Nord et du Sud, entre les régions riches et les régions pauvres, entre les villes et le monde rural. Elle doit aussi se montrer solidaire avec ses voisins du Sud ou de l'Est, et, plus largement, au niveau mondial. A cet égard, le fait que la présidence polonaise de l'Union européenne coïncide avec la présidence française du G8 et du G20 représente une réelle opportunité et nos gouvernements ont d'ores et déjà commencé à travailler ensemble et à se concerter étroitement.
Mais nous avons aussi besoin d'optimisme, car l'Europe connaît aujourd'hui un certain ralentissement, un manque de volonté, une absence d'enthousiasme. Or, seuls l'optimisme et une forte volonté politique seraient en mesure de relancer aujourd'hui le projet européen. Face aux pessimistes, nous voulons faire preuve d'optimisme. Nous pensons que l'Europe représente une réelle opportunité face à la crise économique et financière mondiale et qu'elle peut apporter une véritable plus-value.
Notre présidence se veut modeste et utile. Les priorités de la présidence polonaise du Conseil de l'Union européenne s'articulent autour de trois grands thèmes : la croissance économique, la sécurité et l'ouverture.
Ces trois priorités sont complémentaires. Il ne peut y avoir de croissance économique sans sécurité et sans ouverture au reste du monde, on ne peut s'ouvrir vers l'extérieur sans croissance et sans sécurité, et la sécurité dépend aussi de la croissance économique et des relations avec l'extérieur.
La première priorité porte sur l'intégration européenne en tant que source de croissance économique.
Face à une situation économique et budgétaire très difficile, nous sommes convaincus que l'Union européenne, qui représente le plus grand marché et la première puissance commerciale, pourrait jouer un rôle de levier pour stimuler la croissance économique en Europe.
Il nous semble en effet qu'une action au niveau européen peut avoir des effets d'économie d'échelle par rapport à des actions nationales.
Il nous faut tout d'abord remettre de l'ordre dans nos finances publiques, car c'est la condition de la confiance.
L'Union européenne a tiré les conséquences de la crise financière : de nouveaux modes de gouvernance économique ont été mis en place, ainsi que de nouveaux outils, comme le mécanisme européen de stabilité, qui vise à éviter une éventuelle répétition de ces crises.
Nous pensons cependant qu'il faudrait maintenant passer à l'étape suivante et élaborer un nouveau modèle de croissance, qui permettrait à l'Union européenne de bénéficier dans les prochaines décennies d'une croissance économique suffisante pour assurer le bien-être de ses citoyens. Si l'Union européenne veut rester compétitive à l'échelle mondiale, elle ne peut pas se contenter de réformer ses finances publiques et de limiter les déficits budgétaires, mais elle doit impérativement engager des actions en faveur de la croissance.
L'achèvement du marché unique permettrait ainsi de réaliser des gains importants en termes de croissance économique, évalués jusqu'à 3 ou 4 % du PIB selon le rapport Monti.
Afin d'achever le marché unique, la Pologne souhaite, avec la Commission européenne, mettre l'accent par exemple sur la levée des obstacles au commerce électronique intra-communautaire en supprimant les barrières nationales, techniques, administratives, juridiques ou financières, qui empêchent les opérations commerciales, comme les achats sur Internet entre les États membres.
La levée de ces obstacles qui faciliterait la vie quotidienne des 500 millions de citoyens européens, aurait notamment un impact important pour les petites et moyennes entreprises.
La deuxième priorité concerne la sécurité.
Même si la dimension militaire ne représente qu'un des aspects de la sécurité, je commencerai par ce sujet, qui nous tient particulièrement à coeur, à nous Polonais, comme à vous Français.
Quelles sont les raisons qui expliquent l'importance qu'attache la Pologne à l'Europe de la défense ?
Je distinguerai trois raisons principales.
Tout d'abord, nous assistons au commencement d'un repli stratégique des États-Unis du continent européen, qui fait que l'Europe devra être en mesure d'assurer de plus en plus sa défense dans le futur.
Ensuite, dans un contexte marqué par une réduction sensible des budgets de la défense en raison de la crise, à l'exception notable de la Pologne, il est évident que ces réductions budgétaires devraient entraîner une coopération et des mutualisations accrues au niveau européen afin d'éviter les doubles emplois.
Comment expliquer, en effet, le nombre très élevé de projets industriels d'armement menés par les États membres qui sont en concurrence ?
Nous considérons qu'il serait souhaitable d'identifier quelques grands projets industriels en matière d'armement qui devraient être menés en commun et qui pourraient faire avancer la coopération industrielle en matière de défense au niveau européen.
La présidence polonaise souhaite donc travailler avec l'agence européenne de défense pour identifier certains projets présentés par des groupes d'États membres, procéder à une sélection d'ici la fin de l'année, et dégager quelques projets prioritaires au niveau européen.
Enfin, alors que j'entends encore souvent dire en France que la Pologne ne voit pas la politique de sécurité et de défense en dehors des États-Unis et de l'OTAN, je dois vous dire que l'évolution majeure de l'attitude de la Pologne à l'égard de l'Europe de la défense ces cinq dernières années a été facilitée par la décision courageuse du Président de la République française du retour de la France au sein du commandement intégré et des structures de l'OTAN. En effet, cette réintégration pleine et entière de la France au sein de l'OTAN a permis de lever le doute sur l'ambiguïté de la position française concernant les objectifs de la défense européenne, souvent perçue comme étant dirigée contre l'OTAN.
Les ministres des affaires étrangères et de la défense des pays du triangle de Weimar, c'est-à-dire la France, l'Allemagne et la Pologne, ont écrit une lettre à la Haute représentante pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Mme Catherine Ashton, afin de lui proposer une relance de la politique de sécurité et de défense commune, autour de quatre thèmes : le renforcement des capacités de planification et de conduite des opérations, le développement capacitaire, le développement des groupements tactiques et l'approfondissement de la coopération entre l'Union européenne et l'OTAN. Cette lettre, dont nous attendons la réponse, constitue la « feuille de route » de la présidence polonaise en matière de politique de sécurité et de défense commune.
A cet égard, le triangle de Weimar représente le meilleur cadre pour le renforcement de l'Europe de la défense.
La Pologne figure parmi les pays qui ont une forte volonté de renforcer la politique de sécurité et de défense et qui consacrent une part importante de leur budget à la défense, puisque la part du budget consacré à la défense se situe en Pologne à 1,95 % du PIB, soit à un niveau proche du seuil de 2 % recommandé par l'OTAN, ce qui représente une exception en Europe, avec le Royaume-Uni, la France et, encore jusqu'à présent, la Grèce.
Toutefois, il ne faut pas s'attendre dans ce domaine à des miracles sous la présidence polonaise.
En effet, les premières consultations que nous avons menées avec les différents États membres ces trois derniers mois montrent qu'il n'existe pas aujourd'hui de volonté unanime d'avancer en matière de défense européenne.
Ainsi, le ministre polonais des affaires étrangères voulait aller très loin dans ce domaine et mettre en place la « coopération structurée permanente » prévue par le traité de Lisbonne, qui permet aux États qui le souhaitent et qui répondent à certains critères, d'aller plus loin en matière de défense, mais nous avons dû finalement y renoncer dans l'immédiat devant les fortes réticences de plusieurs pays membres.
Ceux-ci veulent d'abord voir ce que l'on peut faire à vingt-sept avant d'envisager une coopération limitée à un groupe d'États.
Sous présidence polonaise, plusieurs séminaires thématiques devraient être organisés et élaborer une série de recommandations.
Parmi les priorités de la présidence polonaise en matière de défense figure le renforcement des capacités de planification et de conduite des opérations, et notamment l'amélioration de la gestion civile des crises, à la lumière de l'expérience de la crise libyenne, qui pourrait peut-être donner lieu à une mission humanitaire européenne, après la phase militaire de l'opération de l'OTAN.
Nous soutenons aussi l'idée d'un quartier général européen, mais comme vous le savez, cette proposition se heurte toujours à de fortes oppositions de certains États membres.
Nous souhaiterions également développer les groupements tactiques, sur le modèle du groupement tactique des pays du triangle de Weimar, afin qu'ils puissent servir de réserve opérationnelle pour les interventions de l'Union européenne.
En matière de politique étrangère, et en particulier les relations avec la Russie, je vous remercie, Monsieur le Président, d'avoir mentionné la tribune conjointe que j'ai co-signé avec mon ami, l'ambassadeur de Russie en France, et qui n'est que le reflet de la position de nos deux pays.
Aujourd'hui, la Pologne, rassurée par sa position en Europe, apaisée dans sa politique intérieure et extérieure, est désireuse de renforcer ses relations avec la Russie. Et, nous savons que, malgré les difficultés qui subsistent, cette volonté est également partagée par la Russie.
Cette volonté de renforcer la coopération entre l'Europe et la Russie, face à des défis communs, nécessite un certain temps de maturation, mais constitue une nécessité, car l'Europe et la Russie ne peuvent pas être considérés comme des adversaires, mais comme des partenaires dont la coopération a vocation à se renforcer à l'avenir.
Pour la Pologne, ce rapprochement avec la Russie représente un choix stratégique et dans le même temps un défi comparable à la réconciliation franco-allemande. Toutefois, il est indispensable car il permettra de renforcer à la fois la sécurité de la Pologne et de renforcer sa position au sein de l'Union européenne.
Le fait que la Russie soit entrée dans une période électorale, avec l'approche des élections législatives de décembre et des élections présidentielles de 2012 ne facilite pas les choses, et il ne faut pas s'attendre à des avancées spectaculaires sous notre présidence, mais la Pologne s'efforcera d'encourager le renforcement des relations entre l'Union européenne et la Russie sur le long terme.
Le président de la République de Pologne, Bronislaw Komorowski, a déclaré récemment que la Russie devrait à l'avenir avoir la même place pour la Pologne que l'Allemagne et que la Russie occupe déjà une place comparable à la France en Pologne, notamment sur le plan économique.
Je voudrais également dire un mot du partenariat oriental. Ce n'est pas un exercice anti-russe puisque nous nous efforçons dans le même temps de renforcer les relations entre l'Union européenne et la Russie. A l'image de ce que la France a proposé pour les pays de la rive Sud de la Méditerranée, la Pologne souhaite mettre en place un processus pour favoriser les échanges entre l'Union européenne et ses voisins orientaux, afin de soutenir la croissance, la transition interne de ces pays et leur développement. Nous voulons aussi développer la coopération régionale, mais aussi la diffusion des valeurs européennes. Il n'y a donc pas de différence dans notre esprit entre la politique de voisinage au Sud et à l'Est mais une politique unique de voisinage, qui s'efforce de favoriser la paix et la stabilité aux frontières de l'Union européenne.
En conclusion, je voudrais dire que la Pologne fonde beaucoup d'espoirs sur le triangle de Weimar. Nous sommes convaincus que le triangle de Weimar constitue une réponse à un certain manque de volonté politique et à l'affaiblissement de la construction européenne. Dans l'Europe à douze ou à quinze, le couple franco-allemand jouait le rôle de moteur de la construction européenne. Aujourd'hui, dans l'Europe élargie, le moteur franco-allemand semble insuffisant pour permettre à l'Union européenne d'avancer et il semble manquer un troisième rouage à ce moteur, qui pourrait être la Pologne. Telle est en tout cas la volonté de la Pologne.
Comment la Pologne aborde-telle la négociation sur le cadre financier 2014-2020 ? Quelle importance respective apportez-vous aux budgets de la PAC et à celui de la cohésion ? Que pensez-vous du rabais britannique ? Êtes-vous favorable à un budget qui représente 1% du PIB européen ?
La crise financière a sans doute affaibli l'enthousiasme de la Pologne quant à son adhésion à l'euro. La monnaie polonaise s'est dévaluée assez sensiblement pendant cette crise, et cela n'est certainement pas étranger aux bonnes performances de l'économie polonaise. Mais la Pologne a aussi montré une solidarité remarquable à la fois dans le sauvetage de la Grèce et dans sa participation au pacte « Euro+ ». Quelle est votre position s'agissant de l'euro ?
Les contreparties du deuxième plan d'aide à la Grèce comportent notamment l'obligation d'un certain nombre de dénationalisations. J'espère que beaucoup d'entreprises européennes pourront se porter candidates, et que la Grèce ne deviendra pas à cette occasion une péninsule chinoise en Europe, comme la vente du port du Pirée pourrait nous le laisser craindre
Nous allons présider durant la période où le débat sur les perspectives financières va s'ouvrir. La Commission va présenter ses propositions de cadre pluriannuel demain dans la matinée. Elles devront être acceptées par le Parlement européen. Ensuite, on passera à des arbitrages entre les pays membres. Les débats entre les chefs d'État et de gouvernement n'auront donc sans doute pas lieu pendant la présidence polonaise, mais plutôt l'année prochaine.
Mais nous avons proposé d'organiser à l'automne un séminaire pour examiner les contours des volontés des États membres, et voir comment il est possible de concevoir un budget qui ne serait pas uniquement d'économie et de rigueur, mais qui serait tout de même porteur de solidarité et d'ambition. Pour cela, il faut considérer que les restrictions dans les budgets nationaux ne doivent pas nécessairement impliquer des coupes identiques dans les budgets communs. Mais il faut bien sûr tenir compte de la charge pour les pays, qui ne peut être augmentée. Nous pensons que l'idée émanant de la France et de l'Allemagne d'avoir un budget basé sur le principe d'1% du PIB est un point de départ, qui permettrait de garder une certaine ambition, et de donner des moyens pour que l'Europe puisse préparer des échéances telles que la réforme de la PAC ou le projet Europe 2020 pour la compétitivité de l'économie européenne sur le plan global. Nous pensons que la PAC et la politique de cohésion ne sont pas contradictoires, qu'on peut dégager un compromis entre la France et la Pologne qui corresponde à nos besoins, qui sont compatibles. L'essentiel est la solidarité. Sans solidarité, c'est-à-dire sans transferts, il n'y a plus d'Europe.
C'est pourquoi nous remettons en question le rabais britannique. Pour nous, il est inacceptable à long terme. Vous ignorez peut-être que la Pologne est le 4e contributeur du rabais britannique. C'est une question sur laquelle la France et la Pologne peuvent se retrouver.
La Pologne, par le traité d'adhésion, a accepté de se doter de l'euro. Nous n'avons pas de dérogation. Pour nous, la question de l'entrée dans l'euro est donc déjà tranchée. Le problème est : quand ? En 2007, le gouvernement avait fixé la date de 2011, mais la crise financière a fragilisé les finances publiques polonaises, nous empêchant d'atteindre les critères de convergence. Nous adopterons donc l'euro au moment où les conditions seront remplies, aussi bien pour l'Europe que pour nous. Nous examinerons en effet la situation des marchés financiers européens pour décider du moment opportun
Depuis quelques années, la Pologne a marqué son intérêt pour la défense européenne. On a vu revenir des unités polonaises dans différentes opérations, et je considère que c'est très positif. Mais en ce qui concerne votre appréciation sur le retour de la France dans le commandement intégré de l'OTAN, je ne la partage pas, au vu des retombées pour notre pays. Nous savons que les autres pays se sont réjouis de notre retour dans le commandement intégré, car ils suspectaient la France de vouloir opposer une sorte de caucus européen aux américains. Tel n'a jamais été le cas. Nous avons toujours marqué notre solidarité à l'égard de l'alliance atlantique, sur le plan budgétaire et dans le cadre des interventions. Les militaires français ont toujours été au rendez-vous. Une suspicion illégitime a été entretenue à l'égard de la France. Mais maintenant, je pense qu'il sera difficile de revenir sur notre retour dans le commandement intégré, quel que soit le résultat des prochaines élections.
J'ai noté l'importance que vous accordez au « trimoteur » Allemagne-France-Pologne. Comment ressentez-vous l'accord franco-britannique en matière de défense ? Comment percevez-vous la mise en place d'un bimoteur au coté du trimoteur ? Est-ce qu'il n'aurait pas été plus utile selon vous d'avoir tout de suite un quadrimoteur ?
Nous connaissons les raisons qui ont poussé la France à se rapprocher du Royaume-Uni, et nous pensons que c'est une décision légitime, qui est de nature à pouvoir aussi contribuer au projet européen.
L'accord franco-britannique n'est pas contradictoire avec le triangle de Weimar, mais l'étendue de ce dernier est beaucoup plus vaste. Nous en avons parlé comme d'une enceinte de concertation qui doit aller bien au-delà de la politique européenne de défense. Le rapprochement franco-britannique concerne, quant à lui, des domaines bien précis, et est fondé sur des conditions objectives pour les partenaires, comme le fait d'avoir un siège permanent au Conseil de sécurité, de disposer de forces indépendantes de dissuasion nucléaires, et d'avoir des intérêts géostratégiques complémentaires. Mais on peut aussi penser que cet accord permettra de faire avancer l'Europe de la défense. Il n'est en effet pas dit que celle-ci doit naître d'un seul projet. Nous pouvons concevoir que plusieurs projets auront un jour la masse critique qui permettra à l'Europe d'avancer. Prenez l'exemple de l'Eurocorps, dont la Pologne est devenue le 7e pays depuis 4 ans. La coopération franco-britannique, une fois renforcée et structurée, pourrait travailler avec d'autres pays au sein de l'Union dans l'accomplissement de missions confiées par l'UE.
Je ne pense pas que l'on puisse envisager un quadrimoteur. En revanche, si nous avançons dans le cadre de Weimar, il nous faudra consulter nos amis britanniques pour savoir jusqu'où ils sont prêts à nous suivre.
Deux questions se posent aujourd'hui autour de Schengen. D'une part, le Conseil doit se prononcer sur une date éventuelle d'entrée de la Roumanie et de la Bulgarie. Il y a des réticences dans certains pays. La Commission doit faire des propositions qui ne manqueront pas de susciter une discussion au sein de l'Assemblée nationale et du Sénat.
D'autre part, se pose la question de l'éventuelle modification des accords de Schengen, avec les contrôles ponctuels aux frontières intérieures. Certains les critiquent mais d'autres les appliquent. On l'a vu entre la France et l'Italie.
Ces deux questions seront soulevées pendant votre présidence. Comment comptez-vous les gérer, sachant que la présidence suivante sera celle du Danemark, dont la position vis-à-vis de Schengen est bien connue ?
La formulation qui a été adoptée par le dernier Conseil européen nous convient amplement. Notre conviction première est que Schengen représente la réalisation de la libre circulation des personnes. Pour un pays qui a connu il y a encore vingt ans des frontières qui délimitaient le monde communiste, la libre circulation est une valeur très importante. Pour vous, elle s'est pour ainsi dire banalisée, comme pour mes enfants. Il faut comprendre notre vécu, nous sommes tous sensibles au fait que l'Europe sans frontière est un privilège. Tel est notre point de départ. Aucun amendement du code de Schengen ne doit entraîner la diminution de cette liberté si importante.
Mais on peut apporter des amendements à Schengen qui ne touchent pas à la libre circulation, en créant des conditions qui permettront d'aider les pays défaillants dans le contrôle des frontières. De telles mesures ne remettent pas en cause la libre circulation, mais ciblent les pays qui pour des raisons objectives, ou subjectives, et c'est là le problème, ne sont pas en mesure d'assurer le contrôle de la frontière extérieure.
Nous avons deux cas de figure : le pays submergé, comme l'Italie, mais aussi le pays qui ne remplit pas ses engagements. Pour ce cas, il faudrait peut-être penser à un système, difficile à mettre en place, de sanctions. Mais aujourd'hui, la question est surtout l'assistance aux pays qui ne sont pas en mesure de contrôler leurs frontières. Je souhaite ajouter que la Pologne est pays hôte de l'agence Frontex, et que notre ministère de l'intérieur l'aide au quotidien. Elle a sûrement trop peu de capacités par rapport à ses missions. Nous sommes donc satisfaits de son renforcement. Nous avons la conviction que Schengen doit être plus rigoureux avec les pays qui ne sont pas en mesure de remplir leurs obligations.
Et il ne s'agit pas uniquement de la Roumanie et de Bulgarie, qui sont otages de la situation, et vivent le retardement de leur entrée comme une atteinte à leur prestige national. D'ailleurs les pays les plus critiques commencent à s'apercevoir que ces pays ne sont pas seuls en cause, et paient aussi pour les insuffisances des autres.
Nous sommes tous interpellés par le dossier de l'euro-méditerranée. Les évènements de Libye et le printemps arabe devraient consolider une volonté euro-méditerranéenne. Peut-être faut-il l'équivalent d'un plan Marshall pour accompagner le mouvement vers la démocratie, par le nécessaire développement économique ?
La Pologne envisage-t-elle l'ouverture de nouveaux chapitres de négociation avec la Turquie ?
Au sujet de la politique régionale et de la cohésion, quelle est la position de la Pologne sur les régions intermédiaires, pour une vraie politique de cohésion qui bénéficie à l'ensemble des régions, même si elles ne sont pas en dessous du seuil ? Dans ce domaine, est-ce que la Pologne soutient une politique européenne de la montagne ? Quelle sera la position de la Pologne au sujet de l'avenir de la PAC, qui préoccupe énormément les régions françaises ?
Nous voulons affirmer tout notre engagement en faveur de la Méditerranée. La Pologne souhaite aider à la transformation de la société civile. Nous aidons particulièrement la Tunisie. C'est un pays dont la taille convient à la Pologne, il est plus développé sur le plan des droits de l'homme et de la femme. Nous souhaitons avant tout y favoriser ce qu'on appelle la « deep democracy ». Lors de la transition démocratique à l'Est, très souvent on aidait les pays à rédiger leur Constitution, leurs lois électorales. Nous voulons davantage faire comprendre aux populations ce que signifie participer à la vie démocratique. C'est une expérience que nous avons acquise durant les 20 dernières années. Pour vous, c'est de l'histoire ancienne, vous y êtes habitués. Pour nous, c'est une expérience que nous avons vécue personnellement. Nous avons soumis l'idée, qui a été acceptée par le Conseil, d'une fondation européenne pour la démocratie. Elle sera un instrument pour favoriser l'émergence de la société civile dans les pays du Maghreb.
Un plan Marshall relève davantage du G8, cadre qui est plus approprié pour créer ce genre d'investissements massifs en faveur de l'économie des pays en question. Il ne devra pas se limiter uniquement aux transferts financiers, mais favoriser aussi les 3 « M » : mobilité, marché et médiation. Sommes-nous prêts à ouvrir notre marché agricole à des produits venant du monde méditerranéen ? Il faut sans doute un plan Marshall, mais il faut aussi et surtout l'ouverture des marchés, et il faut faciliter la transition démocratique, pour que l'aide ne finisse pas dans les poches des catégories dont les membres sont aujourd'hui jugés pour corruption.
Nous souhaitons ouvrir le chapitre de la concurrence dans le cadre des négociations d'adhésion avec la Turquie. Nous avons pour cela le soutien de la France.
En ce qui concerne le statut des régions intermédiaires, nous regardons cette idée avec intérêt. Elle pourra rendre la politique de cohésion plus importante pour la Communauté entière, et lui assurer ainsi un plus large soutien. Mais le débat n'est pas encore assez avancé pour que nous disions si nous la soutenons ou non.
Notre vision de la PAC est simple. Il faut favoriser l'intégration de l'agriculture européenne dans les marchés mondiaux, mais ne pas oublier les régions et les producteurs marginalisés. L'aspect environnemental, l'aménagement du territoire, et aussi l'aspect social sont des éléments de la réforme de la PAC. Nous ne voulons pas d'une politique orientée uniquement vers la production, et pas assez sur une reconnaissance du rôle civilisateur des agriculteurs dans leur région.
Richard Yung devant nous quitter pour assister à des obsèques, nous allons tout d'abord aborder son rapport sur le Fonds social européen, qui est un des fonds structurels dont dispose l'Union pour mener sa politique de cohésion économique, sociale et territoriale.
Lorsque Richard Yung a entrepris ce rapport il était question d'une réforme profonde du FSE. Aujourd'hui, on n'en entend plus parler. Où en sommes-nous ? Est-ce qu'on s'oriente vers des changements a minima, voire un statu quo, ou bien est-ce que l'idée d'une profonde réforme a encore des partisans ?
Mon cher Collègue, je vous donne la parole.
Créé en 1957 par le traité de Rome, le Fonds social européen est une des plus anciennes institutions de l'Europe communautaire et, à ce titre, on ne peut l'aborder qu'avec respect et modestie, surtout quand on évoque de possibles réformes ou même seulement la nécessité de renforcer son efficacité. En effet, il a été question un moment d'une importante réforme qui est aujourd'hui abandonnée, mais je me prononce, dans ce rapport, sur chacun des problèmes qu'elle soulevait.
Le FSE peut être présenté comme le principal levier financier de l'Union européenne pour la promotion de l'emploi et de la formation et, comme le rappellent mes collègues Yann Gaillard et Simon Sutour dans leur excellent rapport sur la cohésion après 2013, avec le FEDER et le fonds de cohésion, le FSE est l'un des trois fonds structurels de l'UE dont la mission consiste à mettre en oeuvre la politique de cohésion, c'est-à-dire à réduire les écarts de développement et à renforcer la cohésion économique et sociale entre pays et régions de l'Union européenne.
Pour soutenir la politique de cohésion en matière d'emploi et de formation, le FSE reçoit 8 % du budget total de l'UE et il investit 10 milliards d'euros par an dans l'ensemble des États membres (75 milliards pour la période 2007-2013). La France, pour sa part, aura reçu presque 5 milliards pendant cette même période.
L'action du FSE repose sur 4 axes ou piliers :
- l'augmentation de la capacité d'adaptation des travailleurs, des entreprises et des chefs d'entreprise aux changements économiques ;
- l'amélioration de l'accès à l'emploi et l'insertion durable sur le marché du travail ;
- le renforcement de l'insertion sociale par le travail des personnes défavorisées ou discriminées ;
- le renforcement du capital humain et l'adaptation de l'éducation et de la formation aux besoins du marché du travail.
Il faut toujours se rappeler, parmi les caractéristiques majeures du FSE, que l'attribution des crédits est régie par le principe du cofinancement, ce qui signifie que le FSE ne finance jamais seul un projet et que le FSE finance en moyenne 45,76 % des budgets des projets agréés.
En France, ces projets émanent aussi bien du secteur public que du secteur privé ; ils sont, pour une petite partie, nationaux, et pour la majeure partie, locaux. À côté des crédits FSE, on trouve donc des crédits publics (État, collectivités territoriales) et des crédits privés (associations, syndicats, chambres de commerce et d'industrie, entreprises).
J'attire votre attention sur le fait que la mise en oeuvre du FSE est, en France, une politique nationale et qu'il faut s'en réjouir, car la cellule de pilotage du FSE, placée auprès du délégué général à l'emploi, pratique une supervision efficace et notre État centralisateur, sur ce point, a du bon. Le FSE est géré selon des programmes cycliques de sept ans. Le programme opérationnel français est donc également établi pour une durée de sept ans. Il établit les différents champs d'activité qui seront financés, champs qui peuvent être géographiques ou thématiques. En France, comme je le disais, c'est le délégué général à l'emploi qui est en charge, par délégation du ministre de l'emploi, de la gestion des crédits du FSE. Il conserve une partie des crédits pour les projets nationaux, et la grande masse des crédits est dévolue aux projets des régions.
Bien qu'au départ, le FSE ait été conçu pour rendre plus facile la mobilité géographique des travailleurs, son rôle a évolué et il sert aujourd'hui à mettre en oeuvre une politique de proximité au bénéfice des travailleurs dont l'emploi change ou disparaît, ou dont l'employabilité n'est pas satisfaisante.
En fonction des quatre axes déjà cités, il s'agit de gérer au mieux, pendant sept ans, les 4,495 milliards d'euros mis à disposition par le FSE pour la France, et de les utiliser comme marge de manoeuvre supplémentaire pour favoriser l'emploi.
On fera remarquer que pour avoir une notion exacte des crédits consacrés à l'emploi sous l'impulsion du FSE, il convient d'ajouter, selon le principe du cofinancement, aux 5 milliards de crédits FSE, une somme à peu près équivalente dont quatre cinquièmes proviennent des budgets publics et un cinquième de fonds privés.
Les auditions auxquelles nous avons procédé ont mis en lumière que l'axe 1 (augmentation de la capacité d'adaptation aux changements du marché du travail) était le plus difficile à mettre en oeuvre, car les régions éprouvaient une certaine difficulté à mobiliser les PME. Il en est ressorti également que les projets FSE étaient rarement innovants, qu'ils venaient s'ajouter à l'existant et ne jouaient pas un rôle moteur.
Cependant, les bénéficiaires du FSE en France sont nombreux : en 2009, on compte près de 7 000 dossiers FSE et 536 783 participants (dont 282 328 femmes, soit 52,6 % du total). Ils se répartissent de la manière suivante :
- 20 % des participants sont des actifs occupés dont 3 % sont indépendants ;
- 59 % sont des demandeurs d'emploi dont 24 % sont des chômeurs de longue durée ;
- 20 % sont des inactifs.
Enfin, je signale que 60 % des participants ont une sortie positive vers un emploi ou une validation de leur formation. Pour vous donner une idée moins abstraite de l'utilisation des crédits du FSE, voici quelques exemples de projets financés avec les crédits du FSE. En Pays de Loire, le Conseil régional a missionné le CAFOC (Centre académique de formation continue) de Nantes pour réaliser une prestation portant sur le développement de l'individualisation des parcours de formation et le renforcement qualitatif et quantitatif de l'alternance dans le parcours des apprentis. En Auvergne, le FSE soutient « Handiformation », schéma régional destiné à faciliter l'accès à la formation et à l'emploi des personnes handicapées. En Nord-Pas-de-Calais, une opération spécifique s'est adressée à un public de détenus et de sortants de prison ; il s'agit d'un projet (R'Libre) visant à favoriser l'insertion sociale et professionnelle des personnes sous main de justice.
En Ile-de-France, le projet « Faire de l'égalité entre les hommes et les femmes une réalité dans l'entreprise » est dirigé par l'Union régionale CFDT Ile-de-France, et il vise à confier aux équipes syndicales la mission de négocier l'égalité professionnelle.
Les deux dossiers FSE types restent pourtant la formation à la coiffure ou le programme d'insertion professionnelle.
Après cette présentation générale du FSE, je voudrais vous parler de l'avenir du FSE. A l'occasion des négociations sur le prochain cadre financier pluriannuel (2014-2020), un débat sur la politique de cohésion et sur l'avenir s'est engagé avec l'idée d'une révision générale de l'audit en supprimant certaines autorités aujourd'hui obligatoires. Le débat s'est poursuivi avec les prises de position des commissaires intéressés préconisant une vraie réforme qui aurait pu aller jusqu'à sortir le FSE de la politique de cohésion et le transformer en fer de lance d'une politique européenne de l'emploi.
Mais aujourd'hui, ce débat semble clos et les positions sont concordantes, qu'il s'agisse de la Commission, du Parlement européen ou des États membres. Une simplification de la gestion des fonds FSE est nécessaire et un projet de réforme du règlement devrait voir le jour en septembre 2011.
Naturellement, au Parlement européen, les députés de la commission de l'emploi et des affaires sociales sont favorables à une augmentation des crédits du FSE, mais les circonstances ne s'y prêtent pas et on s'oriente vers un statu quo. Aujourd'hui, chacun s'accorde pour souhaiter le maintien du FSE tel qu'il existe et pour écarter toute idée d'une réforme drastique : on s'oriente plutôt vers une simplification de la mise en oeuvre et du contrôle.
On sait qu'une première modification du règlement financier a déjà été faite (forfaitisation des remboursements pour les dossiers inférieurs à 50 000 euros). Il faut poursuivre dans cette direction. Une simplification du contrôle est souhaitée par tous. Enfin, le coût administratif de la gestion est trop lourd.
On sait qu'en France, le coût moyen du montage d'un dossier oscille entre 1 500 euros et 2 000 euros, ce qui agit comme une puissante dissuasion auprès de nombreux acteurs. En effet, certains projets ne dépassent pas la barre des 2 000 euros, et la moitié des projets soutenus par le FSE en France ont des budgets inférieurs à 50 000 euros. En France, 1 000 personnes gèrent le FSE réparties entre 350 organismes intermédiaires ; cette organisation entraîne un coût excessif.
Sur les pistes de réforme et sur les problèmes soulevés lors des auditions, je me prononce dans le rapport et voici maintenant les conclusions auxquelles je parviens.
J'écarte l'option d'une renationalisation parce que je considère que le FSE conduit à mettre l'accent sur certains aspects parfois oubliés de la politique nationale de l'emploi, et surtout que l'actuel mécanisme de cofinancement conduit à provoquer la création de partenariats entre le public et le privé, comme entre le national et le local.
J'estime également qu'il est plus sage, faute de moyens suffisants, de circonscrire l'action du FSE à l'action déjà ambitieuse qui est la sienne avant d'envisager de le faire intervenir sur l'ensemble de la politique de l'emploi.
Sur l'idée de réserver les crédits du FSE aux pays les plus pauvres, je me range à l'avis que les effets de la crise actuelle montrent clairement que le chômage, et particulièrement celui des jeunes, est un fléau qui touche tous les États membres et, pour cette raison, je vous propose de maintenir l'actuelle clé de répartition des crédits FSE.
Quant à spécialiser le FSE dans la lutte contre la pauvreté, je considère que la lutte contre la pauvreté est une politique sociale nationale et que le FSE, par sa mission, y participe. Pour autant, on ne saurait lui imposer d'en faire sa priorité, car il n'a pas été créé pour compléter les minima sociaux mais pour conduire à l'emploi ceux qui ont été écartés du marché du travail ou risquent de l'être. En outre, restaurer l'employabilité permet aussi d'écarter l'exclusion et la pauvreté.
Sur la possibilité d'exonérer de l'obligation de cofinancement certains États membres, à l'exception du cas grec qui demande à être examiné plus attentivement selon la conjoncture, je ne suis pas favorable à l'exemption de l'obligation de cofinancement qui est un principe fondateur des fonds structurels.
La réforme à laquelle je suis favorable, c'est celle qui introduirait un partage proportionné de la responsabilité entre Bruxelles et les États et mettrait en place un contrat de confiance reposant plus largement sur un contrôle national. Aujourd'hui, il existe six contrôles et c'est au moins cinq de trop. Je salue la première réforme introduite par le règlement (remboursements forfaitaires pour les dossiers inférieurs à 50 000 euros), et appelle de mes voeux une simplification encore plus drastique qui permettrait l'établissement d'un guichet local unique et un renforcement du suivi des résultats qui, aujourd'hui, laisse à désirer.
On a parlé de la fusion du FSE avec le Fonds européen d'ajustement à la mondialisation (FEM). Je ferai remarquer que la mission accomplie par le FEM fait partie des missions déjà menées par le FSE. Mais si le FEM était fusionné au sein du FSE, il faudrait que les crédits du FEM (500 millions annuels) rejoignent ceux du FSE, ce qui n'est pas certain, et je préfère, pour des raisons tactiques évidentes, ne pas proposer la fusion des deux fonds.
Concernant la régionalisation du FSE sur le mode du FEDER, pour avoir rencontré l'ensemble des acteurs qui se sont tous prononcés en faveur de l'augmentation de leur part respective, je considère qu'il convient de conserver une gestion nationale à la fois déconcentrée et décentralisée des crédits du FSE dans le respect d'un principe de subsidiarité jouant entre l'échelon national et l'échelon local.
C'est pourquoi nous nous orientons seulement vers une simplification de la mise en oeuvre du FSE et un allègement des contrôles, modifications qui apparaîtront dans le projet de nouveau règlement du FSE qui nous sera proposé en septembre prochain.
Je remercie le rapporteur pour la clarté de son propos et l'intérêt de son analyse comme de ses conclusions. Le FSE est très mal connu de ceux qui en bénéficient, mais il est très bien connu de ceux qui le gèrent, c'est-à-dire des utilisateurs institutionnels du FSE.
C'est un travail difficile que celui de la gestion et de l'optimisation des fonds du FSE. Dans le Limousin, où j'ai une longue expérience, nous avons beaucoup fait pour les centres d'apprentissage grâce aux crédits du FSE et, entre autres choses, nous avons créé des internats pour les apprentis, car le logement était le problème le plus sensible.
C'est donc un fonds très utile et il faut le conserver malgré la complexité de son mode d'emploi.
Quant à la fusion du FSE et du FEM, je suis de l'avis du rapporteur. Le FEM est d'un usage plus occasionnel et plus spécifique, essentiellement lors de la fermeture d'une entreprise et, donc, il ne faut surtout pas les fusionner.
Quelles sont les régions qui bénéficient du FSE et selon quels critères ?
Toutes les régions selon des critères démographiques, de chômage et d'employabilité.
Oui, toutes les régions en bénéficient aujourd'hui, car il n'y a plus de zonage comme autrefois. De toute manière, le chômage est sensiblement le même partout.
Vous avez fait allusion à la difficulté de mobiliser les PME sur l'axe 1, mais les chambres consulaires et les chambres de métier n'ont-elles pas un rôle à jouer ? Quel type d'investissement peut-on faire avec le FSE ? Enfin, dernière question : qui sont les décideurs ?
J'ai noté une certaine tiédeur de la part des chambres consulaires qui ont effectivement un rôle à jouer et qui sont toujours consultées et sollicitées.
Le FSE ne permet pas d'investir : il s'adresse à la personne, mais il peut venir en complément d'un investissement FEDER pour la formation et l'employabilité liées à cet investissement.
Quant aux décideurs, ce sont le délégué général à l'emploi pour les projets nationaux et les SGAR, et les Conseils régionaux et généraux, ou du moins leurs services de l'emploi, pour les projets locaux.
À l'issue du débat, la commission a autorisé, à l'unanimité, la publication du rapport, paru sous le numéro 691 et disponible sur Internet à l'adresse suivante :
www.senat.fr/europe/rap.html
Il y a un peu plus d'un an, Gérard César et moi-même avions proposé à notre commission, qui l'avait adopté, un rapport d'information sur les relations entre l'Union européenne et l'Ukraine intitulé : « L'Ukraine redevient-elle un partenaire fiable pour l'Union européenne ? ». Dans la continuité de ces travaux, nous avons souhaité vous proposer un nouveau rapport sur ce sujet. Ses nombreuses activités ont empêché notre collègue Gérard César de se joindre à moi pour mener cette mission, ce que je regrette.
Pourquoi maintenant ?
L'année 2011 est une année importante pour l'Ukraine. Cette jeune démocratie va fêter le vingtième anniversaire de son indépendance : elle avait été proclamée le 24 août 1991, puis approuvée par plus de 90 % de votants lors du référendum du 1er décembre de la même année. Par ailleurs et de façon plus anecdotique, l'Ukraine a fêté hier le 15e anniversaire de sa Constitution.
L'année 2011 pourrait aussi être une année majeure dans les relations de ce pays avec l'Union européenne. Les négociations ouvertes en mars 2007 pour conclure un accord d'association pourraient aboutir à la fin de cette année. C'est du moins le souhait de la Commission européenne et des autorités ukrainiennes.
Enfin, un premier bilan peut être tiré de la présidence de Viktor Ianoukovitch, revenu au pouvoir en 2010, après que des conflits répétés à la tête de l'État ont chassé du pouvoir les vainqueurs de la « Révolution orange », Viktor Iouchtchenko et Ioulia Timochenko.
L'UKRAINE A VINGT ANS
Les élections présidentielles de 2010 ont constitué un test réussi pour la démocratie ukrainienne. L'organisation, le déroulement et le résultat du scrutin ont permis à l'Ukraine d'afficher une certaine maturité politique, saluée par les observateurs internationaux. Cependant, dans le rapport qu'elle a fait sur l'Ukraine dans le cadre de la Politique de voisinage, la Commission européenne s'inquiète de certains développements qui ont marqué le début de mandat du Président Ianoukovitch.
Le 31 octobre 2010, l'Ukraine organisait les premières élections locales séparées de tout scrutin national. L'adoption d'une loi visant à permettre au parti au pouvoir, le Parti des régions, de gagner des voix, seulement quelques semaines avant le scrutin, a eu pour conséquence de désorganiser les bureaux de vote en autorisant notamment le retrait de certains candidats juste avant les élections. Cette loi votée à la hâte est apparue comme une régression démocratique et a été dénoncée par le Conseil de l'Europe.
Par ailleurs, il est communément admis que le Président Ianoukovitch est entouré d'oligarques, qui n'ont pour seul but que de préserver et faire fructifier leurs intérêts financiers. Or, un pas a été franchi en ce sens qui a attiré la colère de Bruxelles. Alors que la Commission avait fait pression sur l'Ukraine pour que soit adoptée une loi sur les achats publics, secteur jugé très corrompu, une série d'amendements a élargi la liste des marchandises et services pouvant être commandés sans appel d'offres, et notamment des services publics comme l'approvisionnement en eau, en gaz... Face à cette dérive, l'Union européenne a suspendu le versement de la première tranche de 31 millions d'euros d'un don de 100 millions d'euros destinés à la modernisation des secteurs de l'énergie et des transports ukrainiens. Et même si par la suite, le Gouvernement ukrainien s'est engagé à faire adopter de nouveaux amendements, cette affaire est le signe d'une tentative d'utilisation du pouvoir au profit de la protection d'intérêts privés. La collusion entre milieux d'affaires et vie politique est toujours une réalité en Ukraine et entraîne une désaffection populaire pour la classe politique et la démocratie.
Enfin, la Commission européenne constate qu'il existe toujours des atteintes aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales, voire des aggravations dans certains domaines qui ont amené le commissaire chargé de l'élargissement, Stefan Füle, à déclarer le 20 octobre 2010 : « Nous sommes préoccupés des rapports réguliers et multiples sur la détérioration du respect des droits fondamentaux et des principes démocratiques en Ukraine. Ce qui nous inquiète en plus, ce sont les plaintes sur des violations de la liberté de la presse, de rassemblement et d'association ». Il a ajouté que « le respect de ces valeurs fondamentales est essentiel ». Ce sont des valeurs sur lesquelles, l'Union européenne « n'est pas prête à faire des compromis ».
Pour sa part, le Parlement européen, dans une résolution du 9 juin 2011, dénonce une justice sélective visant les membres de l'ancien gouvernement et, en premier lieu, son chef, Ioulia Timochenko, dont le procès s'est ouvert il y a quelques jours. Mme Timochenko est accusée d'abus de pouvoir et de détournement de fonds et risque entre 7 et 12 ans de prison.
L'ensemble de ces points nous rappelle que l'Ukraine est une jeune démocratie, encore en devenir. Mais elle doit comprendre que la multiplication des atteintes aux libertés fondamentales est un frein à son rapprochement avec l'Union européenne.
Et pourtant les autorités font preuve de volontarisme pour moderniser le fonctionnement de l'État et répondre aux demandes internationales en ce sens.
Ainsi en est-il, par exemple, des réformes de l'État de droit qui font l'objet d'une étude des co-rapporteurs de la « commission de suivi » de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. Les auteurs de l'étude apportent leur soutien aux réformes importantes engagées par l'Ukraine, tant en matière constitutionnelle, qu'électorale ou encore concernant la procédure pénale.
Cependant, ils regrettent l'abandon d'un code électoral unifié au profit d'un projet de loi concernant les seules élections législatives de 2012. Et d'autre part, ils font remarquer qu'à côté de la commission pour le renforcement de la démocratie, commission indépendante et pluraliste créée pour piloter la réforme constitutionnelle, a été créé un comité d'experts dépendant du gouvernement.
Dans le même temps, l'Ukraine a mené ou engagé des réformes ambitieuses, en réponse aux demandes du FMI et de l'Union européenne. En effet, bien qu'elle semble sortir de la crise, l'Ukraine reste fortement soutenue par la communauté internationale. Mais cette aide n'est pas sans exigences, notamment celle de réformes structurelles importantes dans le but d'assurer la viabilité de l'État ukrainien. On peut citer deux réformes emblématiques : celle des retraites, réforme difficile à accepter pour la population, puisqu'elle prévoit une augmentation des cotisations ; celle de l'administration qui devrait améliorer son efficacité, tout en réduisant son coût, puisqu'une réduction de 30 % du nombre de fonctionnaires est prévue ; et enfin celle du secteur gazier, question complexe car elle touche aux relations de l'Ukraine avec la Russie.
Si, pour les institutions internationales, beaucoup de ces réformes ne sont pas assez rapidement adoptées, nous savons bien que des réformes aussi difficiles sont longues à mettre en oeuvre.
UNE ANNÉE DÉTERMINANTE POUR LES RELATIONS ENTRE L'UNION EUROPÉENNE ET L'UKRAINE
L'Ukraine a fait le choix plus assumé de l'Union européenne. Pour cela, il lui faut normaliser ses relations avec la Russie. Elle souhaite ne plus être traitée par Moscou comme du temps de l'Union soviétique et veut être reconnue comme un État souverain. Néanmoins, elle a multiplié les signes d'apaisement à l'égard de son voisin.
Ainsi, la flotte russe sera maintenue en Mer Noire jusqu'en 2042. Son bail à Sébastopol, en Crimée, est prolongé de 25 ans. Je rappelle que la Crimée a été donnée à l'Ukraine par Nikita Khrouchtchev. C'est une terre russophone et russophile, pour ne pas dire russe. Lors de mon déplacement, le 9 mai dernier, jour anniversaire de la libération du joug nazi par les soviétiques en 1945, j'ai été frappé de voir des drapeaux rouges, avec faucille et marteau, flotter à côté des drapeaux ukrainiens et d'entendre des gens crier : « Vive Staline » !
Il faut savoir qu'une loi avait été adoptée peu de temps avant pour autoriser les drapeaux rouges. Son adoption a d'ailleurs engendré des débordements à l'autre bout du pays, à Lviv, où le nationalisme ukrainien se développe fortement, et notamment sur la base d'un sentiment anti-russe. Mais en Crimée, on m'a expliqué que Staline et les soviétiques sont vus comme les libérateurs, ceux qui ont chassé les occupants nazis. Et de fait, un fort sentiment pro-russe demeure.
Pour sa part, la Russie fait pression sur l'Ukraine pour qu'elle intègre la zone de libre-échange qu'elle souhaite créer avec la Biélorussie et le Kazakhstan et a encore refusé, tout récemment, une réduction de la facture gazière ukrainienne. Malgré cela, aujourd'hui, l'ensemble de la société ukrainienne est désormais favorable à un rapprochement avec l'Union européenne. Même en Crimée, où comme je le disais, l'identité russe est très présente, j'ai pu me rendre compte que la population voulait un rapprochement avec l'Union européenne. J'ai souhaité rendre visite à l'Alliance française de Sébastopol et la quasi-totalité des étudiants que j'y ai rencontrés m'ont affirmé vouloir que l'Ukraine rentre dans l'Union européenne.
Enfin et surtout, les dirigeants ukrainiens semblent enfin se donner les moyens de ce rapprochement.
LA PRÉSENCE DE L'UE EN UKRAINE
Bien que les Ukrainiens n'apprécient pas la Politique de voisinage, car ils estiment qu'elle les maintient aux marges de l'Union européenne, celle-ci a renforcé la présence de l'Union européenne en Ukraine. Non seulement, elle apporte une aide financière conséquente à l'Ukraine, mais c'est dans son cadre, qu'a été adopté un plan d'action pour la libéralisation des visas dont je voudrais dire un mot.
Lors de notre déplacement l'an dernier, Gérard César et moi-même avions été surpris des conditions draconiennes imposées aux Ukrainiens pour l'obtention des visas de court terme dans l'Union européenne. C'est pourquoi la commission des affaires européennes du Sénat avait plaidé pour que l'Union européenne fasse un geste supplémentaire envers l'Ukraine et qu'une feuille de route vers un régime sans visas, assortie de critères précis, soit octroyée aux Ukrainiens.
A défaut d'une feuille de route, le sommet UE-Ukraine du 22 novembre 2010 a adopté un « plan d'action pour les visas ». Ce document décrit en détail les mesures techniques que l'Ukraine devra prendre si elle veut bénéficier, un jour, de la suppression des visas pour les séjours de courte durée sur le territoire de l'Union européenne.
Je souhaite cependant faire remarquer que seul un objectif de long terme a été fixé. Lors de mes échanges avec des représentants ukrainiens, j'ai pu mesurer combien ce sujet des visas est pour eux un motif de crispation. Il me semble qu'un objectif de moyen terme raisonnable, la mi-2012, permettrait d'extraire ce sujet conflictuel des discussions avec l'Ukraine.
Par ailleurs, l'année 2011 devrait marquer la signature d'un accord d'association entre l'Ukraine et l'Union européenne. Des négociations ont été ouvertes en mars 2007 et si elles sont restées bloquées lors de la fin du mandat de M. Iouchtchenko, tant la Commission européenne que l'Ukraine souhaitent que l'accord d'association soit signé avant la fin de l'année 2011.
Le volet politique a été adopté sous présidence française au prix d'un compromis difficile lors du sommet UE-Ukraine à Paris en septembre 2008. Il n'a pas été modifié depuis. Les négociations pour un accord de libre-échange approfondi et complet (ALEAC) pourraient prendre fin durant l'été. Certains points sensibles sont encore en discussion comme la question des quotas sur les importations de céréales ukrainiennes, la sécurité énergétique, le transport routier et un sujet qui intéresse particulièrement la France, les indications géographiques. Cela concerne notamment le cognac, le champagne et le cahors. Il y a une grande production en Ukraine d'alcools appelés « cognac », « champagne » ou encore « cahors » complètement éloignée de toute notion d'origine géographique. Un compromis semble avoir été trouvé, sauf pour le « cahors » qui est utilisé dans certaines cérémonies orthodoxes en Ukraine.
La question des perspectives européennes de l'Ukraine divise encore les États membres. Alors qu'à Paris en 2008, le Conseil avait reconnu que l'Ukraine est un pays européen et qu'acte était pris « des aspirations européennes de l'Ukraine », il n'y a pas de majorité actuellement pour une avancée supplémentaire. La France, l'Allemagne, les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg, l'Autriche et l'Espagne sont opposés à la mention d'une perspective d'adhésion. En revanche, la Suède, le Royaume-Uni et la plupart des nouveaux États membres (Pologne, Lettonie, Lituanie, Hongrie, Slovaquie, Slovénie, République Tchèque) souhaitent que le préambule de l'accord soit plus ambitieux dans la prise en compte des aspirations européennes de l'Ukraine.
Bien entendu, cela nous amène à la question plus générale d'un nouvel élargissement. L'Union européenne y est-elle prête ? C'est une chose d'intégrer un pays comme la Croatie qui comprend un peu moins de cinq millions d'habitants, c'en est une autre de voir adhérer l'Ukraine et ses 45 millions d'habitants. Mais, je ne crois pas qu'il faille craindre un afflux massif de ressortissants ukrainiens. Par exemple, il existe une forte communauté ukrainienne au Portugal qui s'est très bien intégrée et cela ne pose aucun problème.
Lorsque nous abordons l'Ukraine, nous devons éviter toute approche manichéenne selon laquelle le camp « orange » serait démocratique et pro-européen, tandis que le Parti des régions serait peu respectueux des droits de l'homme et excessivement proche de la Russie. La situation est plus nuancée. Certains responsables ukrainiens ont eu tendance à instrumentaliser le nationalisme à des fins politiques. Il n'en demeure pas moins que l'Ukraine connaît différents clivages, par exemple linguistiques et religieux, les catholiques se situant plutôt à l'ouest du pays tandis que les orthodoxes, dont il existe de nombreuses obédiences, sont plus nombreux à l'est et au sud.
Je pense intimement que les Ukrainiens sont des Européens et il me semble que nous devons continuer à les aider à progresser. C'est pourquoi je propose que la Commission européenne, dans la continuité du dialogue instauré pour l'adoption de l'accord d'association, s'engage à travailler avec l'Ukraine afin de lui permettre de satisfaire aux critères lui permettant de prétendre au statut de pays candidat à l'adhésion.
Je voudrais remercier notre collègue pour la qualité de son rapport, objectif, équilibré et dynamique. Par ailleurs, je regrette de n'avoir pu continuer, cette année, notre collaboration dans l'étude de ce pays.
Comme on le voit, aujourd'hui, l'Ukraine ne satisfait pas aux critères d'adhésion à l'Union européenne. Le fonctionnement de la justice notamment n'est pas encore au niveau de ce que l'Europe demande. Or, ces exigences avaient déjà posé problème pour des pays comme la Bulgarie et la Roumanie. Et nous constatons que ces problèmes demeurent encore aujourd'hui. De ce fait et pour d'autres raisons encore, l'Union européenne connaît une forme d'essoufflement face aux difficultés rencontrées dans l'intégration des derniers pays entrés.
La question que je pose est la suivante : quand l'Ukraine sera en mesure de prétendre à l'adhésion, peut-on envisager une Europe qui s'étendra jusqu'aux frontières de la Russie ?
Dans le cadre de la Politique de voisinage, l'Ukraine bénéficie du Partenariat oriental. Elle y est associée à cinq de ses voisins : la Moldavie, la Biélorussie, l'Arménie, la Géorgie et l'Azerbaïdjan. J'aimerais savoir si, dans l'hypothèse où elle satisfait aux critères d'adhésion, l'Ukraine peut entrer seule dans l'Union européenne ou bien s'il faut qu'elle attende que ses voisins puissent, eux aussi, prétendre à l'adhésion ?
La procédure d'adhésion et de préadhésion est propre à chaque pays.
L'Ukraine n'apprécie pas la Politique de voisinage, car elle estime qu'elle la maintient dans une sorte d'«antichambre» européenne. Elle préfère le Partenariat oriental, qui offre plus de contacts bilatéraux. Et plus encore, elle préfère signer l'accord d'association.
La question du rapprochement de l'Ukraine et de l'Union européenne passe par la perspective d'adhésion. L'Ukraine la souhaite et la Commission européenne aimerait que l'Union fasse une annonce en ce sens lors du prochain sommet UE-Ukraine, mais il n'y a pas de majorité au Conseil pour cela.
Pourtant, quand on parcourt ce pays, qu'on rencontre sa jeunesse, on se dit que l'Union européenne aurait à gagner à une adhésion de l'Ukraine. Lors de ma visite à l'alliance française de Sébastopol, j'ai été frappé de voir qu'avec peu de moyens, des initiatives étaient prises pour permettre aux élèves d'aller en Europe. C'est grâce à ces échanges, à cette sensibilisation, que l'Europe se fera !
Un certain nombre de pays se trouve déjà dans une phase de préadhésion à l'Union européenne. Nous avons parlé hier de la Turquie ; je pense aussi à l'ARYM, l'Ancienne République Yougoslave de Macédoine. Peut-on imaginer que l'Ukraine adhère à l'Union européenne avant ces pays ?
Pour ce qui est de l'ARYM, le principal problème concerne ses relations avec la Grèce. En tant que président du groupe d'amitié France-Grèce, c'est un problème que je connais bien. Aujourd'hui, l'adoption du nom de Macédoine cristallise l'opposition de la Grèce à un rapprochement de cet État avec l'Union européenne.
Mais, tout comme la Moldavie, l'ARYM est un petit pays par sa superficie et par sa population. S'ils satisfont aux standards européens, leur entrée dans l'Union pourrait se faire, comme pour la Croatie, sans crainte d'une déstabilisation de l'ensemble. C'est plus compliqué pour l'Ukraine, qui est un pays de 45 millions d'habitants et dont la surface est plus grande que celle de la France.
Enfin, pour faire écho au rapport qu'a présenté notre collègue Yves Pozzo di Borgo la semaine dernière sur la Russie, pays avec lequel l'Europe devra travailler davantage à l'avenir, je dirais que je vois l'Ukraine comme un pont entre ces deux grands ensembles.
Je souhaitais faire une remarque sur notre méthode de travail. Je trouve très intéressant le travail de nos rapporteurs qui consiste à analyser le comportement d'un pays et de suivre son évolution. En complément, j'aimerais avoir une vision plus globale. Je trouverais pertinent de disposer d'une étude d'ensemble des pays candidats à l'adhésion européenne, que ce soit les Balkans d'une part, et les pays du Partenariat oriental d'autre part. Et nous pourrions alors nous poser la question de savoir s'il vaut mieux un nouvel élargissement de l'Union européenne ou un approfondissement de l'intégration européenne.
La commission pourrait envisager de rencontrer le commissaire chargé de l'élargissement et de la politique de voisinage.
À l'issue du débat, la commission a autorisé la publication du rapport, paru sous le numéro 692 et disponible sur Internet à l'adresse suivante :
www.senat.fr/europe/rap.html
Je souhaite évoquer devant notre commission deux sujets de préoccupation concernant la politique agricole commune.
D'une part, la Commission européenne a décidé de diminuer de plus des trois quarts le montant de l'aide alimentaire aux associations d'aides aux plus démunis et aux banques alimentaires. J'ai été saisie par plusieurs de ces associations qui s'inquiètent. Même si cette décision fait suite à un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne, les besoins demeurent, voire augmentent. Dans ma commune, la sollicitation des « Restos du coeur » est en hausse ces dernières années et le nombre de bénéficiaires est important.
D'autre part, je voulais attirer l'attention de notre commission sur ce qui se dessine concernant l'avenir de la PAC. Le Parlement européen a voté un rapport très amendé, mais proche des positions de la Commission, ce qui devrait permettre au commissaire Ciolos de faire des propositions législatives intéressantes à la rentrée. Mais les échos que j'ai concernant les perspectives financières pour la période 2014-2020 rapportent une diminution des crédits de la politique de développement rural, le deuxième pilier de la PAC. Or, je rappelle que ces crédits ont déjà diminué de 35 % par rapport à la période précédente. Je trouve inquiétant qu'une nouvelle baisse de cette enveloppe soit évoquée. Et je me demande s'il ne serait pas bon que notre commission adopte une position sur ce sujet.
Sur le premier point que vous évoquiez, vous savez que lorsque ce fond a été créé, l'aide alimentaire était basée sur des surplus de production agricole. Face à la baisse des surplus, la Commission européenne avait trouvé le moyen d'abonder ce fonds, hors surplus, en achetant des denrées sur les marchés. Estimant que l'Union européenne s'était par trop éloignée de la politique de départ, l'Allemagne a déposé un recours devant la Cour de justice, qui lui a donné raison. Cela nous met dans une situation difficile, peut-être pas pour la campagne 2011, mais dès 2012. Face à cela, le gouvernement français semble très mobilisé : il y a eu une déclaration du Président de la République et de Benoist Apparu et j'ai moi-même écrit une lettre au ministre de l'agriculture demandant la continuité de cette action.
Je propose que notre commission se saisisse rapidement de ce sujet afin de voir comment agir auprès de la Commission européenne. Par ailleurs, cette question de l'aide alimentaire a été évoquée lors du G20 agricole et on a vu que c'est un problème qui se pose au niveau national, au niveau européen et aussi au niveau mondial. Il faut agir sur tous les aspects.
Concernant le deuxième point évoqué par Bernadette Bourzai, les perspectives financières feront l'objet d'un rapport de notre collègue François Marc lors de notre prochaine réunion, le 6 juillet prochain. Vous pourrez alors soulever la question du financement de la politique de développement rural.