Intervention de François Marc

Commission des affaires européennes — Réunion du 3 décembre 2014 à 17h05
Économie finances et fiscalité — Procédure européenne d'examen des budgets nationaux - communication de mme fabienne keller et de m. françois marc

Photo de François MarcFrançois Marc :

Le 28 novembre dernier, la Commission européenne a rendu son avis sur les projets de budgets des États membres de la zone euro. Pour la deuxième année consécutive, sont ainsi mises en application les nouvelles règles issues du fameux two pack : c'est ainsi que l'on désigne les deux règlements européens, qui ont été adoptés en mai 2013, au plus fort de la crise, pour renforcer l'encadrement des politiques budgétaires des États de la zone euro. En effet, si on laisse diverger les politiques budgétaires de ces États alors qu'ils partagent la même politique monétaire, on met la zone euro en péril.

L'objectif de notre communication à deux voix, avec Mme Keller, est d'évoquer aujourd'hui cette nouvelle procédure de surveillance budgétaire. Je me propose de vous la rappeler à grands traits et de faire un bilan de son application ces deux dernières années. Mme Keller parlera ensuite du cas français, qui nous intéresse directement.

L'adoption du two pack représente une évolution importante de la surveillance budgétaire, qui reposait jusque-là sur le seul pacte de stabilité conclu en 1997 : on passe en effet de l'évaluation ex post à des recommandations ex ante.

Concrètement, les nouvelles règles instituent d'abord un calendrier budgétaire commun à la zone euro. Ainsi est-il prévu que les États rendent public, le 30 avril au plus tard, leur plan budgétaire national à moyen terme, en même temps que leur programme de stabilité - dont il reprend les éléments - et leur programme national de réforme et qu'ils publient, le 15 octobre au plus tard, leur projet de budget pour l'année suivante et soumettent à la Commission européenne et à l'Eurogroupe un projet de plan budgétaire, fondé sur des prévisions macroéconomiques indépendantes. En outre, les États membres adoptent le budget pour l'année à venir, le 31 décembre au plus tard.

Entre temps, les projets de plans budgétaires sont soumis pour examen à la Commission : c'est la principale innovation introduite par le two pack. Elle doit formuler son avis, pays par pays, pour le 30 novembre au plus tard. On est allé cette année au bout du temps imparti.

Si la Commission décèle un manquement particulièrement grave aux obligations découlant du Pacte de stabilité et de croissance, elle doit adopter son avis dans les deux semaines suivant la transmission du projet de plan budgétaire ; elle demande alors qu'un projet révisé lui soit soumis dès que possible. Ce cas ne s'est encore jamais présenté, pour l'instant du moins.

C'est donc, cette année, le 28 novembre que la Commission a rendu publics ses avis sur les projets de plans budgétaires. Ils doivent prochainement être soumis à l'Eurogroupe.

Autre innovation du two pack : les pays en déficit excessif doivent présenter un programme de partenariat à la Commission européenne. Ce programme de partenariat économique décrit les mesures et les réformes structurelles qui ont été ou seront engagées, pour assurer une correction effective et durable des déficits excessifs. Il s'agit, en quelque sorte, d'une actualisation du programme de stabilité et du programme national de réforme, pour tenir compte des recommandations formulées par le Conseil de l'Union européenne à la fin du semestre européen. Ce programme de partenariat économique fait également l'objet d'un avis de la Commission.

Comment cela s'articule-t-il avec la procédure pour déficit excessif, dont, je vous le rappelle, la France fait l'objet avec plusieurs autres États membres ? C'est une question d'actualité. Il est prévu que ce programme de partenariat soit présenté en même temps que le « rapport sur l'action engagée » que doit présenter tout pays sous procédure de déficit excessif, en réponse à la recommandation du Conseil : ce rapport indique, pour les dépenses et les recettes, les objectifs fixés conformément à cette recommandation du Conseil. Il apporte aussi des informations sur les mesures déjà prises et sur la nature de celles qui sont envisagées pour atteindre ces objectifs. La France a fait le choix de faire figurer dans un document unique tout à la fois le projet de plan budgétaire, le rapport sur l'action engagée en réponse à la recommandation issue de la procédure de déficit excessif et le programme de partenariat économique ; il s'agit du rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances.

Quel bilan peut-on tirer de cette procédure après deux exercices ? Évidemment, les circonstances ont été particulières à chaque fois : l'an dernier, c'était la première mise en oeuvre du dispositif, et en plus cette première fois reposait sur une Commission européenne en fin de mandat ; et cette année, c'est à nouveau une première, cette fois-ci pour la nouvelle Commission qui vient d'être mise en place.

Nous avons pu nous entretenir avec les services de la Direction Générale compétente de la Commission européenne pour avoir un retour d'expérience. Ils nous ont indiqué la difficulté qu'il y avait à dresser aujourd'hui un bilan des nouvelles règles de gouvernance économique : en effet, la valeur ajoutée de ce nouveau cadre réglementaire tient à son volet préventif, puisqu'il doit aider à détecter à un stade précoce les risques de non-respect des règles du pacte par un État membre. Or le bon fonctionnement de ce volet préventif n'a pas pu être vérifié en raison du contexte de crise financière et économique très sévère de ces derniers mois.

Le two pack lui-même prévoyait que la Commission soumette au Parlement européen et au Conseil avant le 14 décembre 2014 un rapport sur son application. Ce rapport devait évaluer notamment l'efficacité de ce règlement, les progrès réalisés, en ce qui concerne la coordination des politiques économiques et la convergence des performances économiques des États membres, ainsi que la contribution du règlement à la réalisation de la stratégie de l'Union pour la croissance et l'emploi.

Le 28 novembre 2014, la Commission a rempli cette tâche en publiant un rapport plus large, qui dresse en fait un bilan global de l'application des nouvelles règles de gouvernance économique, celles issues du two pack mais aussi celles issues du six pack adopté fin 2011. Le bilan qu'elle en tire est globalement positif : le déficit budgétaire moyen de l'Union européenne à 28 est passé de 4,5 % du PIB en 2011 à environ 3 % estimés pour 2014. De même, alors que fin 2011, 23 des 27 États membres étaient soumis à une procédure pour déficit excessif, ce chiffre était tombé à 11 sur 28 à la fin du mois d'août 2014. Mais la croissance reste fragile, le chômage élevé et les défis économiques demeurent importants.

Concernant la surveillance budgétaire, la Commission observe qu'aucune sanction n'a été infligée aux pays violant les règles du pacte de stabilité ; ses services nous ont indiqué que, même si elles étaient prévues par le règlement, les sanctions seraient vécues comme punitives par un État, ce qui ne serait pas très constructif pour aider cet État à sortir de l'ornière budgétaire. Je leur ai en outre fait observer que les sanctions prévues étant financières, elles ne feraient que creuser encore le déficit de l'État sanctionné, ce dont ils sont convenus.

Mais la Commission relève qu'au moins, la nouvelle procédure consistant à soumettre les budgets à l'avis de la Commission a accru la pression en faveur d'une correction des déficits excessifs. Elle souligne aussi l'importance des programmes de partenariat qui sensibilisent davantage les décideurs politiques à la corrélation entre les réformes structurelles et la viabilité budgétaire. Surtout, elle se félicite qu'aient été créés, ou au moins renforcés, dans les États de la zone euro, des organismes chargés d'assurer un contrôle indépendant sur le respect des règles budgétaires et d'établir des prévisions macroéconomiques indépendantes. Je rappelle que, pour la France, cet organisme est le Haut Conseil des Finances publiques, qui a été créé fin 2012. C'est, pour nous autres parlementaires, un instrument précieux qui nous offre une contre-expertise indépendante du scénario budgétaire du Gouvernement, ce qui éclaire notre examen du projet de loi de finances. Le Haut Conseil a d'ailleurs reconnu comme plausibles les hypothèses sur lesquelles le Gouvernement avait élaboré son budget cette année.

La Commission n'hésite pas à souligner par ailleurs la complexité des nouvelles règles de surveillance économique et budgétaire : elle est consciente que cela rend difficile leur mise en oeuvre, la communication à ce sujet et donc l'appropriation des politiques. Elle insiste sur la nécessité de leur donner plus de légitimité démocratique et appelle à cette fin les parlements nationaux à prendre pleinement part à l'exercice. Mais, si les réunions entre les parlementaires nationaux et leurs homologues européens doivent être encouragées, encore faut-il qu'elles aboutissent à quelque chose de concret !

Je laisse maintenant la parole à Mme Keller pour ce qui concerne le cas de la France dans cette procédure de surveillance budgétaire.

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